Les privilèges d'Ancien Régime et les inégalités d’aujourd’hui : vers 1789 ? Actuel
mercredi 14 février 2007La marche et le rassemblement des doléances, depuis octobre 2006, viennent d’aboutir à la dénonciation des inégalités sociales grandissantes. Rappelons que, dès le départ en janvier 2006, pour le collectif ACLEFEU, "Ce terme de doléances, c'est évidemment pour rappeler 1789. Pour nous, les privilèges n'ont pas toujours été abolis dans ce pays".
Parmi les diverses doléances rassemblées, publiées par Libération et reprises dans la dernière parution de France-Mail-Forum, revue électronique dont nous avons déjà signalé l’intérêt à propos du récent mouvement antiCPE pour un public à la fois germanophone et francophone, l’accent est bien mis sur les inégalités sociales, soit les exemples suivants :
Un homme de 26 ans: « L'école amplifie les inégalités sociales. Base de toute société, l'éducation est organisée sur des choses profondément ségrégationnistes, on aboutit à un système scolaire qui, au lieu de lutter contre les inégalités sociales et scolaires, les amplifie et les entérine. Il faut une remise en cause de la carte scolaire, atteindre une réelle égalité des chances et pas sur un fond de commerce démagogique comme le thème tend à le devenir.»
Une femme de 24 an: « Le fossé entre propriétaires et précaires se creuse. Il y a de plus en plus de personnes exclues, les jeunes et les personnes d'origine étrangère sont les plus touchées. L'individualisme et la concurrence sont les moteurs du capitalisme, et les violences s'accentuent au fur et à mesure que le fossé entre propriétaires et précaires se creuse.».
De même, notre attention se porte, dans un entretien avec Patrick Savidan, co-auteur de L’Etat des inégalités en France (2007), sur une manière fort douteuse de présenter les inégalités en France, où l’on s’évertue tout particulièrement de ne pas prendre en compte les revenus du patrimoine.
Patrick Savidan s’inquiète ainsi du fait "qu’on ne s’intéresse pas aux femmes dans ce pays. On s’intéresse à la parité, c’est très bien, mais on a toujours une approche un peu cosmétique des inégalités. Ainsi, quand on compare le salaire des hommes et des femmes, on avance une différence de 19 % à 20 %, mais on ne tient compte que des salariés à temps complet ! Si on intégrait les périodes de chômage et le temps partiel, les écarts de revenus entre les hommes et les femmes seraient très importants, autour de 40 %. En fait, on ne parle jamais du système global des inégalités. Ni du fait qu’elles se cumulent et qu’elles sont aggravées pour certaines catégories de la population." Un constat qui peut être étendu de façon générale à une façon bien pernicieuse de ne pas prendre en compte ce qui, à côté du salaire à temps complet, suscite toutes sortes d’inégalités dans les revenus.
Faut-il alors vraiment proposer "une synthèse entre l'Ancien Régime et la Révolution française" reconductible des nouveaux privilèges, comme le propose actuellement la droite française, ou en revenir à la rupture de 1789 ?
Dans la synthèse que propose ACLEFEU, en préambule des cahiers rassemblés, il est clairement dit: "A l’instar des sans culottes de la révolution française de 1789, notre démarche vise à faire remonter l’expression populaire auprès des édiles de la nation. L’histoire semble se répéter ; aujourd’hui comme hier, la notion centrale de la Révolution est clairement perceptible dans ces cahiers : l’Égalité. Force est de constater que les semblants de tentatives successives de réduction des inégalités des différents gouvernements ont échoué, se heurtant tous au mur des privilèges." Et d'en conclure par une vaste liste de propositions qui mettent toutes l'accent sur le fait que "les cahiers de doléances sont l’expression d’une criante et désespérée demande de justice" et marque aussi "un très fort désir d’implication citoyenne", par comparaison avec "une politique traditionnelle très décriée". (J.G.)