Aux sources de la démocratie anglaise

Introduction de l'ouvrage de Myriam-Isabelle Ducrocq, Aux sources de la démocratie anglaise. De Thomas Hobbes à John Locke, Villeneuve d'Asq, Presses Universitaires du Septentrion, 2012.

Le libéralisme moderne ne peut se concevoir sans État. Qu’est-ce qui le fonde et le légitime ? Comment se définit la liberté au sein de cet État ? Le pouvoir a-t-il une essence en dehors d’un régime politique donné ? Ce sont les questions que nous posent les penseurs anglais du siècle des révolutions. À une période de l’histoire où la légitimité du souverain à régner en monarque absolu est remise en question, de la façon la plus sévère qui soit, ils théorisent les fondements et les modalités de son institution. Quatre d’entre eux m’apparaissent comme emblématiques de ce moment intellectuel. Deux sont très connus du public français : Thomas Hobbes (1588-1679) et John Locke (1632-1704) sont parmi les plus éminentes figures de la pensée politique moderne. Les deux autres le sont beaucoup moins ; ils ont néanmoins pris une part considérable au débat : James Harrington (1611-1677), qui rêvait de transposer le modèle de la République vénitienne à l’Angleterre , et Algernon Sidney (1623-1683), le « martyr whig ». Ces derniers ont été sources d’inspiration pour les Pères fondateurs américains, mais aussi pour les révolutionnaires français, dans une proportion tout à fait comparable à celle de Locke. La pensée républicaine anglaise du XVIIe siècle a connu un renouveau jamais démenti depuis les travaux de Zera Fink dans les années 1940, de Christopher Hill dans les années 1960 et de John Pocock dans les années 1970. Ces deux pionniers ont ouvert un champ largement inexploré, si l’on met à part ceux de S.B. Liljegren dans la première moitié du XXe siècle. Dans leur sillage, les historiens des idées n’ont cessé d’étudier cette tradition alternative et multiforme que l’on peine à désigner par un adjectif adéquat, ce « langage » empreint d’humanisme civique, éclos en Angleterre à la faveur des bouleversements politiques du XVIIe siècle et qu’on a dit éteint au siècle suivant une fois la monarchie rétablie et rénovée.

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