" L'état actuel de la civilisation en Europe est aussi injuste dans ses principes, qu'odieux dans ses conséquences : on en est généralement convaincu, et c'est ce sentiment intime qui fait craindre les progrès des lumières, et qui fait trembler les possesseurs des propriétés à la seule idée d'une révolution ; cependant c'est le hasard seul et non pas les principes d'une révolution qui en arrêtent le cours ; ce qui rend indispensablement nécessaire, pour le maintien de la propriété autant que pour l'intérêt de la justice et de l'humanité, l'établissement d'un système qui puisse en même temps mettre une partie de la société à l'abri de la misère, et préserver l'autre de la spoliation. Cette crainte superstitieuse et ce respect servile, qui naguère environnaient l'opulence, s'évanouissent sensiblement dans tous les pays, et abandonnent les propriétaires au tourbillon des événements. Lorsque la richesse et l'éclat, au lieu de fasciner les yeux de la multitude, ne lui inspirent qu'un dégoût repoussant ; lorsqu'au lieu d'exciter l'admiration, ils sont regardés comme une insulte faite à la misère ; lorsque les dehors éblouissants de l'opulence, ne servent qu'à faire mettre en question la légitimité de son origine, le sort de la propriété devient très incertain ; et ce n'est plus que dans un système d'exacte justice que les propriétaires peuvent trouver leur sûreté ".
Thomas Paine, La justice agraire opposée à la loi et monopole agraire, ou plan d'amélioration du sort des hommes, Paris, an V (1797), p.20