Gilets jaunes : l’économie morale et le peuple qui la porte Actuel
Par Benjamin Coriat, Université Paris 13
Les différences bien sur sont éminentes. Quoi de semblable entre ces émeutiers qui tout au long du 18e siècle envahissaient les marchés pour réquisitionner la farine, le blé, ou le seigle, et imposer des prix abaissés, permettant aux plus pauvres de se nourrir – et les vagues de Gilets Jaunes qui dans toute la France ou presque occupent carrefours et péages d’autoroutes pour obtenir – au minimum et pour commencer – le retrait de taxes supplémentaires sur le gazole.
En apparence rien de commun. Les premiers, qualifiés à l’époque de « taxateurs » s’appuyaient sur la coutume et prétendaient faire respecter le principe de l’établissement du prix du pain par voie règlementaire, contre Turgot, Necker et les premiers libéraux qui voulaient établir le principe d’une « libre marché » des grains et ainsi imposer un nouveau monde : celui d’une économie déclarée « moderne » basées sur des marchés « faiseurs de prix ». Les nouveaux « taxateurs », ceux d’aujourd’hui interviennent deux siècles plus tard. Le règne du libre marché est avéré, et domine partout, écrase tout vient de couronner trois décennies de néolibéralisme forcené qui permet de breveter et de faire commerce, non plus de la seule farine mais des semences désormais « génétiquement modifiées » elles mêmes…
Tout donc est différend. Et pourtant ! Pourtant pour qui veut bien regarder les choses de plus près, certaines similitudes ne peuvent manquer d’être relevées.