La Russie mise en "Lumières" Annonces
Introduction de l'ouvrage de Marc Belissa, La Russie mise en "Lumières". Représentations et débats autour de la Russie dans la France du XVIIIe siècle, Paris, Kimé, 2010.
Parmi les "idées reçues" sur la Russie recensées dans un petit livre récent (1) , on retrouve quelques topoi, forcément entendus ici ou là dans une conversation mondaine ou dans une "brève de comptoir" : la Russie est un pays aussi asiatique qu'européen… Les Russes ont l'âme slave… La Russie est archaïque… Les Russes sont toujours saouls… Les Russes aiment les pouvoirs despotiques… Les Russes sont brutaux… On pourrait continuer la liste indéfiniment tant ce type de lieux communs abondent toujours à l'ouest de l'Europe !
Ce qui est plus étonnant est de constater que nombre de textes de l'époque moderne, dès le XVIe siècle, et plus encore à partir du XVIIIe siècle quand la Russie fait réellement son "entrée en Europe", développaient déjà les mêmes idées reçues (avec, certes, quelques variantes). Ainsi, le capitaine Jacques Margeret au début du XVIIe siècle écrivait que les Russes étaient rudes, grossiers et sans politesse. A la fin du même siècle, le diplomate Foy de la Neuville ajoutait qu'ils n'étaient que des esclaves barbares, défiants et cruels. A la fin du XVIIIe siècle encore, le Dictionnaire universel de Jean-Baptiste Robinet reprenait l'antienne de la barbarie et de l'archaïsme russe : ils sont naturellement soupçonneux et sanguinaires. Ignorants et barbares, ils ne trouvent de plaisir que dans l'usage immodéré de la boisson la plus forte possible…