Par Christopher Hamel, Centre de Théorie Politique-Université Libre de Bruxelles
Le républicanisme, contrairement au libéralisme, n’est pas fondé sur les droits. Parce qu’ils insistent sur l’importance de l’investissement des citoyens dans les affaires collectives et sur la nécessité de les former à la vertu civique pour maintenir les institutions libres, les républicains associent les droits à une sphère individuelle privée protégée des interférences de l’État, et voient en eux plutôt des outils de justification des intérêts égoïstes que des ressources essentielles à la liberté commune. Défendre ses droits individuels apparaît même, aux yeux des républicains, comme une attitude fondamentalement corrompue : les devoirs priment sur les droits.
Mais même lorsqu’ils se détachent de cette représentation pocockienne du conflit entre droit et vertu et reconnaissent le caractère indépassable de l’individualisme et du pluralisme constitutifs de la « modernité libérale », les républicains s’accordent aujourd’hui le plus souvent à attribuer une place secondaire aux droits : parce qu’ils raisonnent en termes conséquentialistes et non déontologiques, ils ne peuvent concevoir les droits que comme des effets de la délibération publique, et sont « sceptiques » quant à l’idée que les droits puissent représenter des contraintes extérieures préexistant à l’ordre social et dont le respect rendrait légitime ce dernier. Ce scepticisme s’enracine dans une conception institutionnelle ou politique de la liberté, où celle-ci n’existe que par la soumission de tous à l’empire des lois et aux institutions protectrices. Les droits attachés à l’individu indépendamment de toute appartenance politique apparaissent au pire comme des entités métaphysiques, au mieux comme de simples aspirations morales dénuées de toute force contraignante, et dont la fonction est tout au plus rhétorique.
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