Où Marie-Antoinette est Madame de Staël ? Recensions
Madame de Staël, Réflexions sur le procès de la reine par une femme (1793), présenté et annoté par Monique Cottret, Les Editions de Paris, 2006, 126 pages.
Par Jacques Guilhaumou, UMR Triangle, CNRS-ENS LSH Lyon.
Monique Cottret - dont nous avons pu déjà apprécier la récente biographie intellectuelle sur Jean-Jacques Rousseau en son temps (Perrin, 2005) écrite de concert avec Bernard Cottret (1) - présente longuement ce court texte de Madame de Staël qui vise à défendre la reine dans l’opinion, et plus particulièrement auprès des femmes par un usage intensif d’un registre sensible sur le ton du passage introductif suivant : « Oh ! vous, femmes de tous les pays, de toutes les classes de la société, écoutez-moi avec l’émotion que j’éprouve ; la destinée de Marie-Antoinette contient tout ce qui peut toucher votre cœur » (page V). Au premier abord, un tel accent sur le registre naturel de la morale et du sensible, et plus spécifiquement sur le portrait de Marie-Antoinette en tant que mère, peut sembler tendre à l’absoudre des crimes que les révolutionnaires lui imputent tant dans sa conduite sous l’Ancien Régime qu’au cours de la Révolution française. Si, comme le souligne Mona Ozouf dans Les mots des femmes (Fayard, 1995), « c’est être réactionnaire que de croire à une féminité inscrite dans la nature, à une ‘vocation naturelle’, alors Madame de Staël l’est à l’évidence » (p. 138), précise-t-elle dans le portrait qu’elle exhibe de sa perpétuelle inquiétude. Et elle l’est ici tout particulièrement parce qu’elle dresse le portrait d’une reine dotée de « « vertus maternelles », de « l’austérité de la morale et de la raison », de « piété religieuse », de « tendresse dévouée », voire d’héroïsme alors que l’on porte atteinte à la vie de ses proches, puis d’elle-même, toutes vertus choyées par la nature. Plus la reine s’approche de sa fin, plus elle tend de toutes ses forces vers le retour à une telle nature, abandonnant par là même toute défense contre la calomnie.