L'espace philosophique de la narration de la mort.

Antoine de Baecque a montré, dans son ouvrage sur l’emprise des cadavres (3), que le parcours mortuaire des corps mis à nu par l’événement funèbre devient un véritable « objet conceptuel » : ainsi s’actualise un mouvement du comble de l’abjection à ce qui est proprement sublime qui définit la catégorie esthétique et philosophique propre au moment révolutionnaire. Antoine de Baecque reprend ici les termes de notre description à la fois discursive et philosophique d’un événement matriciel en la matière, la mort de Marat, pour en étendre la dimension esthétique à d’autres cadavres. De fait, la mort de Marat nous confronte, dans son déroulement funèbre, à un mouvement vers le sublime, en temps arrêté par l’abjection qui couvre le corps de Marat putréfié sous l’effet de la canicule de l’été 1793. Ce mouvement esthétique permet la mise en place d’un sens commun au sein du peuple parisien, par le fait même de son identification, d’une oraison funèbre à l’autre, au corps de Marat, donc au titre de la Panthéonisation naturelle de Marat.

Nous retrouvons ici la manière dont Kant, dans la Critique de la faculté de juger, et tout particulièrement au sein du livre II sur l’Analytique du sublime, s’intéresse à « la forme de penser peuple » issue d’un jugement esthétique constituant l’universalité de l’événement dans sa singularité même, et non à partir d’un jugement a priori. Ce philosophe allemand rend ainsi compte des règles de constitution du peuple en « corps commun » par une représentation esthétique du mouvement de l’illimité propre au sublime (4). La narration philosophique de l’événement révolutionnaire s’inscrit ici dans l’espace bien connu de la traductibilité réciproque entre la pratique politique jacobine et la philosophie allemande.

Mais se limite-t-elle à ce seul espace hautement philosophique, par la place qu’il fait au jugement, tant du législateur philosophe que de l’homme du peuple ? Si c’est le cas, tout a été dit, ou presque, sur ce retournement sublime au contact des cadavres remarquables de la Révolution : passage de la mort à l’immortalité, à l’exemple de la mort de Marat d’abord par l’inversion de l’énoncé « Marat est mort » dans sa négation « Marat n’est pas mort », et au-delà dans la mise à l’ordre du jour de la terreur. D’autant plus que Sophie Wahnich, dans son ouvrage récent sur La liberté ou la mort (5), étend cette narration esthétique et philosophique de la mort de Marat jusqu’au rapport émotionnel instauré par la Révolution à la chose sacrée.

L’analyse d’un autre espace remarquable de la mort tragique pendant la Révolution française, « mourir en conventionnel » en Prairial an III, soit la tentative de suicide collectif de six députés montagnards en état d’arrestation, nous renvoie à une même philosophie. Bronislaw Baczko, en introduction d’un ouvrage sur ces « martyrs de prairial », précise en effet que les conventionnels, qui s’immolent eux-mêmes, « partagent tous le culte des grands hommes qui, par leurs vertus et leurs mérites, ont acquis le droit à la renommée et à l’immortalité. En s’immolant eux-mêmes, ils demeurent eux-mêmes jusqu’à leur dernier souffle des représentants du peuple »(6). Françoise Brunel précise plus avant, dans le même ouvrage, que le suicide des « martyrs de prairial », forme extrême de la narration tragique de la mort en Révolution, prend toute sa dimension philosophique par référence à la catégorisation kantienne du « sublime authentique » qui permet de déployer au plus loin les Idées de la raison.

Nous considérons ainsi que l’espace philosophique de la narration de la mort couvert par la pratique politique jacobine, dans son lien intime avec la philosophie allemande contemporaine des événements révolutionnaires, est déjà en grande part exploré. Nous n’irons donc pas au-delà de ce simple rappel, quitte à y revenir de manière plus dialectique en conclusion. Nous souhaitons plutôt orienter notre analyse vers l’autre versant de l’alternative du « partage laïc » face l’idée de la mort, dont le député Lequinio constitue ici le principal témoin philosophique.

De la présence d’un philosophe matérialiste…

Député breton, né en 1755 Sarzeau, dans l’actuel département du Morbihan, Lequinio publie en novembre 1792 un ouvrage intitulé Les Préjugés détruits, dans lequel un chapitre entière est consacré à la mort lire le chapitre correspondant, et trois autres au deuil, à la peine de mort et au suicide, enfin un dernier aux tombeaux (7). S’adressant aux « hommes simples », « aux citoyens toujours trompés et malheureux », ce traité de civilité tourne d’emblée en ridicule l’idée d’une vie après la mort, et s’en prend par la suite, de façon très acerbe, à toutes les formes possibles de triomphes posthumes, de l’oraison funèbre au Panthéon, et au-delà aux manifestations externes et ostentatoires de l’affliction face à la mort d’un proche. Significativement, au moment même où Lequinio considère « la perspective de l’immortalité » comme un genre de folie « qui tend à propager au-delà du tombeau la vanité humaine », il caractérise les faits susceptibles de mener à un tel égarement dans des termes qui annoncent les pompes funèbres des « martyrs de la liberté », et tout particulièrement celle de Marat mort :

« Quel est ton égarement vil mortel ! Quelles sont ta démence et ta faiblesse d’exiger qu’après ton trépas, il soit question de ton existence ? Seras-tu là dans le sein de la société, recueillant les éloges que tu désires ? Entendras-tu ce pompeux arrangement de mots que l’on appelle oraison funèbre, enfant de la bêtise et de l’adulation ? Tes yeux pourront-ils admirer ce catafalque si soigneusement arrangé, pour cacher ta hideuse déformation ? Pourras-tu lire cette épitaphe sur laquelle tant de passants exerceront une amère et juste critique ? Tes oreilles pourront-elles entendre ces chants lugubres et le bruit de ces instruments qui accompagneront ta pompe funèbre ? Pourras-tu savourer l’encens que l’infection de ton cadavre oblige de brûler autour de ton cercueil ? » .

Ne retrouve-t-on pas ici, certes par anticipation, tout, ou presque, des faits qui ont frappé les acteurs et les spectateurs de la mort de Marat : son exposition funèbre dans un état déjà avancé de décomposition, la multiplication des oraisons funèbres tout au long de la pompe funèbre, la nécessité de couvrir le corps d’aromates à cause de la puanteur qu’il dégage sous le soleil en ce mois de juillet 1793 ? Lequinio récuse donc par avance toute sublimation des cadavres remarquables de la Révolution, et s’interdit ainsi d’introduire, à cette occasion, une narration philosophique de l’idée de mort, en conformité avec le mouvement sublime vers l’idée de raison. Pour autant, la figure du philosophe se déploie, dans les Préjugés détruits, autour de l’idée de la mort à un point tel que Lequinio écrit, dans une formulation à résonance fortement métaphysique, « Une fois que le philosophe a reçu l’être, il ne peut mourir » (9), que nous avons mis en exergue du présent travail. Il s’agit bien ici de déployer l’éternité de la pensée, témoignage central de la perfectibilité humaine, au-delà de la mort, sans pour autant adhérer à l’idée d’immortalité.

...sur la voie de l’intériorité de l’homme pensant

S’agit-il d’une contradiction dans la pensée de Lequinio ? Par quelles voies est-il amené à cette caractérisation de la pensée philosophique ? Est-ce une alternative crédible à la narration esthétique de la mort ?

Bien sûr, il convient de préciser que Lequinio a vécu dans une région d’intense pratique religieuse et de dévotion ostentatoire, ce qui peut déjà expliquer son refus des « triomphes posthumes » par hostilité foncière au catholicisme romain . Pour autant, il n’est pas athée, comme on l’a trop souvent dit (11) ; il est plutôt favorable à une religion naturelle, donc dépouillée de toute institution religieuse, à l’instar d’autres législateurs, par exemple Sieyès pour prendre une figure célèbre (12).

Qui plus est, comme beaucoup d’autre jacobins, Lequinio retient la liberté, et sa réciproque l’égalité comme des qualités naturelles de l’homme et insiste sur leur nécessaire déploiement dans une « science » des droits de l’homme qui concerne tous les individus, même et surtout les plus démunis. Cependant il récuse d’emblée la référence classique des penseurs rationalistes, depuis Locke, à « la matière qui pense », préférant un matérialisme sensualiste immanent, exprimé de la façon suivante : « L’homme n’est pas né pour penser, mais pour sentir ». Il en déduit que « c’est un état contre-nature que celui que l’homme qui pense » (14) . A ce titre, ce n’est que par leurs travaux, et bien sûr leur instruction, que « les hommes ont appris à penser et à réfléchir ». La critique des préjugés (14) permet alors de chercher en soi-même, dans son cœur, les sentiments nécessaires à la formation de « l’espèce pensante et libre d’homme pensant ».

Il convient donc de bannir toutes les formes d’extériorisation ostentatoire des sentiments et de la parole (15) au profit d’un retour au « principe des vertus », c’est-à-dire aux qualités morales inscrites dans le cœur de l’homme. Ainsi l’égalité est avant tout « dans le cœur de tous ceux qui voudront y croire », et ne se réduit donc pas à l’égalité juridique, proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il s’agit ici de promouvoir « l’égalité morale » pour que « chacun remplisse bien son cœur du sentiment de sa propre grandeur et son esprit de l’idée qu’il vaut autant que son voisin » et de constater à quel point les « classes inférieures » sont les plus aptes à cette promotion sociale de l’égalité (16).

Ce dernier point est décisif dans la mesure où il va nous permettre de comprendre dans quel état d’esprit, selon quel cheminement social, le philosophe aborde l’idée de la mort. De fait, le portrait du philosophe apparaît dans toute sa grandeur au terme d’une série de chapitres, sous la forme d’un propos tout à fait originale pour l’époque, sur « les exclus » de l’ordre social, précédant, qui plus est, le chapitre XVII intitulé « De la Mort ». Il y est question, du chapitre XII au chapitre XVI, des domestiques, des laboureurs, des femmes, des bâtards, des esclaves, bref de ces citoyens certes un temps passifs, du point de vue de la loi, mais surtout maintenus par les « classes supérieures » dans « un état absolu d’ignorance », voir de privations. Nous n’allons pas entrer dans le détail de l’analyse de ces chapitres, qui relève d’une étude autre sur les formes historiques de l’exclusion sociale. Notons cependant que le terme d’exclu est anachronique pour l’époque : Sieyès, dans Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? utilise tout au plus le terme d’exclusion pour désigner « le crime social » exercé à l’égard du Tiers-Etat sous l’Ancien Régime du fait de son éviction des places réservées aux privilégiés (17).

Cependant Lequinio n’est pas à cours de ressources discursives en la matière : il propose en effet, dans le chapitre XVII De la mort, une caractérisation de l’état le plus avancé de privation des classes inférieures, sous le terme d’indigent, en le définissant dans son lien particulier à la mort, et par là même par sa grande proximité avec la figure du philosophe :

« S’il est un homme qui, sans y être préparé par la méditation, voie venir la mort avec indifférence, c’est l’indigent. Réduit au plus simple nécessaire, et n’ayant presque jamais connu son existence que par son travail et des privations, il quitte la vie sans regret, parce qu’il n’a pas assez eu lieu de s’y attacher ; et sans crainte, parce qu’il n’étend point ses pensées au-delà du présent. La mort est, pour lui, vraiment, la fin de ses peines ; il semble ne la voir que sous cet aspect, et souvent il rivaliserait avec l’homme le plus philosophique sur la tranquillité morale, au dernier instant de sa pénible carrière. En cela, comme en tout le reste, les deux extrémités se rapprochent, puisque l’état absolu d’ignorance et de privations, où vivait cet indigent, l’élève à la hauteur que le philosophe n’atteint que par ses méditations habituelles » (18) .

Nous voilà ici au cœur de la réflexion philosophique de Lequinio sur l’idée de la mort. Ce législateur insiste en effet sur la nécessité d’une médiation sociale unissant le philosophe et les classes inférieures pour appréhender « la pensée salutaire » de la mort comme simple « extinction du mouvement », à l’encontre de l’habitude ordinaire d’être épouvanté par la pensée de la mort. Bien sûr, l’indigent est indifférent à la mort, mais ces croyances sont peuplées, faute d’instruction, par des être imaginaires qu’on lui peint comme des réalités. A l’écart de ces « suppositions chimériques », le philosophe atteint différemment, c’est-à-dire par la réflexion, « la connaissance de la mort et la certitude que c’est bien le terme de l’existence humaine » (19). Cependant, ces deux figures extrêmes de la société se rapprochent en abordant la mort sous l’angle des droits de l’homme à travers des formulations partagées du type « C’est un homme comme moi, c’est mon égal », « Il est et mon frère, par cela seul, il a des droits à mon estime et à mon amitié comme tout autre » (20). Dans une société où les hommes sont réunis pour « s’entrecommuniquer » et « se secourir mutuellement » (21) , « l’égalité morale » s’applique tant à la vie qu’à la mort. Le moment de la mort n’est plus conçu, tant par l’homme qui éprouve le malheur que par le philosophe qui réfléchit sur le malheur humain, comme le début d’une nouvelle vie, d’ « une seconde carrière à courir » mais devient, par le fait de n’y voir que « le terme de notre carrière », d’une souffrance, une source permanente de fraternité, de paix et de vérité.

C’est ainsi que Lequinio termine son chapitre sur la mort par un tableau particulièrement éloquent des vertus attachées à l’idée de la mort qu’il invoque positivement en tant que source de paix :

« O mort, dominatrice inexorable de tous les êtres vivants (…) montre-toi désormais aux humains, ainsi que tu l’es, le passage au repos éternel et la descente au néant (…) deviens, en te faisant mieux connaître, la protectrice du genre humain, le soutien des vertus, la source et l’appui de l’heureuse fraternité qui doit un jour unir sincèrement tous les peuples ; établis la paix perpétuelle en faisant marche la vérité devant toi. » (22).

Un tel souci d’associer étroitement la mort à la vie, par le refus de toute représentation externe, donc ostentatoire, imaginaire et chimérique de la mort, y compris le temps du deuil (23), lui confère une forte dimension d’intériorité, au point d’en faire le point de référence de l’objectif majeur du philosophe, conférer à la pensée une existence éternelle. Ainsi, associer la mort à la vie, c’est rendre possible l’éternité de la pensée :

« Le philosophe sait vivre au-delà de son siècle ; il se fait le contemporain des races futures, comme il se fait l’ami de tous les hommes ; les générations à venir passent devant son esprit ; leurs calamités l’affligent ainsi que la malheur des races présentes ; son âme sensible étend ses désirs sur la félicité universelle : une fois qu’il a reçu l’être, il ne peut mourir ; sa pensée embrasse tous les moments ; il concentre en lui toutes les mesures et tous les espaces ; il jouit avec toutes les successions des générations et des temps. » (24).

En fin de compte, la narration philosophique de la mort n’est plus orientée principalement vers le récit mémorable des héros révolutionnaires, leur valeur d’exemple dans l’action émancipatrice. Elle procède de bout en bout de l’ordre de la pensée, tout en y associant, par un apparent paradoxe, les couches inférieures de la société, donc les moins instruites.

Des Tombeaux.

Nous retrouvons le même cheminement de pensée dans le chapitre XXVII Des Tombeaux. Certes Lequinio s’insère ici dans un mouvement philosophique auquel participent d’autres législateurs. Régis Bertrand a précisé les enjeux, avec l’exemple de Maignet, le représentant du peuple dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse en l’an II, de la volonté des députés montagnards d’en finir avec le faste des tombeaux, dans la perspective de l’extinction des préjugés et de l’instauration d’une « égalité parfaite » face à la mort. Il s’agit là d’un effet de « la révolution philosophique qui vient de s’opérer » : l’interdiction de « toutes ces cérémonies que la superstition et la vanité avaient attachés au tombeau », avec un souci hygiéniste en arrière-plan (25).

Cependant Maignet admet une dérogation, si l’on peut dire, à l’égalité devant la mort lorsqu’il s’agit d’honorer les hommes les plus vertueux, à l’exemple du représentant du peuple Beauvais « martyr de la liberté » mort à la suite de son emprisonnement par les anglais pendant le siège de Toulon. Lequinio, s’il partage les préoccupations hygiénistes de son siècle (« Êtres qui ne réfléchissez pas, les ossements ne peuvent plus que vous gêner par leur infection » (26) ), s’en tient cependant à un tableau saisissant « des restes de l’existence humaine » présents sous les pierres des tombeaux, qui ne sont que « des os à moitié désunis » et de la poussière en dépit des fastes accompagnant la sépulture des puissants et des rois. Il en conclut que : « la mort vous a donc tous confondus, mortels de tous les rangs : rois, prêtres, indigents, vous êtes tous égaux »(27). Il en revient une fois de plus à la figure égalitaire de l’indigent dénué, face à sa sépulture, de tout faste et surtout de « l’infection généalogique » associée au culte d’un grand homme (28).

Si Lequinio demande, comme d’autres jacobins, la destruction des tombeaux des rois pour « rendre au limon ces cadavres infects », il semble marquer de l’indifférence, du moins dans Les Préjugés détruits, au lieu de sépulture. D’une part, il pense que les parties des cadavres, particulièrement instables sous la forme de « débris infects et poudreux » se disséminent dans l’atmosphère et engraissent la terre jusqu’à participer de la composition de l’air que nous respirons et des aliments que nous mangeons. D’autre part, il considère que la personne aimée vit, après sa mort, « dans moi jusqu’au jour où moi-même je cesserai d’avoir du mouvement de la pensée » (29). Seule la pensée pouvant s’éterniser, il convient donc de « laissez-là les morts », sans autre précision de la part de Lequinio.

La vie et la mort aux extrêmes: la dualité de l'intériorité et de l'extériorité.

Pour mieux comprendre l’attitude de Lequinio devant la mort, il convient de rappeler que la narration funèbre procède, en temps de révolution, de la lutte éternelle entre les amis et les ennemis de la République. Ainsi l’épitaphe peinte au pied du catafalque de Marat indique : « Marat, l’ami du peuple, assassiné par les ennemis du peuples. Ennemis du peuple, modérez votre joie, il aura des vengeurs », formulation sur laquelle doit s’exercer, selon Lequinio, la critique des citoyens. Pourquoi ? Sans doute par le fait que cette épitaphe introduit un rapport entre les extrêmes, les amis et les ennemis ne pouvant se résoudre que par la mort de l’un des adversaires ; en ce sens, elle légitime la mise à l’ordre du jour de la terreur.

De fait, Lequinio refuse de penser le rapport des extrêmes face à la mort en termes guerriers : il critique d’ailleurs vigoureusement, dans le chapitre XXI De l’Intolérance, l’usage fanatique de l’opposition entre aristocrates et patriotes chez de nombreux révolutionnaires, qui tend à définir comme aristocrate, « l’homme qui pense autrement que moi » (30). Pour lui, le rapport des extrêmes, certes fondamental pour comprendre tant la mort que la vie, relève avant tout de la place du philosophe dans la société : l’opposition entre les classes supérieures et les classes inférieures, entre le maître et l’esclave selon la terminologie hégélienne, est surdéterminée par le lien privilégié entre le philosophe et l’indigent, en particulier dans leur attitude commune face à mort.

Il est bien connu qu’Hegel précède son célèbre développement sur « Maître et esclave », dans la Phénoménologie de l’esprit, par un long paragraphe sur « la lutte des consciences de soi opposées » (31). Il met en scène deux « consciences de soi » qui se confrontent « au moyen de la lutte pour la vie et la mort ». Nous sommes ici au fondement ontologique de la lutte des classes : « chaque individu doit tendre à la mort de l’autre quand il risque sa propre vie » précise Hegel, tout en ajoutant qu’il n’est pas possible d’échapper à cette confrontation mortelle sauf à vouloir une « unité morte » avec des « extrêmes morts » : il convient donc de rechercher la victoire définitive d’un des extrêmes, qui incarne alors la réalité sociale (32).

A cette approche dialectique de la mort en temps de révolution permanente, Lequinio préfère une approche plus phénoménologique : la mort, tout en étant maintenue au plus près de la sensibilité humaine, donc du malheur de l’humanité, siège dans l’intimité même de la pensée : elle est l’horizon originaire et indépassable d’une pensée qui tend à s’immortaliser. A ce titre, elle rapproche les hommes en apparence les plus éloignés socialement par le fait de la médiation entre l’indigent et le philosophe. Elle est donc garante de l’unité humaine. De cette approche phénoménologique de la mort, attestée donc dès la Révolution française, nous retiendrons l’énoncé de Lequinio à forte résonance métaphysique « Une fois que le philosophe a reçu l’être, il ne peut mourir » qui nous rapproche singulièrement de la réflexion philosophique sur la relation entre l’Être, l’homme et le Néant.

A ce titre, Lequinio instaure la primauté de l’éthique sur l’ontologie, dans ses propres termes de « l’égalité morale » sur « l’égalité des droits ». C’est donc au nom de l’estime réciproque (« Tel est l’égal d’autrui, sitôt qu’il ose s’estimer autant » (33) ) que l’homme éprouve « un sentiment d’égalité parfaite ». De là son être fini peut être affecté par l’infinité de la pensée. Lequinio conteste donc l’alternative, face à la mort, entre l’Être et le Néant. Récusant une existence autre après la mort, l’homme ne se confronte pas pour autant au néant (34), il ne se replie pas sur la finitude de son Être. Au contraire, il situe la mort dans un horizon de vie qui rend possible toutes sortes de projets vertueux.

Il refuse tout autant de voir dans la mort une menace permanente engendrant la peur, donc de la situer dans un espace de violence absolue, imprévisible, sans horizon, imposant une lutte de tout instant pour la vie. L’Autre, en l’occurrence « celui qui pense autrement que moi », n’est pas mon ennemi, nous ne devons pas le situer dans la région d’où vient la mort : c’est ce message que « la saine philosophie » adresse à la société, et tout particulièrement aux « classes opulentes » pleines de mépris et de dédain à l’égard des « classes inférieures », classes particulièrement aptes à « se remplir de ce sentiment d’égalité parfaite », à le faire exister, être par la voix de son porte-parole le plus proche, le philosophe. C’est bien grâce au sentiment vertueux exprimé par les basses classes, donc éprouvé au plus profond du cœur de chaque individu, que le philosophe, rempli d’un profond sentiment d’humanité, reçoit l’être, et donc que sa pensée devient éternelle.

Face à une formulation aussi philosophique de l’idée de la mort, l’historien, prenant la suite du philosophe, est en droit de se demander quels sont les événements, les témoignages individuels qui attestent de cette narration philosophique de la mort, posée comme alternative d’une narration funèbre et guerrière particulièrement prolixe. Nous pensons trouver ses matériaux pour une part dans les écrits des nombreux suspects en l’an II, qui rédigent leurs Conduites politiques sous la Terreur dans le but témoigner d’une authenticité maintenue de leur activité patriotique en faveur de la République. Des femmes et des hommes, confrontés au risque de la peine de mort, témoignent du lien qui les unit au sentiment d’humanité incarné par le législateur philosophe, alors qu’ils sont souffrants, et dénués de tout secours. Tel est le cas de ces femmes marseillaises suspectes en l’an II dont nous avons tracé le portrait à la fois social et émotionnel, tout en soulignant plus particulièrement la manière dont le récit de leur « conduite politique » participe de la narration du mouvement de sympathie et d’humanité qui donne consistance au lien social, unit tous les hommes par des besoins et des secours réciproques(35).

Dans la tradition philosophique, l’abord de l’idée de la mort procède d’une dualité entre extériorité et intériorité (36). Pour les uns, la mort peut interrompre à tout moment le mouvement de la perfectibilité humaine : elle est donc une menace externe, une violence absolue sans aucun horizon, comme le précise Levinas qui retrouve ici les accents rousseauistes sur la perte ontologique consécutive à la mort de l’homme (37). Pour d’autres philosophes, l’idée de la mort, une fois dégagée de la crainte propre à l’homme crédule, est tout au contraire l’horizon immanent à la temporalité de la vie. Horizon radical, qui ouvre la possibilité de rendre visible toutes sortes de projets concrets d’une humanité souffrante et agissante par le fait de permettre la totalisation de l’expérience humaine. Dans cette voie, choisie par Lequinio, la certitude de la mort, renforcée par le caractère incertain même de l’idée de néant, permet en quelque sorte de devancer le moment où l’homme devient cadavre.

Il convient alors de bannir tout « bavardage » funèbre, de manifester dans son intériorité le « souci » d’être en avant de soi, donc de devancer la mort de manière à pouvoir totaliser son activité de vie. Une telle « ipséité », en posant l’identité de l’existence humaine, rend possible l’établissement d’un rapport immanent entre son « être-au-monde », saisi par « la finité », et son « être-pour-la-mort » qui fuit la finité pour permettre, au-delà de la temporalité finie, d’instaurer l’horizon de la « temporalité » (38). Sur cette voie nous entrons dans la temporalité, et sa narration, par la liaison entre l’« être-pour-la-mort » et la totalité de l’être. L’énoncé métaphysique de Lequinio, « Une fois que le philosophe a reçu l’être, il ne peut mourir » s’incrit dans une telle perspective phénoménologique. Il s’agit de considérer que la certitude de la mort atteste, à tout moment de la vie humaine, de l’authenticité du témoignage existentiel dans la mesure où elle constitue la forme la plus élevée de la pensée au sein de conscience morale.

Nous sommes ici dans ce que Paul Ricoeur appelle aussi « l’engagement ontologique de l’attestation », c’est-à-dire ce lieu où se déploie « l’être-vrai de la médiation de la réflexion par l’analyse »(39). Dans le cas de la Révolution française et bien au-delà, cet engagement est perceptible dans la médiation de la réflexion du philosophe par son analyse de l’authenticité morale des témoignages qui attestent de la vérité sociale des « classes inférieures » (40).

Certes la figure du député Lequinio est au centre de notre présente analyse d’une telle manière d’attester de la mort par la vie de l’homme pensant. Cependant il convient, en fin de parcours, de restituer la complexité de la perception de la mort par les révolutionnaires, en abordant un cas qui nous mène, dans un trajet de fin de vie, de l’intériorité vers l’extériorité dans l’attitude face à la mort.

Chronique d’une mort annoncée

Nous prenons ainsi en considération le comportement devant la mort du député montagnard Goujon, l’un des « martyrs de prairial » an III, tel qu’il est relaté dans la Vie de Goujon rédigée par son frère Tissot sur la base des écrits et des paroles de Goujon lui-même. Considérant, dès Germinal an III, que son arrestation et son exécution sont imminentes, Goujon se prépare à la mort dans son fort intérieur :

« Depuis six mois environ, il s’était fait en lui un changement considérable. Il était devenu plus sévère et plus vigilant sur lui-même et sur les autres : la considération d’une fin prochaine sembla donner un nouveau degré d’énergie à son âme » (41).

Ainsi il devance la mort en adoptant, à l’égal de Socrate, une attitude austère, ou tout du moins en se consacrant à ce qui lui permet d’atteindre un plénitude de vie. Il devient frugal dans son alimentation. Il s’entoure de sa famille et surtout il se consacre aux « devoirs de la bienfaisance » (« Jamais un malheureux n’entra sans sa maison sans recevoir un soulagement »), considérant ainsi le lien entre le représentant du peuple et l’indigent comme primordial dans son attitude face à une mort annoncée. Certes il occupe son poste à la Convention, mais il ne prononce plus un mot devant les autres députés jusqu’aux événements du 1er Prairial an III.

De fait la présence du peuple au sein de la Convention, le 20 mai 1795, l’incite à prendre de nouveau la parole, conscient du risque majeur qu’il encourt alors qu’un autre député donne l’exemple du courage en s’écriant : « C’est est fait, je me dévoue à la mort ! ». Pour sa part, il demande à la tribune l’adoption d’un appel aux patriotes opprimés. On l’empêche de continuer à parler par les cris « Tu est un assassin ». Il est alors arrêté, ainsi que les autres députés qui ont pris la parole en faveur du peuple. Son attitude par la suite relève de l’attitude sublime et tragique adopté par le groupe des Montagnards mis en arrestation : en effet ils jurent entre eux de se poignarder face au tribunal qui les jugera. C’est chose faite le 29 prairial an III : Goujon, le plus jeune du groupe, s’enfonce le poignard dans le cœur en disant ; « Je meurs pour le peuple et pour l’égalité », donc fait un geste et prononce une parole qui lui donne un statut de héros en regard de l’humanité agissante et souffrante.




Il est certain que l’attitude de Goujon face à la mort, telle qu’elle nous est présentée, rend compte de la totalité d’un mouvement narratif au sein de l’événement révolutionnaire. L’idée de la mort est donc conçue dans son aboutissement absolu, à l’exemple de la réflexion hégélienne sur la mort du Christ (42). Pour autant, il demeure une approche de la mort, plus intériorisée, plus dépouillée, à l’exemple de la mort de Socrate. Cette manière d’être répond au besoin philosophique dans l’exercice ordinaire de la civilité révolutionnaire, et ne confère donc pas un caractère d’exception à la recherche d’un accord avec l’universel dans l’événement révolutionnaire. Par la proximité qu’elle induit entre le philosophe et l’indigent, elle permet de vaincre au quotidien la hantise de la mort par le seul fait de rechercher l’immortalité immanente de la pensée au sein d’une société égalitaire où les extrêmes sociaux se rejoignent dans la quête du témoignage authentique.



N.B. Ce texte a fait l'objet d'une première publication dans Les narrations de la mort, sous la dir. de Régis Bertrand et Jean-Noël Pelen, 2005, Publications de l’Université de Provence, p. 51-62. Nous y avons adjoint un extrait (voir le document) du livre de Lequinio, Les Préjugés détruits, où il parle de la mort.

Notes

(1) Paris, Gallimard, 1983.

(2) Ibid., p. 492.

(3) La gloire et l’effroi. Sept morts sous la Terreur, Paris, Grasset, 1997.

(4) Kant écrit que « le sublime peut se trouver aussi dans un objet informe, pour autant qu’une dimension d’illimité est représenté en lui ou grâce à lui et que cependant vient s’y ajouter par la pensée la dimension de la totalité », Critique de la faculté de juger, trad. A. Renault, Paris, Aubier, 1995, p. 225. Face au cadavre de Marat devenu un « objet informe » par le fait de sa putréfaction, le mouvement vers le sublime impulsé par les oraisons funèbres des sans-culottes parisiens permet de retourner la terreur suscitée par la mort de Marat dans un illimité de la vie des amis et de la mort des ennemis qui rend compte de l’existence de la totalité du peuple dans sa dimension conceptuelle.



(5) La liberté ou la mort. Essai sur la terreur et le terrorisme, Paris, La Fabrique, 2003. Voir le compte-rendu de Marc Belissa

(6) Françoise Brunel, Sylvain Goujon, Les martyrs de prairial, avec une introduction de B. Baczko, Genève, Georg Editeur, 1992, p. 13.

(7) Nous faisons désormais référence à l’édition la plus complète : Les Préjugés détruits, seconde édition revue et corrigée par l’auteur, Paris, 1er janvier 1793. (8) Ibid., p. 30.

(9) Ibid., p. 176. Voir le passage concerné ci-dessous.

(10) Dans le chapitre VIII, intitulé De la religion, Lequinio écrit : « La religion est une chaîne politique, et rien de plus, inventée pour gouverner les hommes, et qui n’a servi qu’à les dominer, les conduire et faire exister la multitude pour les jouissances de quelques individus », p. 48.

(11) Voir à ce propos le mémoire de maîtrise de Sophie Boismaré sur Un homme des Lumières. Un révolutionnaire. Les idées de Lequinio dans Les Préjugés détruits, sous la dir. de D. Godineau, Université de Rennes, 1997.

(12) En particulier au sein de son manuscrit inédit Sur Dieu ultramètre dont nous avons fait une présentation succincte dans « Fragments d’un discours sur Dieu. Sieyès et la religion », Mélanges Vovelle, Publications de l’Université de Provence, 1997.

(13) Les Préjugés détruits, op. cit., p. 13.

(14) Voir le chapitre III intitulé Des préjugés.

(15) Dans le chapitre VII sur De l’éloquence, Lequinio s’en prend au « despotisme des orateurs » qui pratiquent la « grande affluence de paroles » pour « ne point laisser d’idées nettes des choses », p. 40. L’éloquence doit être donc proscrite de la tribune au profit du « langage sérieux et froid de la raison » .

(16) Voir le chapitre X intitulé De l’égalité.

(17) Œuvres, tome I, d. 3 p. 3, reprint Edhis, 1989.

(18) Les Préjugés détruits, op. cit., p. 181. C’est nous qui soulignons.

(19) Ibid., p. 187.

(20) Ibid., p. 117 et 163.

(21) « Qu’est-ce que la société ? C’est la réunion des hommes pour traiter entre eux, s’entre-communiquer, se secourir mutuellement, et vivre heureux pendant qu’ils existence », ibid., p.158.

(22) Ibid., p. 189-190.

(23) « A quoi donc serviront pour moi toutes vos cérémonies, vos grimaces et vos feintes ? A quoi servira votre deuil, si ce n’est à faire mon malheur, à prolonger inutilement le souvenir et le sentiment de ma perte Que fait au cadavre qui tombe maintenant en pourriture et dont les molécules passent à l’organisation d’autres êtres, que lui fait, dis-je, la couleur ou la forme de mon habit ? », ibid. , p.196-197.

(24) Ibid., p. 176. C’est nous qui soulignons.

(25) Les expressions présentement mises en valeur sont extraites de l’arrêté sur les sépultures de Maignet du 29 mars 1794 que Régis Bertrand présente et publie dans son intervention au colloque sur La Révolution et la mort (sous la dir. de E. Liris et J.-M. Bizière, Presses Universitaires du Mirail, 1991) sous le titre « Maignet, Marseille et la mort : la réorganisation des sépultures en l’an II ».

(26) Ibid., p. 350.

(27) Ibid., p. 347.

(28) « C’est pour dire que vous descendez d’un grand homme que vous conservez ses inutiles et insensibles ossements », ibid., p. 352.

(29) Ibid., p. 348.

(30) Ibid., p. 233.

(31) La Phénoménologie de l’esprit, trad. J. Hyppolite, tome 1, p. 158-161, Paris, Aubier.

(32) Dans le cadre de la traductibilité réciproque entre l’idéologie jacobine et la philosophie allemande, nous sommes ici sur un terrain commun à la tradition hégélienne, Marx inclus, et à l’idéologie des Montagnards de la Convention. Lorsque le « côté gauche » s’oppose au « côté droit » comme deux extrêmes, ces extrêmes d’essence opposée ne peuvent participer à aucune médiation unitaire : quand ils se manifestent sur la scène politique comme extrêmes, l’un, le « côté gauche » signifie la réalité de l’unité de la République, donc occupe le centre de la scène politique, l’autre, le « côté droit », doit disparaître par sa mise à mort.

(33) Les Préjugés détruits, op. cit., p. 100.

(34) L’attitude de Lequinio face au néant s’inscrit dans un horizon particulièrement radical. Dans le chapitre XXVII Des tombeaux, après avoir émis d’emblée un doute sur le fait que « quelque chose ait pu jamais sortir du néant », il conclut son propos par l’injonction suivante ; « Ne crois point au néant », ibid. p. 341 et 356.

(35) Voir Jacques Guilhaumou, « Conduites politiques de Marseillaises pendant la Révolution française », Provence Historique, fascicule 186, 1996. Et sur ce site le dossier Marseille révolutionnaire

(36) Voir les interventions du séminaire de l’ENS de 2002-2003 sur « La mort du philosophe », sous la dir. de J.-B. Froment et C. Litwin, disponibles sur le Web

(37) Emmanuel Levinas, Totalité et infini. Essai sur l’extériorité, Paris, Livre de Poche, p. 258 et suivantes. Sur Rousseau, voir l’intervention d’Eric Zernik dans le séminaire précité sur « Rousseau ou la philosophie endeuillée ».

(38) Nous reprenons ici le vocabulaire de Heidegger. Voir l’ouvrage de Christian Dubois, Heidegger. Introduction à une lecture, Paris, Seuil/Essais, 2000 et bien sûr l’opus majeur d’Heidegger, Sein und Zeit.

(39) Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 350. Paul Ricoeur précise la place de la réflexion d’Heidegger sur le temps, et l’importance qu’il lui accorde dans sa réflexion sur le besoin d’attestation dans Temps et Récit III. Le temps raconté, Paris, Seuil, 1985, p. 90 et suivantes.

(40) Voir, sur la comparaison possible avec la situation actuelle des « exclus », Béatrice Mesini, Jean-Noël Pelen, Jacques Guilhaumou, La résistance à l’exclusion. Récits de soi et de monde, Publications de l’Université de Provence, 2004.

(41) Les martyrs de prairial, op. cit. p. 181.

(42) Voir sur ce point, et sur la comparaison entre la mort du Christ et la mort de Socrate, l’intervention de Christophe Litwin, dans le séminaire précité, sur « Hegel : concevoir la mort dans l’absolu ».



Jacques Guilhaumou, "Lequinio et la narration philosophique de la mort pendant la Révolution française", Révolution Française.net, Etudes, mis en ligne le 17 février 2007, URL:http://revolution-francaise.net/2008/02/17/191-lequinio-narration-philosophique-mort-revolution