Les ambiguïtés du peuple Annonces
par Gérard Bras, Professeur de Khâgne, ancien Directeur de programme au Collège International de Philosophie
Introduction de l'ouvrage, Les ambiguïtés du peuple, Nantes, Editions Plein Feux, 2008.
« Peuple: nom collectif difficile à définir, parce qu'on s'en forme des idées différentes dans les divers lieux, dans les divers temps et selon la nature des événements » (Encyclopédie, article 'Peuple").
« Par le terme de peuple (populus), on entend la masse des hommes réunis en une contrée, pour autant qu'ils constituent un tout. Cette masse, ou les éléments de cette masse à qui une origine commune permet de se reconnaître comme unie en une totalité civile, s'appelle nation (gens); la partie qui s'exclut de ces lois (l'élément indiscipliné de ce peuple) s'appelle la plèbe (vulgus); quand elle se coalise contre les lois, c'est la révolte (agere per turbas): conduite que la déchoît de sa qualité de citoyen » (Kant, Anthropologie d'une point de vue pragmatique, Traduction M. Foucault, Paris, Vrin, 1970).
« Mirabeau: On a cru m’opposer le plus terrible dilemme en me disant que le mot peuple signifie nécessairement ou trop ou trop peu, que si on l’explique dans le même sens que le latin populus, il signifie nation (…), que si on l’entend en un sens plus restreint comme le latin plebs, alors il suppose des ordres, des différences d’ordre et que c’est là ce que nous voulons prévenir. On a même été jusqu’à craindre que ce mot ne signifiât ce que les Latins appelaient vulgus, ce que les aristocrates tant nobles que roturiers appellent insolemment la canaille. A cet argument, je n’ai que ceci à répondre. C’est qu’il est infiniment heureux que notre langue dans sa stérilité nous ait fourni un mot que les autres langues n’auraient pas donné dans leur abondance (…) un mot qui ne puisse nous être contesté et qui dans son exquise simplicité nous rende cher à nos commettants sans effrayer ceux dont nous avons à combattre la hauteur et les prétentions, un mot qui se prête à tout et qui, modeste aujourd’hui, puisse grandir notre existence à mesure que les circonstances le rendront nécessaire, à mesure que, par leur obstination, par leur faute, les classes privilégiées nous forceront à prendre en main la défense des droits nationaux et de la liberté du peuple » (1).