Que les révolutions sont belles… quand les insurrections populaires sont écrasées ! Actuel
Par Marc Belissa, Université Paris Nanterre.
« Vouliez-vous une révolution sans révolution ? (…) Qui peut marquer après coup, le point précis où devraient se briser les flots de l’insurrection populaire ? » Robespierre, 5 novembre 1792
Le 10 août 2021, les lecteurs du Monde ont pu découvrir, sous la plume du journaliste Antoine Reverchon, un exercice d’histoire contre-factuelle, intitulé « Et si, le 10 août 1792, l’émeute des sans-culottes avait été écrasée ? ».
Rappelons que l’histoire contre-factuelle (et non « l’uchronie » comme l’écrit l’article) a pour but de réfléchir aux problèmes de la causalité historique et de comprendre les mécanismes dynamiques des événements. Pour cela, il est indispensable d’avoir une vision à peu près claire des enjeux et des rapports de force à l’instant où l’on pense la divergence entre ce qui s’est passé et ce qui aurait pu se passer et surtout d’éviter les préjugés sur ce qui aurait « dû » se passer.
Le journaliste du Monde imagine donc que les Suisses du palais des Tuileries, aidés par les gardes du corps du roi et les membres de la Garde nationale soldée, réussissent à massacrer la troupe des insurgés parisiens et des fédérés des départements. À midi, « l’insurrection est matée ». Selon ce récit alternatif, les Girondins « décident de l’occasion pour se débarrasser des ultras de la cour apparemment triomphants et des sectionnaires ». Encore faudrait-il qu’ils en aient eu les moyens politiques mais pourquoi pas… mais là où l’on rentre dans « l’alternative » très alternative, c’est qu’Antoine Reverchon imagine un accord entre Robespierre, Danton et Vergniaud pour suspendre Louis XVI et imposer Dumouriez comme tuteur du prince royal. Robespierre, c’est bien connu, étant un opportuniste, se rallie donc à cette situation constitutionnelle.