Robespierre monstre ou héros ? Proudhon contre Robespierre Etudes
Marion Pouffary, Robespierre monstre ou héros ?, Lille, Septentrion, 2023.
L'ouvrage de Marion Pouffary, tiré de sa thèse de doctorat, étudie les légendes noires et dorées de Robespierre au XIXe siècle. Nous reproduisons ici les pages 174 à 182. L'extrait s'insère dans le chapitre VI traitant des légendes noires de Robespierre élaborées par les anarchistes, et en particulier ici par Proudhon. Marion Pouffary est chercheuse associée au Centre d'histoire du XIXe siècle de Panthéon-Sorbonne/Sorbonne Université
Le combat de Proudhon contre les disciples démocrates-socialistes de Robespierre
Si, comme le suppose Albert Mathiez, l'hostilité manifestée par le mouvement socialiste à l'encontre de Robespierre est en grande partie due à l'influence de Blanqui, cette analyse mérite d'être complétée et nuancée. En effet, dans aucun des écrits qu'il a publiés au cours de sa vie, Blanqui ne fait mention de Robespierre de manière négative et c'est uniquement dans ses notes sur l'Histoire des Girondins, qui n'ont pas été publiées, qu'il critique Robespierre. De plus, le mouvement ouvrier français, qui connaît un essor considérable à partir de 1860, est non seulement influencé par les idées de Blanqui mais aussi par celles de Proudhon. Il s'agit des rares socialistes pré-quarante-huitards dont l'influence se consolide dans un contexte de déclin de la production théorique socialiste en France, alors que les écrits de Marx sont encore peu connus (1). Or, contrairement à Blanqui, Proudhon a légué une importante œuvre écrite, dans laquelle il ne manque pas de proclamer dès les années 1840 (2) son hostilité à Robespierre. Celle-ci éclate au grand jour lors des polémiques qui l'opposent aux démocrates-socialistes (3) sous la Deuxième République, à une période où, selon Edward Castleton, il est sans doute le journaliste socialiste français le plus lu (4). La légende noire anarchiste qui naît dans les écrits de Proudhon reprend l'image du Robespierre bourgeois et clérical de la légende noire communiste mais se distingue de cette dernière en dénonçant l'autoritarisme de Robespierre, et fait alors écho à la critique de la tyrannie de Robespierre véhiculée par la légende noire libérale. En effet, la question de la liberté est au cœur des préoccupations des anarchistes, même si, contrairement aux libéraux qui voient dans le principe d'égalité le principal danger pour la liberté, c'est le principe d'autorité qui, pour les anarchistes, constitue la menace essentielle pour la liberté.