Bonnet de 
la liberté

Révolution Française

La république de Genève et la France au XVIIIe siècle   Etudes

Par Fabrice Brandli, Université de Genève

Brandli Le Nain et le Géant. La république de Genève et la France au XVIIIe siècle

Fabrice Brandli vient de faire paraître une version abrégée de sa thèse de doctorat consacrée aux relations diplomatiques entre la France et Genève au XVIIIe siècle et pendant la Révolution française : Le Nain et le Géant. La république de Genève et la France au XVIIIe siècle. Cultures politiques et diplomatie, Rennes, PUR, 2012. Cette thèse s’intéresse particulièrement aux formes de la culture politique diplomatique entre deux États, l’un puissant, l’autre faible dans le système politique de l’Ancien Régime. Fabrice Brandli met l’accent sur la signification politique et culturelle des formes prises par le cérémonial diplomatique et ses relations avec le droit des gens et le droit public de l’Europe. Nous publions ici un extrait du chapitre VI intitulé "Le don en diplomatie, gage d’amitié ou signe de domination ?" dans lequel l’auteur analyse en particulier l’évolution des formes des relations entre Genève et la République thermidorienne et directoriale à travers l’épisode des échanges de drapeaux entre les deux républiques alors que l’idéal de fraternité universelle, porté notamment par Robespierre en l’an II, se modifie en profondeur avec l’affirmation de la Grande Nation à partir de l’an III.

L’échange des drapeaux ou les limites de la fraternité républicaine

La culture politique des agents de la diplomatie franco-genevoise durant l’Ancien Régime contribue à équilibrer la conception égalitaire de la souveraineté comme catégorie juridique du droit des gens et les normes de l’usage qui distinguent entre la puissance de l’État monarchique français et la faiblesse de la République de Genève. Les Révolutions française et genevoise, après 1792, modifient-elles en profondeur les paradigmes et les pratiques de la diplomatie en matière de représentation ? La relative similitude des principes politiques adoptés par les deux États conduit-elle à renouveler les significations du don diplomatique dans le cadre plus général du cérémonial ? En réalité, après les déclarations de fraternité les plus débridées surgissent les entraves à la réciprocité où se mêlent de part et d’autre des aspirations contradictoires.

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Révolution française : refonder les problématiques du républicanisme   Etudes

par Yannick Bosc, GRHIS-Université de Rouen

héritages des républicanismes et république comme utopie

Ce texte a été présenté lors de l'atelier Les héritages des républicanismes et la république comme utopie qui s'est tenu le 27 novembre 2010.

Aborder le républicanisme pendant la Révolution française, dans une perspective politique contemporaine qui considère la république comme un horizon d'attente, suppose de mettre en évidence les filtres qui en prédéterminent la lecture et la compréhension. La Révolution française a été l'objet d'usages historiques et politiques, souvent intenses, qui ont sédimenté et subsumé la complexité initiale. Ils résultent du poids de l'histoire de France et de ses mythologies, mais également des rapports complexes qu'ont entretenu le socialisme et la Révolution française, rapports qui en retour ont engendré le récit selon lequel cette période l'histoire constituerait peu ou prou un totalitarisme. Ces filtres, multiples, sont autant d'éléments d'oubli, ou de dévitalisation des principes d'une Première République qui est dès lors en déshérence : en France, on se penche plutôt sur le XIXe siècle qui semble être la ressource principale de l'idée républicaine ; par ailleurs, selon le paradigme de la « révolution bourgeoise », la Première République ne serait plus en phase avec les nécessités de l'histoire et aurait été dépassée par la perspective de la révolution prolétarienne ; enfin, si ce moment républicain est totalitaire, sa place n'est pas dans la modernité, dans notre actualité ou notre futur, mais du côté des monstres politiques, du stalinisme et du nazisme. Je laisserai ici de côté le paradigme de la « révolution bourgeoise » dont Albert Mathiez a déjà souligné qu'il empêche de comprendre ce qu'il a nommé la « révolution sociale » de l'an II (1). Je me consacrerai à l'idéologie de la modernité en faisant un détour par « l'exception républicaine française ».

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Le républicanisme libéral de Thomas Paine   Etudes

Par Carine Lounissi, Université de Rouen - LARCA Université Paris-Diderot

héritages des républicanismes et république comme utopie

Ce texte a été présenté lors de l'atelier Les héritages des républicanismes et la république comme utopie qui s'est tenu le 27 novembre 2010.

Thomas Paine est souvent décrit comme un auteur – car il n’est pas toujours considéré comme un penseur à part entière – échappant aux catégorisations habituelles. Il n’est pas un père fondateur stricto sensu, car il n’a pas participé à la rédaction de la Constitution de 1787. Bien qu’il envisage très tôt l’Union des Etats américains issus des anciennes colonies britanniques, il n’est pas un « fédéraliste » au sens où ce terme désigne une allégeance politique opposé au camp des jeffersoniens, auquel Paine se rattache. Il n’est pas non plus véritablement un « radical » au sens anglais du terme, le « radicalisme » s’appliquant à un groupe de penseurs souhaitant avant tout démocratiser la monarchie britannique en réformant notamment le système électoral de la Grande-Bretagne, mais n’appelant pas à un renversement de la monarchie pour la plupart d’entre eux. Dans le cadre politique français, Paine n’a été ni un « girondin », bien qu’ayant fréquenté des figures considérées comme « girondines » telles que Condorcet ou Brissot, ni un thermidorien, car il a critiqué la Constitution de l’an III avant de s’y rallier par la suite. Comme le suggère le titre de cette présentation, Paine n’est pas non plus un « républicain » au sens pocockien du terme. Il redéfinit une forme de républicanisme autre fondée sur une conception libérale de l’Etat et c’est ce que je souhaite montrer ici. La pensée politique de Paine est en effet un anti-monarchisme qui rejette toute forme héréditaire de gouvernement. Le contrat politique qu’il propose comme fondement de l'Etat est à la fois libéral et républicain (I), ce qui conduit Paine à refonder le républicanisme tel qu’il existait au XVIIIe siècle (II), et ce qui nous amène à repenser les catégories de « républicanisme » et de « libéralisme » qui ne doivent pas se concevoir uniquement indépendamment l’une de l’autre (III).

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Mably : jusnaturalisme, républicanisme, utopie   Etudes

Par Stéphanie Roza, CHSPM-Paris 1

héritages des républicanismes et république comme utopie

Ce texte a été présenté lors de l'atelier Les héritages des républicanismes et la république comme utopie qui s'est tenu le 27 novembre 2010. Il a été suivi d'un débat sur la fonction accessoire, ou au contraire centrale, du droit naturel chez Mably. Nous y reviendrons au cours du séminaire L'Esprit des Lumières et de la Révolution 2011-2012.

Tenter de caractériser de façon précise la pensée de Mably, c’est réactiver une vieille querelle historiographique, mais aussi politique. En effet, par ses prises de position sur l’actualité de son temps, comme par la postérité de son œuvre, Mably suscite depuis longtemps les polémiques. De son vivant, tout en s’opposant à l’absolutisme, il n’a cessé de critiquer les représentants les plus illustres des Lumières, de Voltaire aux physiocrates, ce qui a ouvert une première question : cet auteur doit-il être classé parmi les anti-Lumières, ou fait-il partie de ce courant ? Par la suite, mort en 1785, il a été considéré par les révolutionnaires de toutes tendances, de 1789 à 1797, date de l’exécution de Babeuf, comme un des Pères de la Nation républicaine, et si bien associé à cet événement que tout un courant libéral, dans la première moitié du 19è siècle, Benjamin Constant en tête, n’a voulu voir en lui qu’un inspirateur idéologique de la Terreur, et à ce titre, un des responsables de ses débordements. C’est la première étiquette tenace apposée sur sa postérité : celle de Mably jacobin. Mais les socialistes, adversaires des libéraux, l’ont reconnu à leur tour comme un de leurs précurseurs, et ce jusqu’en Russie soviétique : et voilà la deuxième étiquette, celle de Mably communiste utopique. Après la seconde guerre mondiale, certains commentateurs ont tenté de sortir de cette alternative, voyant en lui un catholique conservateur (1), ou simplement un modéré des Lumières (2), commettant ce faisant l’erreur symétrique à celle de leurs prédécesseurs, consistant à gommer ce qui dans sa pensée avait permis, précisément, les interprétations jacobines ou socialistes utopiques. Malgré l’apparition, depuis les années 70, d’interprétations plus nuancées et moins mutilantes, on a récemment collé, dans le prolongement des travaux de l’école de Cambridge, une dernière étiquette sur Mably : celle du principal représentant du républicanisme classique en France (3).

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Tradition et innovation : transfert et réception des textes républicains autour de 1789   Etudes

Par Raymonde Monnier, CNRS

héritages des républicanismes et république comme utopie

Ce texte a été présenté lors de l'atelier Les héritages des républicanismes et la république comme utopie qui s'est tenu le 27 novembre 2010.

Dans l’histoire de la Révolution, l’interprétation de la première République a été depuis le 19e siècle un chantier disputé et perpétuellement réinvesti par de nouvelles interrogations. Entre moment fondateur et/ou traumatisme violent, il s’est polarisé depuis la troisième République autour des questions de la légitimité et de la nature du régime républicain. En dépit de l’inflexion politique profonde induite par l’abolition de la royauté en 1792, la périodisation qui sépare la monarchie de la République a tendance à masquer l’évolution des rapports entre les différents pouvoirs sur le moyen terme révolutionnaire. Avec l’avènement de la République, la notion de république acquiert une valeur politique et symbolique nouvelle qui, sans effacer les contenus classiques, modifie et multiplie ses usages en lui donnant une réalité institutionnelle. La révolution du 10 août, qui met véritablement « le monde à l’envers » (1), entraîne des relations inédites à l’intérieur d’un champ conceptuel profondément modifié par l’expérience démocratique, où la question ne se limite pas à fonder la république sur un nouveau contrat social. Il s’agit de construire les institutions et de conserver la République dans un environnement hostile – celui de l’Europe des rois – pour préserver les acquis 1789.

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Par delà les Anciens et les Modernes : le républicanisme de Jules Barni   Etudes

Par Renaud Quillet, Université d'Amiens

héritages des républicanismes et république comme utopie

Ce texte a été présenté lors de l'atelier Les héritages des républicanismes et la république comme utopie qui s'est tenu le 27 novembre 2010.

Né en 1818, mort en 1878, Jules Barni a été élève à l’Ecole normale supérieure et major de l’agrégation de philosophie en 1840(1). Engagé de manière pionnière dans la traduction en français et l’exégèse de l’œuvre de Kant, il se sent appelé par les événements de 1848 à entrer activement dans le combat républicain et à développer sa propre conception du républicanisme. Il appartient à une génération qui doit défendre la voie républicaine contre la critique libérale professée au nom de la thématique de la « Liberté des Modernes », inaugurée par Benjamin Constant. Il est aussi et par là même l’un des acteurs d’un moment où la pensée républicaine se distingue et s’autonomise clairement de la pensée libérale, et, au moins pour partie, du socialisme. Tout en poursuivant durant près de trente ans son œuvre d’instigateur par excellence de l’appropriation française du kantisme, il va développer une théorisation de la République qui se forge au feu de la réflexion philosophique, bien entendu, mais aussi de l’expérience militante et électorale en 1848 et 1849, de l’opposition et de l’exil à Genève sous l’Empire, de l’activisme internationaliste et du compagnonnage avec Garibaldi, et enfin dans la collaboration avec Gambetta et la pratique politique dans les cercles républicains et au conseil municipal d’Amiens ainsi qu’au Parlement dans les années 1870. Avec une belle continuité, il articule ainsi autour de l’idée républicaine anthropologie, morale publique et privée, instruction publique, conceptions et pratiques constitutionnelles, économiques et sociales.

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Les leçons de républicanisme de Thomas Paine (1802-1807)   Etudes

Par Marc Belissa, CHISCO-Université Paris Ouest Nanterre - La Défense

héritages des républicanismes et république comme utopie

Ce texte a été présenté lors de l'atelier Les héritages des républicanismes et la république comme utopie qui s'est tenu le 27 novembre 2010. Pour une version plus développée de ce thème, on pourra se reporter au n° 363 des Annales Historiques de la Révolution française, janvier-mars 2011, p. 59 et suivantes.

Dans les dernières années de sa vie passées en Amérique, Thomas Paine publie plusieurs textes courts dans la presse contre le parti "fédéraliste" chassé du gouvernement un an avant son retour dans le Nouveau Monde. Comment maintenir la république ? Quel rôle y jouent les partis, les factions ? Quels mécanismes de régulation et de perfectionnement faut-il adopter pour éviter la corruption qui la menace ? Comment transmettre la mémoire révolutionnaire et républicaine aux générations qui n’ont pas connu le moment fondateur ? Telles sont les questions posées par ces derniers textes politiques de Paine. Trois thèmes émergent de ce corpus : tout d’abord, celui des factions et des partis dans la république, deuxièmement, la question de la perfectibilité du régime républicain et des mécanismes constitutionnels qui doivent en assurer l’expression, et enfin la question des formes que doit prendre la "mémoire" du moment fondateur révolutionnaire dans le maintien de la vertu républicaine. Ces trois thèmes dessinent ce qui me semble être des "leçons de républicanisme" à destination de la génération nouvelle.

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Éléments d’une histoire du droit naturel : à propos de Léo Strauss, Michel Villey et Brian Tierney   Etudes

Par Florence Gauthier, Université Paris Diderot - Paris 7

héritages des républicanismes et république comme utopie

Ce texte a été présenté lors de l'atelier Les héritages des républicanismes et la république comme utopie qui s'est tenu le 27 novembre 2010.

« Pour la divinité, tout est beauté, vertu, justice. Ce sont les hommes qui ont conçu le juste et l’injuste »
Héraclite d’Ephèse

Il existe, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, un indéniable intérêt pour l’étude du droit naturel, mais, la signification même de ces termes demeure encore bien opaque, ce qui m’a incitée à présenter ici une étude limitée à trois auteurs, Léo Strauss, Michel Villey et Brian Tierney, afin de contribuer à en préciser les contours.

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La déclaration du droit des gens de l’abbé Grégoire (juin 1793, 4 floréal an III)   Etudes

Par Marc Belissa, CHISCO-Université Paris Ouest Nanterre - La Défense

Cette étude reprend le texte d'une communication présentée lors d'un colloque consacré à Grégoire qui s'est tenu à Metz en novembre 2006.

Dès le mois de décembre 1789, une partie des patriotes du côté gauche souhaitent que l’Assemblée Constituante s’empare de la question des relations extérieures de la France régénérée et définissent les grandes lignes d’une politique pacifique, refusant la guerre offensive, la conquête et la diplomatie « machiavélique » des rois. Dans l’une de ses premières interventions, Volney avance ainsi l’idée d’une déclaration solennelle des principes qu’entend suivre désormais la France dans ses rapports avec les autres peuples. Il appelle l’Assemblée à montrer

« que ces mêmes règles de justice que vous avez reconnues dans les particuliers existent aussi dans les nations : que dans la grande société du genre humain, les peuples ne sont que des individus qui, doués des mêmes facultés et investis des mêmes droits, doivent être soumis à des lois semblables » (1).

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Thomas Paine et la fondation républicaine en Louisiane   Etudes

Par Marc Belissa, CHISCO-Université Paris Ouest Nanterre - La Défense

L’achat de la Louisiane et ses conséquences sur le développement des États-Unis ont été abondamment étudiés (1). Bernard Vincent a consacré un article au rôle important joué par Thomas Paine dans la tactique élaborée par le parti républicain à ce sujet, mais il s’est peu intéressé aux aspects théoriques de la contribution de Paine à ce débat (2). Or il me semble que les questions posées dépassent les aspects de tactiques parlementaires pour poser le problème de la transition du despotisme à la république, c’est-à-dire celui de la fondation/refondation républicaine dans un contexte post-révolutionnaire. Cette étude s’insère dans une recherche en cours sur les dernières années de Thomas Paine en Amérique (1802-1809) dont les résultats seront publiés à partir de 2010 dans les Annales Historiques de la Révolution française.

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La représentation de l'événement révolutionnaire ou la peinture à l'épreuve de la gravure   Etudes

Par Philippe Bordes, Institut national d’histoire de l’art, Paris

Le Dix-Août de Bertaux

Le Dix-Août de "Bertaux", (1) conservé au château de Versailles, est une peinture célèbre, souvent exposée, souvent reproduite (voir sa reproduction en grand format). Aux yeux des historiens qui l'invoquent, c'est un témoignage visuel de l'époque révolutionnaire allant de soi, pouvant être reproduit presque sans commentaire. L'œuvre est considérée comme l'illustration fidèle d'un événement majeur. On sait qu'elle fut exposée au Salon de 1793, exactement un an après la scène historique représentée. Elle s'intègre dans l'effort concerté des révolutionnaires pour solenniser le souvenir de cette journée décisive. Telle une veduta, la reconstitution de l'événement sur la toile prétend à une grande exactitude. La façade des Tuileries que l'on voit sur la gauche, les costumes militaires et civils, les cadavres, les mêlées et charges confuses des combattants, soulignent les visées documentaires de l'auteur. A tel point que l'analyse de l'image sert généralement non pas à révéler l'invention et l'imagination qui sont au cœur de la création artistique, mais à développer un discours peu critique fondé sur l'idée d'une sorte de vérité de la représentation. (2) Pourtant, quelle que soit l'intensité des contraintes documentaires exercées par l'actualité sur une représentation peinte ou gravée, celle-ci reste une construction imaginaire élaborée à partir de codes visuels. (3)

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Le manuscrit de l’égalité barrée : égalité et insurrection en 1795   Etudes

Par Yannick Bosc, GRHIS-Université de Rouen

Notre point de départ est la pièce manuscrite, que nous reproduisons ci-dessous (1), dans laquelle le mot égalité est barré. Nous confronterons ce document qui a trait à l’élaboration de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1795 avec « le récit standard » de la Révolution française (2) à propos de la notion d’égalité et du moment thermidorien. Cela nous conduira à placer notre propos dans la perspective du processus ouvert en 1789 et à interroger l’égalité dans ce parcours qui la lie au droit à l’insurrection.

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Les lumières avant les Lumières : tribunal de la raison et opinion publique   Etudes

Par Céline Spector, Bordeaux 3, IUF

L’apparition du syntagme « siècle des lumières » ainsi que l’analyse de la métaphore ont fait l’objet de plusieurs études récentes (1) . Les travaux de R. Mortier ont ouvert de fécondes voies d’investigations : si l’identification de la lumière avec le savoir est originaire et si le terme lumière prend d’abord une connotation religieuse, le premier moment d’émancipation de la raison à l’égard de la révélation daterait en France du XVIIe siècle, coïncidant avec l’apparition du pluriel (les lumières) (2). La question est dès lors de savoir quand au juste est apparue l’idée, sinon l’expression, d’un siècle de ou des lumières (3).

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Thompson et le problème de la conscience   Etudes

Par Bernard Aspe, philosophe

Edward P. Thompson est historien, il a écrit relativement peu de livres, et seuls deux d’entre eux ont été traduits en français, dont son oeuvre majeure, La formation de la classe ouvrière anglaise (1). De cet ouvrage, il ne faut pas seulement dire que c’est sans doute un des plus beaux livres d’histoire qui ait été écrit ; car c’est aussi l’une des recherches les plus fondamentales pour comprendre le nouage entre la méthode historique et le problème de la constitution d’un sujet politique. L’ensemble de l’ouvrage présente une approche immanente à la constitution d’une conscience de classe : la première partie (« L’arbre de la liberté ») explore la manière dont se développe en Angleterre une conscience révolutionnaire jacobine, sous l’impulsion de la Révolution Française ; la deuxième partie (« La malédiction d’Adam ») met au jour l’opération de démantèlement de cette conscience par l’offensive capitaliste articulée à la « révolution industrielle » ; la troisième partie (« Présence de la classe ouvrière ») montre comment la conscience de classe ouvrière émerge peu à peu, à partir de la recomposition d’éléments de la conscience révolutionnaire jacobine dans un monde transformé. Mais qu’entend-on, exactement, par « conscience » ? Et surtout : le terme est-il adéquat pour saisir la réalité subjective dont il tente de rendre compte ?

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L'émeute populaire du 5 septembre 1791 à Nantes   Etudes

Par Samuel Guicheteau, Cerhio-Université Rennes 2

samuel guicheteau ouvriers nantais

Cette étude est développée dans l'ouvrage de Samuel Guicheteau : La Révolution des ouvriers nantais. Mutation économique, identité sociale et dynamique révolutionnaire (1740-1815), Rennes, PUR, 2008, ouvrage tiré d'une thèse soutenue à Rennes 2. L'auteur nous propose ici un extrait centré sur l'analyse d'un événement particulier : l'émeute du 5 septembre 1791 à Nantes. Il s'emploie à mettre en valeur les formes de la participation spécifiquement ouvrière à une émeute populaire dans le cadre révolutionnaire.

Connue comme une grande place négociante et portuaire (1) , Nantes est aussi dans la seconde moitié du XVIIIe siècle une grande ville industrielle et ouvrière. Dans les ateliers et les manufactures, sur les quais et les chantiers, de très nombreux ouvriers (2) et ouvrières y travaillent. En cette période, la ville croît (3) et la Révolution industrielle naît. Si la création des grandes manufactures cotonnières – les indienneries, puis les filatures mécanisées – témoigne avec éclat de ce puissant essor, le travail dispersé connaît lui aussi d’importants changements. Certes, le monde ouvrier nantais présente, à première vue, une grande diversité. Mais la plupart des ouvriers partagent une identité commune forgée au travail : celle-ci se fonde sur la qualification et l’autonomie qui nourrissent un idéal de fierté et de dignité (4). Remis en cause par l’industrialisation, cet idéal s’affirme cependant dans la résistance que les ouvriers opposent aux nouvelles exigences patronales et au renforcement de la police du travail.

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