La représentation de l'événement révolutionnaire ou la peinture à l'épreuve de la gravure Etudes
Par Philippe Bordes, Institut national d’histoire de l’art, Paris
Le Dix-Août de "Bertaux", (1) conservé au château de Versailles, est une peinture célèbre, souvent exposée, souvent reproduite (voir sa reproduction en grand format). Aux yeux des historiens qui l'invoquent, c'est un témoignage visuel de l'époque révolutionnaire allant de soi, pouvant être reproduit presque sans commentaire. L'œuvre est considérée comme l'illustration fidèle d'un événement majeur. On sait qu'elle fut exposée au Salon de 1793, exactement un an après la scène historique représentée. Elle s'intègre dans l'effort concerté des révolutionnaires pour solenniser le souvenir de cette journée décisive. Telle une veduta, la reconstitution de l'événement sur la toile prétend à une grande exactitude. La façade des Tuileries que l'on voit sur la gauche, les costumes militaires et civils, les cadavres, les mêlées et charges confuses des combattants, soulignent les visées documentaires de l'auteur. A tel point que l'analyse de l'image sert généralement non pas à révéler l'invention et l'imagination qui sont au cœur de la création artistique, mais à développer un discours peu critique fondé sur l'idée d'une sorte de vérité de la représentation. (2) Pourtant, quelle que soit l'intensité des contraintes documentaires exercées par l'actualité sur une représentation peinte ou gravée, celle-ci reste une construction imaginaire élaborée à partir de codes visuels. (3)