Nous publions l'introduction du deuxième numéro des Cahiers de l’histoire et des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions en Normandie, « Les Abolitions, de la Normandie aux Amériques», (2009, 240 pages) sous la direction d'Eric Saunier, ainsi que l'éditorial du premier numéro qui présentait le projet.

Introduction du n°2
Par Eric Saunier, Université du Havre, CIRTAI

La publication du premier numéro des Cahiers de l’histoire et des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions en Normandie, en choisissant pour thème la traite et ses implications dans les villes portuaires négrières (1), avait pour objectif d’impulser une réflexion générale dont le but est de restituer la spécificité de l’histoire et de la mémoire de la traite des noirs, de l’esclavage et de leurs abolitions en Basse-Seine dans le cadre des questionnements contemporains concernant ce sujet. C’est également dans cette perspective qu’est placé ce second volume qui prolonge la journée d’études organisée le 7 mai 2009 à la Maison de l’Armateur. Il propose en effet de regarder, en partant du cadre régional, les conditions dans lesquelles se déroula le lent et complexe processus qui, du vote de la Convention le 4 février 1794 à la décision d’abolir l’esclavage au Brésil en 1888, aboutit à proclamer l’émancipation des esclaves. Le thème de l’abolition de l’esclavage est en effet un objet d’études privilégié pour réfléchir à l’existence de comportements régionaux originaux. Il permet aussi de valoriser un patrimoine mémoriel largement méconnu. Sur le premier plan, dans le contexte du retard historiographique affectant la connaissance du fait esclavagiste en Basse-Seine (2), l’étude de l’opinion face à l’esclavage fait en effet exception et, sur le plan mémoriel, la Normandie présente l’avantage de compter, avec le pasteur Guillaume de Félice (1803-1871), qui desservit l’Église de Bolbec entre 1828 à 1838, et le philosophe et député de la Manche Alexis de Tocqueville (1805-1859), deux figures majeures du combat pour l’abolition entre la Restauration et la Seconde république. Cet intérêt est accru par le fait que, comme le montrent les publications récentes (3), l’abolition est l’objet d’un renouvellement des études universitaires qui permet d’intégrer depuis peu son histoire (4) dans le cadre de l’histoire de l’évolution des idées et des mutations sociales qui touchèrent l’Europe au XIXe siècle.

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