Bonnet de 
la liberté

Révolution Française

Evolution/Révolution : une antinomie constitutive du concept moderne d’histoire   Etudes

Par Bertrand Binoche, Centre d’Histoire des Systèmes de Pensée Moderne, Université de Paris I

Les propos qui suivent ont été initialement tenus le 16 mars 2002 à la Freie Universität de Berlin dans le cadre d'un « atelier » (1) et, comme tels, ils prétendent seulement ouvrir des pistes susceptibles d'amorcer d'éventuelles discussions. Leur vocation est donc moins proprement démonstrative que suggestive. Après tout, ce ne serait déjà pas si mal ! Et, par conséquent, s'ils redoutaient des reproches, ce ne serait pas tant ceux de l'approximation ou de l'obscurité — griefs certes rédhibitoires en d'autres circonstances — que ceux du dogmatisme et de la platitude, soit les deux voies les plus sûres pour décourager toute réelle dispute, entre philosophes comme entre historiens

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De Juan de Mariana à la Marianne de la République française ou le scandale du droit de résister à l’oppression   Etudes

Par Florence Gauthier, Université Paris 7-Denis Diderot

Le sujet dont il sera question ici : le nom, Marianne, donné à la République, en France, vient de celui de Juan de Mariana, jésuite espagnol du XVIe siècle, peut paraître à première vue étrange. Il s’est peu à peu dégagé des recherches que j’ai menées depuis plus de 25 ans et m’a paru atteindre sa maturité, c’est la raison pour laquelle j’espère parvenir à le rendre audible. Je suis historienne de la Révolution en France et dans les colonies françaises du XVIIIe siècle et tout a commencé avec un mot : droit naturel, ce mot qui apparaît dans les Déclarations des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de 1793 et qui résume la théorie de ces révolutions. Ces révolutions ont mis à l’ordre du jour la nécessité de déclarer les droits de l’homme et du citoyen, les droits des peuples à leur souveraineté, le droit à l’existence, le droit de résister à l’oppression. C’est pourquoi je pense qu’il convient de les appeler Révolutions des droits de l’homme et du citoyen. C’est en cherchant à mieux comprendre cette notion de droit naturel que je suis remontée des Lumières aux Révolutions anglaises et hollandaise du XVIIe siècle, aux guerres de religion du XVIe siècle et au tout début de l’ère moderne. La période moderne débute avec la Renaissance. En suivant le droit naturel à sa source, je l’ai trouvé en Espagne, développé par l’École de Salamanque et précisément dans la définition renouvelée du droit naturel moderne qui a permis l’épanouissement de la philosophie du droit naturel moderne.

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Souveraineté et pouvoir local: expérimenter la démocratie à Marseille (1789-1794)   Etudes

Un pouvoir communicationnel (2)

par Jacques Guilhaumou, UMR "Triangle", ENS-LSH Lyon

" Unité de la république d'une part, gouvernement fédératif de l'autre: voilà le champ de bataille du jour et les grands mots dont on étourdit le peuple qui, heureusement pour lui, n'y comprend rien. On cherche par tous les moyens à lui faire un monstre de ce mot fédéralisme (…) Dans l'idiome de ses Messieurs unité républicaine est le synonyme de la tyrannie de Paris. Mais cette tyrannie, comme toutes les autres, disparaîtra devant le souffle du génie de la liberté. Il faut que Marseille soit la soeur et non la sujette de Paris " (Journal Français du 25 novembre 1792)

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La mission Maignet en l’an II   Etudes

par Jacques Guilhaumou, ENS-LSH Lyon et Martine Lapied, MMSH Aix-en-Provence

Maignet est chargé le 9 nivôse an II (29 décembre 1793), par la Convention Nationale, d'organiser le gouvernement révolutionnaire dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse. Homme de terrain, tout en étant proche de Robespierre et Billaud-Varenne (1), il apparaît, à la lecture de son Instruction sur le gouvernement révolutionnaire du 19 nivôse, qu'il veut traduire le projet des Montagnards "maximalistes" dans les réalités locales. Mais Il prend d'abord le temps de réfléchir aux objectifs de sa mission.

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L’imaginaire de la Constitution de 1789 à 1830 : symbolique d’union ou de division politique ?   Etudes

par Rolf Reichardt, Universität Gießen

Reichardt

Lorsque, pour célébrer la Révolution, l’Association pour le développement de la Philatélie française émit en mars 1989, avec souscription réservation, une série de timbres dont l’ensemble représente la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 89 (1) , elle fit preuve d’une fine intuition des sentiments majoritaires de la population. Car suivant les sondages du Figaro Magazine et de Sofres-L’Express, trois quarts des Français regardaient alors la Déclaration comme le meilleur symbole positif de la Révolution – consensus national minimum bientôt familièrement dénommé « droitlomisme (2) ». Et en s’inspirant d’un placard illustré de 1789 , représentation contemporaine la plus connue et la plus solennelle de la première Déclaration (fig. 1), la série de timbres-poste suggère que cela a toujours été ainsi. Or s’il convient d’en douter partiellement, cette libre interprétation d’une estampe n’en semble pas moins symptomatique d’une imagerie révolutionnaire qui, munie de ses procédés spécifiques d’expression, a laissé sur les esprits une empreinte plus profonde et plus durable que la logomachie mise en scène dans les assemblées et dans la presse : un processus de visualisation et de commémoration emphatique dont la présente communication veut esquisser quelques lignes de force.

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Les comités de surveillance en l’an II, lieux d'expression des conflits de la commune.   Etudes

par Jacques GUILHAUMOU, UMR « Triangle », ENS-LSH Lyon, et Martine LAPIED, UMR « Telemme » , MMSH Aix-en-Provence.

Avec la Révolution, l’expression de la conflictualité devient essentiellement politique, tout en recouvrant des antagonismes précédemment exprimés dans les communes, qu’il s’agisse de luttes de clans pour le pouvoir municipal ou d’affrontements sociaux. Le gouvernement révolutionnaire de l'an II constitue un moment d’institutionnalisation où la politique de terreur permet de structurer la conflictualité. Les comités de surveillance sont un des organes essentiels de la politique de salut public : il s’agit d’organes d’exception, institutionnalisés par le gouvernement révolutionnaire en réponse à une demande collective. Ils visent donc à empêcher la conflictualité découlant du refus du nouvel ordre établi en créant une violence institutionnelle qui se veut fondatrice de ce nouvel ordre.

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La République et le républicanisme polonais, modèles ou contre-modèles des Lumières ?   Etudes

Par Marc BELISSA Paris X Nanterre - CHISCO

Cette étude est une première ébauche d'une introduction pour une nouvelle édition des textes de Mably sur la Pologne à paraître prochainement aux éditions Kimé. Elle a été présentée lors du séminaire L'esprit des Lumières et de la Révolution le 19 janvier 2007.

La république et le républicanisme ne sont pas au XVIIIe siècle seulement des « traditions » et des sujets de dissertation pour collégiens lecteurs de Tacite et de Cicéron. Il existe dans l’Europe moderne un certain nombre d’États républicains dont l’expérience pratique contribue à former la pensée politique des Lumières. Ces républiques modernes sont des objets complexes et qui ne laissent pas facilement enfermer dans les catégories politiques actuelles. Dans un texte de 1762, Stanislas Leczynski, le roi détrôné de Pologne, et lui-même penseur du républicanisme polonais, fait la liste des États républicains de son temps, il distingue l’Angleterre, la Hollande, la Suède, la Pologne, Venise, les Cantons suisses et Gênes. Dans cette liste qui peut paraître étonnante, il existe au moins trois États couramment présentés comme des monarchies : l’Angleterre, la Suède et la Pologne. Pour Leczynski, comme pour beaucoup d’autres commentateurs, ces États sont pourtant des républiques, car le pouvoir royal y est très limité et la souveraineté n’y est pas exclusivement monarchique (1). S’il n’est pas nécessaire de rappeler l’importance du modèle anglais dans la pensée des Lumières et si l’on connaît l’intérêt de Mably pour la Suède, on sait moins que la Pologne est également présente dans le débat sur la République en Europe occidentale.

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Le débat sur le commerce du blé (1768-1775) : formes et porteurs légitimes de la rationalité en question   Etudes

Par Déborah Cohen, Institut Universitaire de Florence.

Le 29 mai 2005, la France vote majoritairement « Non » au référendum qui lui est proposé. Le lendemain M. Barnier, ministre des affaires étrangères, juge que « dans ce référendum, on a bien vu que les Français n’avaient qu’un seul bulletin de vote et qu’ils avaient répondu à trois ou quatre questions à la fois. Et parmi ces questions, il y a celles (…) sur le sens du projet européen et l’incompréhension de ce projet, il faut en tenir compte » (1). Pour le ministre, il ne s’agit évidemment pas de tenir compte du rejet du texte proposé, d’y entendre un jugement populaire et censé, construit à partir d’une analyse de ce qui était proposé et d’une confrontation avec la réalité vécue et avec la réalité souhaitée, rêvée peut-être, par les électeurs ; ce qu’il s’agit de prendre en compte, c’est la supposée incompréhension des électeurs qui, interrogés sur un point, auraient, de manière illégitime et comme de mauvais élèves, répondu sur d’autres. Comment le peuple des électeurs a-t-il pu se tromper ainsi ? comment a-t-il pu ne pas voir où se trouvait le vrai, le bon, le juste ?

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"Un arsenal pour les séditieux" : la Déclaration des droits comme pratique politique   Etudes

Par Yannick Bosc, ICT-Paris 7

La Révolution française est ponctuée par trois Déclarations des droits de l'homme et du citoyen (1789, 1793, 1795) qui sont encore souvent regardées comme des textes théoriques qui relèvent de «l'histoire des idées» et au mieux des «idées politiques» (1). Si on admet qu'ils sont précieux pour le juriste, ou le philosophe, on estime souvent qu'ils sont d'un faible secours pour l'historien qui s'intéresse aux pratiques politiques. Ce jugement repose sur le sentiment d'un décalage général, quand on considère les actions humaines, entre les principes et les faits, la théorie et la pratique. Ce sentiment est peut être justifié par le travail historique qui analysant les faits montre le difficile ajustement ou la contradiction des intentions et des réalisations. La séparation des idées et des pratiques et leur juxtaposition dans l'analyse historique est cependant moins intéressante que l'étude de leur dynamique.

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Kant idéaliste ? Le débat sur la paix perpétuelle 1795-1801   Etudes

Par Marc BELISSA Paris X Nanterre - CHISCO

En apparence, quoi de plus "utopique" et "idéaliste" au sens vulgaire que les projets de paix perpétuelle qui fleurissent tout au long de l’époque moderne ? Et pourtant Domenico Losurdo a montré dans son livre de 1993 Autocensure et Compromis dans la pensée politique de Kant à quel point le Projet de paix perpétuelle publié par le philosophe en 1795 ne pouvait se comprendre sans référence au contexte bien "concret" des relations internationales et de la guerre contre-révolutionnaire du début du Directoire.

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Habermas, L’Espace Public et la Révolution française : de l’opinion publique à la lutte pour la reconnaissance.   Etudes

par Jacques Guilhaumou CNRS/UMR « Triangle. Action, discours, pensée politique et économique », ENS-LSH Lyon

Dans son ouvrage sur L’Espace Public, Jürgen Habermas se fixe comme objectif de décrire l’idéal-type de « la sphère publique bourgeoise » à partir de contextes historiques propres à la France, l’Allemagne et l’Angleterre au 18ème siècle et au début du 19ème siècle. Michel Foucault, dialoguant avec Habermas, trouve dans cet ouvrage majeur – mis en valeur par la réflexion de Kant en 1784 sur Qu’est-ce que les Lumières ? - une réflexion centrale sur l’usage public et universel de la raison, dans son lien consubstantiel à la liberté. Il le situe ainsi au centre d’une pensée critique qui prend pour point de départ le questionnement suivant : « Quelle est cette raison que nous utilisons ? Quels en sont les effets historiques ? » (Foucault, 1994, p. 279 et 562). Roger Chartier (1990), historien des pratiques culturelles, se propose alors de partir d’une telle problématique habermasienne de l’espace public, pour comprendre « la manière dont a été construite au XVIIIème siècle la notion d’opinion publique ».

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