Un mot sur les termes tout d’abord, et notamment celui de « patriote ». C’est ainsi que les journalistes examinés ici se définissaient eux-mêmes, par opposition aux « aristocrates » ou « contre-révolutionnaires » et aux « modérés » (comme, par exemple, Barnave, les Lameth, Duport, Le Chapelier, Dandré et éventuellement La Fayette, bien que Brissot ait continué à soutenir ce dernier jusqu’à ce qu’il vote le rétablissement de Louis XVI le 15 juillet 1791). C’est un terme volontiers un peu vague, qui désigne plutôt un groupe d’écrivains aux contours flous, au sein duquel eut lieu pendant cette période des échanges d’idées et dont les membres furent en beaucoup de cas solidaires les uns des autres. Il y eut des différences parfois profondes d’opinion entre ces « écrivains patriotes ». Certains, comme Condorcet, pourraient être qualifiés plutôt comme des modérés qui conservent des liens chez les patriotes. Mais comme notre tâche a consisté en large part à mettre en lumière ces différences, le flou du terme « patriote » est plutôt un avantage, en ce qu’il ne préjuge pas nos conclusions.

Quant à la « crise de Varennes », le terme est d’Albert Mathiez (1). Il évoque les suites de la fuite du roi. Nous l’utilisons pour figurer la période qui va de cette fuite jusqu’à la décision de l’Assemblée constituante de rétablir Louis XVI, le 15 juillet 1791, et de la répression du mouvement républicain inaugurée par le massacre du Cham-de-Mars le 17 juillet.

« L’Antiquité, modèle dans le moment républicain de l’été 1791 ? » Il y a deux interrogations comprises dans ce titre, puisqu’avant de nous demander si l’antiquité a servi de modèle dans le « moment républicain » de l’été 1791, il faut se demander dans quelle mesure l’été 1791, ou plus précisément la crise de Varennes, a constitué un « moment républicain ». Le texte se divise donc en deux grandes parties, la première consacrée à cette notion de « moment républicain », la seconde à l’usage de la référence à l’antiquité au sein de celui-ci.

Notons avant de commencer que cette enquête se limite aux défenseurs du républicanisme dans la presse. Il faudra laisser à des études futures la question du républicanisme et de la référence à l’Antiquité dans les débats au sein des sociétés politiques, par exemple, ou chez la presse « modérée » ou contre-révolutionnaire.

Le moment républicain : l’historiographie

Le récit standard de la Révolution, celui qui a émergé de l’historiographie du XIXe siècle et qui n’a guère été remis en cause que depuis le dernier quart de siècle, veut que la France soit passe d’une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle en 1789, puis d’une monarchie constitutionnelle à une république en 1792. L’élément clé dans ce récit est le roi. La république ne serait autre à la base qu’un refus de la monarchie. De plus, dans la version de ce récit qui suit la thèse de l’« exception française », si la république acquiert un contenu au cours de la Révolution – démocratique, sociale ou « bourgeoise » – cela est dû entièrement à la conjoncture révolutionnaire, sans référence aux théories antérieures ou aux modèles étrangers. Comment ce récit standard conçoit-il la « république avant la république » ?

Dans la version que l’on voit chez certains historiens républicains du XIXe siècle, il se forme un « parti républicain » en 1791, sorte d’avant-garde révolutionnaire qui anticipe sur la chute de la monarchie que la plupart des révolutionnaires n’étaient pas prêts à envisager. Ceux qui ne faisaient pas partie de ce parti républicain seraient des monarchistes – y compris, et surtout selon Michelet et Quinet — Robespierre (2). Il s’agissait surtout pour ces historiens d’exclure la figure gênante de Robespierre du panthéon républicain en soutenant qu’il n’accepta la république que par opportunisme. Il y a des versions plus ou moins nuancées de ce récit, mais ce sont là les contours de cette interprétation : les républicains se caractérisent par l’antimonarchisme, ils émergent dans la crise de la monarchie et la division fondamentale s’établit dès lors autour de la question de la royauté.

Une autre interprétation est défendue par Mathiez et généralement dans l’historiographie « sociale », du moins jusqu’au bicentenaire de la Révolution. Selon cette interprétation, la division essentielle s’établit entre le mouvement « démocratique » autour du club des Cordeliers et des modérés socialement conservateurs et il se trouvait des républicains dans les deux camps. Sans aucun doute, cette interprétation saisit bien mieux les enjeux de la crise de Varennes. Cependant, selon elle, la république ne consiste toujours qu’en l’abolition de la royauté. Ceux qui suivent cette interprétation ont donc tendance à sous-estimer l’intérêt des débats autour du républicanisme.

Le problème que posent toutes les versions de cette interprétation ne consiste pas en ce qu’elles définissent la république comme le contraire de la monarchie. Les historiens appliquent très souvent leurs propres termes et définitions à l’analyse des sources et c’est une approche légitime. Le problème c’est plutôt que l’on ne définît pas la république dans ces récits. On fait comme si sa définition allait de soi. On ne s’interroge donc pas sur les conceptions de la république que purent avoir les acteurs révolutionnaires ou si elles diffèrent de la définition des historiens ou de celle qui est courante à l’époque où ils écrivent. De ce fait, toute analyse du républicanisme dans la Révolution est faussée par la confusion des termes.

Il n’est pas question dans l’historiographie dont on vient de parler d’un « moment républicain ». Il semble que c’est Raymonde Monnier qui a été la première à utiliser ce terme. Il s’est pourtant généralisé depuis le bicentenaire. Il s’agissait sans doute à l’origine d’une allusion à l’ouvrage de John Pocock, Le moment machiavélien, publié en 1975 et qui a relancé l’intérêt pour le républicanisme classique, qu’il trace depuis la Florence de Machiavel jusqu’aux Révolutions anglaise et américaine (3).

Nous considérons que la notion d’un « moment républicain » fait le plus sens lorsqu’on le fait commencer en 1789 et s’étendre jusqu’en 1792 ou 1793, voire au-delà, comme le fait Jacques Guilhaumou (4). Réduire le moment républicain à une courte séquence, et surtout de la crise de Varennes ne permet pas d'en comprendre la genèse. Le républicanisme ne surgit pas de nulle part pour occuper un vide créé par la crise de la monarchie. La crise de la monarchie donne tout au plus l’occasion de relancer le débat sur les caractéristiques d’un État libre.

Il importe, si nous voulons éviter de sombrer dans la téléologie, de regarder le républicanisme de 1791 non pas comme l’ancêtre de la république actuelle, de celles du XIXe siècle ou même de celle de 1792, mais plutôt comme l’héritier des diverses traditions et définitions qui avaient cours au XVIIIe siècle (et qui s’étaient développées au fil des siècles). En d’autres termes, pour bien comprendre les conceptions de la république que l’on put avoir en 1791 et en quoi consiste éventuellement leur originalité, il faut nous arrêter rapidement sur les définitions de la république en 1789.

Définitions de la république au XVIIIe siècle

À son origine, la république est littéralement res publica, la chose publique. La république chez les Romains n’était donc autre chose que les affaires publiques, celles qui concernaient tous les citoyens. Il y avait originairement une association entre la république et l’abolition de la royauté, parce que les Romains dataient l’établissement de leur liberté du bannissement du dernier de leurs rois, Tarquin le Superbe. La haine de la royauté est devenue par la suite une caractéristique des Romains.

Dans les siècles qui séparent la république romaine du XVIIIe siècle, et surtout, à en croire Pocock à partir de la Renaissance italienne, beaucoup d’écrivains, juristes et philosophes politiques théorisèrent la république, sans parler des divers États qui prirent ce titre (ou auxquels on le donna) : Venise, Genève, les Provinces-Unies, la Pologne, les États-Unis, etc. De toutes les définitions qui avaient cours, aucune ne consistait dans la simple absence d’une monarchie. La Pologne était une république et une monarchie : monarchie élective, mais une monarchie tout de même.

La définition de la république que donne Montesquieu, et l’Encyclopédie qui le suit, peut sembler purement formaliste, puisqu’elle oppose la république aux gouvernements monarchique et despotique. Cependant, à y regarder de plus près, on voit qu’il est moins une question de la forme du gouvernement que de la souveraineté chez Montesquieu. Dans la monarchie, le roi est souverain ; dans la république, soit une minorité, soit une majorité des citoyens est souveraine, selon que la république soit aristocratique ou démocratique. Montesquieu n’envisage pas explicitement la possibilité qu’un peuple souverain se donne un roi tout en gardant sa souveraineté, mais selon sa définition un tel État serait une république (5).

Selon la tradition du républicanisme classique ou humaniste, en revanche, la république est simplement un « État libre ». Mais s’il est un terme encore plus polyvalent que « république », c’est bien « liberté ». Qu’entend-on donc par « État libre » ?

La conception de la liberté la plus répandue de nos jours est issue du discours thermidorien. Sa plus célèbre articulation se trouve chez Benjamin Constant (6). Selon Constant, il y a deux sortes de liberté, la liberté des Anciens et la liberté des Modernes. La première, qui aurait caractérisé les cités de l’Antiquité, est la liberté dite « positive » : elle met l’emphase sur la participation politique et sur la vertu civique et nécessiterait de mettre les droits de la cité avant ceux du citoyen. La seconde, la liberté « négative » ou des Modernes, consisterait dans les droits civils individuels. Elle se résume dans le droit de faire ce que l’on veut de sa personne et de sa propriété avec un minimum de contraintes. C’est ce que le philosophe contemporain Philip Pettit appelle la liberté comme non-interférence (7).

Or, selon Pocock, le républicanisme classique serait demeuré rigoureusement sous le signe de la liberté positive. Un « État libre » aurait été selon lui celui où les citoyens se dévouaient pour la cité et où la préoccupation centrale était : comment préserver la cité de la corruption et de la décadence ? À cette fin, les républicains classiques auraient préconisé la vertu et l’engagement civique des citoyens, mais aussi le rejet du commerce et du luxe corrupteur qu’il apporte et l’établissement des constitutions « mixtes » censées préserver la stabilité et donc la liberté de la cité (8).

Quentin Skinner, en revanche, a découvert chez les Anglais du XVIIe siècle, un troisième genre de liberté, qui ne rentre pas dans la dichotomie de Constant. Selon ce que Skinner appelle la « théorie néoromaine des États libres », tous les éléments que Pocock a observés ne seraient ni une fin en soi, ni un simple moyen d’éviter la corruption, mais un moyen de préserver cette troisième sorte de liberté (9). Philip Pettit appelle cette dernière la liberté comme non-domination, par opposition à la liberté comme non-interférence ou liberté des Modernes de Constant. Le contraire de la liberté comme non-domination n’est pas la contrainte mais l’esclavage : on est libre non pas tant que l’on ne trouve pas d’obstacles à sa volonté, mais plutôt tant que l’on n’est pas sujet à la volonté arbitraire d’autrui. La seule façon d’être libre est donc d’être citoyen d’un « État libre » ou république qui se caractérise par le règne des lois qui sont les mêmes pour tous les citoyens et que tous les citoyens ont consenties. Obéir à ces lois, loin de diminuer la liberté du citoyen, en est la seule garantie. La vertu civique, la forme de la constitution, l’évitement de la corruption ne sont pas une fin en soi, mais le moyen nécessaire de la préservation de la république.

Rousseau combine plusieurs des éléments que l’on vient d’examiner dans sa définition de la république. Il considère que la souveraineté réside toujours, dans tout État légitime, dans le peuple, quelle que soit la forme du gouvernement. La monarchie, tout comme le gouvernement despotique selon la définition de Montesquieu, sont illégitimes. À part cette condition de base, Rousseau affirme que la république est « tout Etat régi par des loix, sous quelque forme d’administration que ce puisse être : car alors seulement l’intérêt public gouverne, & la chose publique est quelque chose. (10) »

Mably s’accorde avec Rousseau sur l’inaliénabilité de la souveraineté populaire et sur la nécessité du règne des lois pour assurer la liberté de l’arbitraire. Mais Mably diffère sensiblement de Rousseau sur le point important du droit naturel. Pour Mably, à l’instar de Locke, le but de la société est la défense des droits naturels de ses membres. L’État libre, où le peuple est souverain et où règnent les lois, est à la fois une émanation du droit naturel et le moyen de le défendre. Loin d’être opposés, l’exercice des droits politiques permet la défense des droits civils (11).

Pour résumer, avant la Révolution, la « république » est donc soit un État où le peuple – ou même une partie du peuple, chez Montesquieu – est souverain, soit un État où règnent les lois faites ou au moins consenties par les citoyens, soit une combinaison des deux, soit enfin une combinaison des deux dont le fondement et le but sont le droit naturel. La vertu civique est nécessaire à la république selon toutes ces définitions, mais sans que les droits individuels soient forcément subordonnés aux droits de la collectivité, surtout chez Mably. Quant à la question de la monarchie, seul un roi souverain ou au-dessus des lois est a priori incompatible avec ces différentes définitions de la république.

Or, selon toutes ces définitions, la France pourrait être considérée en principe comme une république dès 1789. La nation fut reconnue souveraine quand le Tiers-État – avec une poignée de députés du clergé – se proclama Assemblée nationale. Par le même geste, le consentement du peuple aux lois et à la constitution que cette Assemblée projette de décréter fut supposé. Et cette supposition était confirmée entre autres par les demandes explicites d’une constitution dans les cahiers de doléances, par les journées populaires du 14 juillet et des 5-6 octobre et par l’afflux d’adresses de félicitations qui vinrent de toutes parts à l’Assemblée. Enfin, en déclarant le droit naturel, l’Assemblée en fit le fondement et l’objectif de la constitution.

Le fait de conserver le roi ne change rien à l’affaire. Par toutes les définitions ayant cours jusqu’alors, la France était une république – avec un roi.

Le républicanisme comme calomnie et l’invention de la constitution « monarchique »

Alors, pourquoi ne l’appelle-t-on pas ainsi, en France au moins ? Le développement du tabou autour du mot « république » mériterait sa propre étude. Il y a certainement un élément psychologique chez certains. Mais ce n’est pas une simple question de la peur de la république. C’est au moins autant celle de l’entretien délibéré de cette peur. À propos de ce dernier phénomène, on peut faire deux constats : d’abord, que cela tient aux lois et provisions constitutionnelles décrétées de 1789 à 1791 et qui violent les principes de la Déclaration des droits et de la souveraineté de la nation ; ensuite, qu’il implique une innovation dans les définitions afin de justifier ces lois et provisions.

L’Assemblée donna au roi le veto suspensif et un rôle dans la déclaration de paix et de guerre ; elle le déclara inviolable, le laissa le choix de ses ministres, lui accorda une « liste civile » de 25 millions de livres par an. D’autre part, elle introduisit le suffrage censitaire et le décret dit du marc d’argent qui limitait le choix des électeurs, déclara la loi martiale contre les « attroupements », interdit les pétitions collectives, etc.

Une des façons dont la majorité « modérée » de l’Assemblée et ses alliés dans la presse justifièrent tous ces décrets était par l’idée que la constitution était « monarchique ». Ils adaptaient ainsi les thèses de Montesquieu, qui soutenait que les républiques convenaient mieux aux petits États, car seule la monarchie aurait assez de force et d’unité pour gouverner un État plus grand, en passant outre sa définition de la monarchie comme un État où la souveraineté est détenue par un seul individu. Ce faisant, ils pouvaient qualifier tous ceux qui s’opposaient — au sein de l’Assemblée, dans les pétitions, dans la presse ou dans les sociétés politiques — aux décrets qui violaient les principes de la Déclaration des droits et de la souveraineté populaire, de « républicains » et « d’ennemis de la constitution ».

C’est ce dernier groupe que nous appelons « patriotes » – avec toutes les mises en garde que cet usage implique. En 1791, la division fondamentale parmi les partisans de la Révolution est entre patriotes et modérés, c’est-à-dire entre ceux qui veulent faire réaliser pleinement les principes de 1789 et ceux qui veulent les « modérer ».

La divergence fondamentale n’est pas entre monarchistes et républicains mais entre deux conceptions de la souveraineté et de la représentation.

Cependant, il y avait bel et bien certains patriotes qui se disaient républicains dès 1789, et surtout dès 1790, avec la publication du Républicanisme adapté à la France de François Robert et Du peuple et des rois de Lavicomterie, entre autres. Il serait juste de dire qu’ils se différenciaient des patriotes non pas « monarchistes » mais ceux pour qui la question des termes de monarchie ou de république représente une distraction des véritables enjeux, par leur rejet de la royauté héréditaire et inamovible. Il ne serait pas juste de dire en revanche que la république se limite pour eux à ce rejet.

Selon Jacques Guilhaumou, la crise de Varennes fait ressortir une division parmi les républicains entre « minimalistes » et « maximalistes » (12). Cette division tourne autour des définitions de la souveraineté et de la représentation. Tous considèrent que le règne des lois est un des fondements de toute république et qu’en France, si ce n’est partout, la rédaction des lois doit être déléguée à une assemblée représentative. Les deux groupes divergent sur leur conception de ces éléments.

Pour les maximalistes, la souveraineté du peuple est inaliénable. Elle ne se délègue pas aux représentants, qui ne sont que les mandataires du peuple. Le rôle des représentants est de traduire en lois la volonté du peuple en restant toujours attentifs à ces manifestations, notamment dans les pétitions. Ils seraient usurpateurs s’ils en passaient outre. De plus, le peuple doit avoir un moyen de sanctionner les décrets, soit dans les assemblées primaires, soit par une troisième instance – c’est ce que propose Desmoulins, par exemple. Les décrets rendus par l’Assemblée ne seraient que provisoires jusqu’à ce qu’ils soient sanctionnés par le peuple. De plus, ces décrets ne peuvent pas violer la Déclaration des droits ; dans le cas contraire, ils ne seraient pas des lois. Enfin, lorsque les représentants du peuple usurpent sa souveraineté et violent ses droits, il y a oppression et l’insurrection contre eux devient légitime. De toute manière, que l’on ait ou non recours à l’insurrection, si la souveraineté est inaliénable, il en découle que le pouvoir constituant l’est aussi. La prochaine législature n’est donc pas tenue à laisser en place les éléments de la constitution de 1791, surtout s’ils violent les droits du peuple.

En revanche, pour les minimalistes, la représentation est effectivement une délégation de la souveraineté. Le peuple choisit les citoyens les plus vertueux et les plus éclairés pour faire des lois. Si ces représentants sont effectivement vertueux et éclairés, ils feront des lois qui respectent les droits du peuple, sinon, les lois sont les lois et doivent toujours être obéies. L’insurrection était légitime comme acte fondateur en 1789. Désormais elle est criminelle. Ne pas obéir aux lois créerait l’anarchie et rien ne pourrait être pire. La seule façon légitime de changer les lois est d’élire de nouveaux représentants. Il faudrait même élire une convention spéciale pour changer la constitution une fois celle-ci décrétée. Les législatures ordinaires n’en ont pas le droit.

Les raisonnements de part et d’autre pour exprimer pourquoi la royauté – particulièrement celle qui est établie par la constitution de 1791 avec toutes les prérogatives données au roi, mais plus généralement toute royauté héréditaire et inamovible – est finalement incompatible avec la république, reflètent cette divergence. Il y a des points communs : des deux côtés, on considère que l’hérédité est contraire au principe de l’égalité des droits et qu’elle est dangereuse en ce qu’elle livre le choix du chef de l’exécutif au hasard, en sorte qu’elle peut mettre un « monstre », un « imbécile » ou un enfant sur le trône. Des deux côtés on déplore également l’influence corruptrice de la liste civile.

À ces raisons, les maximalistes ajoutent que le roi, au moins le roi tel que l’établit la constitution de 1791, usurpe une partie de la souveraineté en empiétant sur le pouvoir législatif. Les minimalistes craignent en revanche qu’un roi dont le choix serait livré au hasard ne soit pas à même d’inspirer la confiance requise selon eux pour faire exécuter la loi, livrant le pays à l’anarchie.

Les deux courants ont pourtant chacun de leur côté plus en commun avec les patriotes qui ne se réclament pas du républicanisme mais qui partagent leurs conceptions sur la souveraineté et la représentation que l’un avec l’autre. Il serait utile de ce fait d’étendre les termes de minimaliste ou de maximaliste au-delà du groupe qui se définit comme républicain.

Les maximalistes partagent tous une conception commune de l’État libre comme celui où la souveraineté du peuple est inaliénable, où les représentants ne sont que les mandataires du peuple et où les lois doivent rester dans les limites définies par le droit naturel déclaré. Ceux de ce groupe qui se disent républicains ont conclu en outre que la royauté n’est pas compatible avec cette définition de l’État libre.

De même, les minimalistes partagent une conception de l’État libre comme « gouvernement représentatif », au sens où la souveraineté se délègue aux représentants qui font des lois que tous sont censés avoir consenti par l’acte même d’élire les représentants et auxquelles tous sont tenus d’obéir. Ceux de ce groupe qui se réclament de la république veulent étendre le principe de la représentation à l’exécutif pour que celui-ci puisse inspirer la même confiance que le législatif.

Bref, maximalistes et minimalistes sont dans une optique très différente. Les maximalistes veulent surtout éviter l’usurpation de la souveraineté, que ce soit par le législatif ou l’exécutif ; les minimalistes veulent surtout éviter l’anarchie. Les premiers mettent l’emphase sur la surveillance des pouvoirs publics par le peuple ; les seconds sur la confiance que le peuple doit leur accorder.

L’antimonarchisme est moins un principe en soi qu’une conséquence de ces deux logiques. La fuite du roi oblige tous les acteurs révolutionnaires de se confronter à la question de la royauté. Mais en l’occurrence, la conclusion à laquelle on arrive est moins significative que le raisonnement qu’on emploie pour y arriver.

La référence à l’antiquité

La référence à l’antiquité s’imbrique dans les arguments autour de l’État libre ou de la république.

Le discours thermidorien développé notamment par Constant reposait à l’origine sur l’idée que les révolutionnaires cherchaient réellement à imiter l’Antiquité. Inspirés par des lectures de collège, ils se seraient pris d’enthousiasme pour Rome, Sparte et Athènes et sans bien comprendre ni l’Antiquité ni leur propre époque, ils auraient fini par créer l’« anarchie de la terreur ». Même de nos jours, on trouve des historiens qui soutiennent cette thèse dans des versions à peine modifiées (13). D’autres en ont fait des adaptations un peu plus sophistiquées. Pour Quinet, en plein milieu du XIXe siècle, c’était la combinaison malencontreuse de l’esprit de l’antiquité païenne et de celui du christianisme qui a créé la « catastrophe » ; selon Keith Baker, de nos jours, c’était plutôt la combinaison « explosive » de la liberté positive et de l’universalisme de la Déclaration des droits (14). Il existe même une variante chez Marx, selon laquelle les révolutionnaires étaient des Modernes (parce que les conditions matérielles de leur époque ne les permettaient pas d’être autre chose) qui se croyaient des Anciens (15).

Certes, tous ces récits parlent en premier lieu de la période dite de la « Terreur ». On n’en est pas encore là, en 1791, il est vrai. Mais si l’on ne cite l’Antiquité que pour l’imiter, cela doit être autant vrai en 1791 qu’en l’an II. Mais justement, s’il y a pour le moins de sérieux doutes à opposer à la thèse des révolutionnaires comme adeptes de la liberté des Anciens selon la dichotomie de Constant, il y en a autant sur la thèse de l’imitation de l’Antiquité sur laquelle elle se fonde.

La culture de l’Antiquité

La presse patriote cite l’Antiquité dans la crise de Varennes, c’est un fait incontestable. Les rédacteurs des journaux examinés ici sont tous passés par les collèges d’Ancien régime où la matière principale d’instruction était la rhétorique latine. La référence à l’Antiquité est pour eux, et pour d’autres élites éduquées, une culture commune, en-dehors même de son association avec le républicanisme. Ils y puisent à volonté, l’appliquant de diverses façons dans différentes situations. C’est un arsenal de précédents, d’analogies, d’exemples, d’outils rhétoriques. Le consensus plus ou moins réel que l’on perçoit dans les jugements de la « postérité », à propos de l’histoire ancienne, donne un poids légitimateur à ces références.

L’usage de la référence à l’Antiquité, en particulier des citations en latin, que des journaux comme les Révolutions de France et de Brabant ou le Patriote français ne traduisent souvent pas, est révélateur du public auxquels ces journaux s’adressent en priorité. Même ceux qui affichent les opinions les plus démocratiques s’adressent d’abord aux éduqués, à ceux qui partagent cette culture antiquisante. Certes, cela ne veut pas dire que c’est le seul public qui lisait ou auquel on lisait ces journaux, ni même qu’il fallait avoir plusieurs années d’instruction latine pour comprendre que Brutus figure la vertu et Néron la tyrannie. En fait, les représentations révolutionnaires des pièces de Voltaire sur les deux Brutus – celui qui a chassé les Tarquins et l’assassin de Jules César – ont sans doute fait de Brutus une référence reconnaissable bien au-delà du cercle restreint des élites.

Mais lorsqu’il s’agit, comme dans les usages de la référence à l’Antiquité analysés ici, de construire des arguments plus ou moins prédiqués sur la connaissance de l’histoire grecque et romaine, il est clair que c’est un public instruit et donc une élite que l’on essaie de convaincre. Ce n’est pas une limitation particulière au discours républicain, mais que l’on retrouve partout où il y a emploi de la référence à l’Antiquité à l’époque révolutionnaire. Il convient dans tous les cas de la garder à l’esprit.

Chercher ou rejeter des précédents : Quels modèles antiques ?

La république que préconise la presse patriote lors de la crise de Varennes se caractérise par des institutions inconnues de l’Antiquité, comme la représentation et le droit naturel déclaré. On pourrait penser que de ce fait cette même presse n’aurait pas besoin de recourir à l’exemple antique. Pourtant une telle supposition se révèle empiriquement fausse. Pourquoi ?

Quand on prononce le mot « république », on ne peut guère ne pas penser aux États qui se sont affichés comme « républiques » et à ceux qu’on désigne communément comme telles, dont en premier lieu les « républiques anciennes » – c’est-à-dire Rome et les cités grecques, surtout Athènes et Sparte. Ce sont peut-être les auteurs les plus impatients de distancier leur conception de la république de ces « républiques anciennes » qui ressentent le plus le besoin de recourir à la référence à l’Antiquité, ne serait-ce que pour la récuser. Le Patriote français, qui est particulièrement pointilleux dans sa définition de la république, devient ainsi le champion de la référence à l’Antiquité pendant la crise de Varennes.

De tous les auteurs des journaux examinés ici, seul Thomas Paine, soit par la brièveté de sa contribution au Républicain, soit par une volonté de garder la simplicité de langage qu’il a préconisé dès la publication de son Sens commun en 1776, n’invoque pas l’Antiquité (16). Pour tous les autres, les « républiques » de l’Antiquité sont une référence incontournable. Il s’agit de prévenir les a priori des lecteurs sur la république et de dire ce que la république n’est pas, mais aussi ce qu’elle est, y compris en ce qu’elle partage avec ses homologues antiques.

Chez Brissot, la référence à l’Antiquité constitue un élément essentiel de sa défense du républicanisme. Au premier abord, il peut sembler que son rapport avec cette référence ne consiste qu’en un simple refus. Pour lui, la république doit remplir trois conditions. Il s’exprime ainsi dans sa « Profession de foi sur la monarchie et sur le républicanisme » :

J’entends, par république, un gouvernement où tous les pouvoirs sont, 1°. délégués ou représentatifs ; 2°, électifs dans et par le peuple, ou ses représentans ; 3°. temporaires ou amovibles. Les Etats-Unis d’Amérique sont les seuls qui offrent l’image parfaite d’une pareille république : les autres Etats libres en ont plus ou moins approché ; mais aucune des républiques anciennes n’a réuni les trois conditions que j’ai proposées (17).

De plus, Brissot affirme catégoriquement que « Nous ne connoissons point tous les détails, tous les embranchemens et les engrenages des républiques anciennes. On ne peut donc en induire des conséquences bien exactes et bien applicables aux circonstances où nous nous trouvons, et au gouvernement que nous organisons (18). » S’il s’était arrêté là, on aurait pu convenir avec Pierre Serna que le seul modèle véritable de Brissot est celui des États-Unis, à la faveur duquel il rejetterait sans équivoque tout ce qui touche à l’Antiquité (19).

Mais Brissot poursuit son raisonnement en mettant de côté ce qu’il vient de dire et en tirant effectivement des « conséquences » de l’histoire antique. Pourquoi ? D’une part, Brissot considère malgré tout les « républiques anciennes » comme des États libres qui « ont plus ou moins approché » de sa définition de la république ; de l’autre, ces « républiques anciennes » furent le lieu de « beaucoup de désordres, de guerres ». Il s’agit pour Brissot de démontrer d’abord, que les éléments que toutes les républiques partagent en commun – les « républiques anciennes » comme la république qu’il préconise – font leur force, ensuite, que les défauts des « républiques anciennes » n’ont été dus qu’aux aspects de ces républiques les plus éloignés de la république selon sa définition et enfin, que lorsque tous les éléments de la république de Brissot fonctionneront ensemble, le résultat sera une république qui aura toute la force des républiques anciennes sans aucun de leurs défauts. Ainsi :

Sans doute il y a eu beaucoup de désordres, de guerres, dans les républiques anciennes. Mais enfin, il falloit bien que leur systême sic ne fut pas si destructif, puisqu’on voit Athènes fleurir pendant plus de quatre siècles ; Sparte exister encore bien plus long-temps ; Rome acquérir, dans l’état républicain, la plus grande force possible, et ne la perdre qu’en devenant monarchie (20).

Ce n’est donc ni l’absence de la royauté héréditaire qui caractérisait Athènes et la Rome républicaine, ni l’électivité et l’amovibilité de plusieurs catégories de magistrats dans les trois cités de Rome, Athènes et Sparte, qui ont été cause de leurs « désordres » et de leurs « guerres ». Pour Brissot, le problème était autre :

La plupart des désordres de ces républiques, et de leurs guerres, peuvent être attribués à la manière de délibérer. Le peuple délibéroit sur la place. Comme la presse ne préparoit point les discussions, comme les assemblées étoient toujours très-nombreuses, comme il étoit facile à des orateurs adroits de les surprendre, les discussions devoient être très-tumultueuses, les décisions souvent erronnées sic, ou frauduleusement et inexactement recueillies (21).

Cette « manière de délibérer », le propre de la démocratie, n’a rien à voir avec le gouvernement représentatif proposé par Brissot. Chez lui, le rôle des assemblées primaires se borne strictement à la nomination des électeurs. Toute délibération sur les affaires publiques revient, dans sa conception de la représentation, aux représentants. De concert avec la presse, qui éclaire le peuple sur le choix de ses représentants et les représentants sur l’objet de leurs délibérations, le « systême représentatif » prôné par Brissot « obvie à tous les inconvéniens » de « la démocratie pure d’Athènes, la démocratie avec les deux rois de Sparte, la démocratie aristocratique de Rome (22). » Brissot prend beaucoup de soin pour souligner que c’est effectivement le caractère démocratique de ces modèles qu’il rejette. Il peut ainsi définir sa république contre eux tout en les utilisant comme un précédent pour la longévité des républiques en général, même des plus imparfaites.

C’est une autre logique qui préside à son article du 9 juillet, « Sur l’abolition de la royauté à Athènes », qui est unique parmi les textes examinés ici en ce qu’elle se consacre entièrement à un point d’histoire. Bien entendu, ce n’est pas que l’histoire qui est en jeu. Il s’agit dans ce cas de démonter non plus une analogie incomplète, mais une analogie entièrement fausse, faite par le journal modéré-monarchiste Le Postillon. À ceux qui utilisent les « désordres » d’Athènes comme une preuve de la supériorité de la royauté, Brissot répond qu’ils confondent les noms avec les choses. Athènes abolit bien la royauté, mais le gouvernement par lequel on la remplaça conservait, jusqu’à la réforme de Solon, les défauts de la royauté. Dans sa première incarnation, la charge d’archonte était identique à celle de roi au point que le « premier Archonte fut le fils aîné du roi Codrus », dernier roi d’Athènes. Ensuite, cette charge « fut long-temps héréditaire » et même quand elle « fut bornée à dix années », puis transformé en un conseil de « neuf Archontes annuels », elle demeurait sous l’emprise de l’oligarchie athénienne qui « jouissoit de toute l’autorité civile et militaire » tandis que la « populace d’Athènes étoit réduite à une misérable servitude ». Si l’Athènes démocratique était trop ouverte à l’anarchie, l’Athènes oligarchique, même en l’absence de la royauté, n’était même pas un « État libre » ou république :

Ceux qui partent de ces exemples, pour exalter la royauté au-dessus de la république, ne voient pas qu’à Athènes, jusqu’à Solon, le gouvernement n’étoit qu’une aristocratie ou une oligarchie, fondée sur ce qu’on conservoit des magistratures héréditaires, une noblesse héréditaire, etc. En n’admettant point de privilégiés, dans un état libre, on n’a point à craindre les désordres qu’Athènes éprouva (23).

La France révolutionnaire n’a donc rien en commun avec l’Athènes qui a aboli la royauté. La seule leçon à en tirer est donc qu’il faut « bien apprendre son histoire de la Grèce avant de la citer avec tant d’assurance (24) ».

Enfin, le discours que prononce Brissot le 10 juillet 1791 aux Jacobins et qu’il publie dans son numéro du 15 juillet et son supplément, commence par reprendre les arguments de sa Profession de foi. Il se tourne ensuite vers des thèmes autour desquels la presse patriote est unifiée : l’impossibilité d’admettre l’inviolabilité du roi et la capacité de la France, en tant que peuple libre, à faire face à ses ennemis en cas de guerre. C’est sans doute en partie à cause de la prédominance de ces deux thèmes que Camille Desmoulins reproduit ce discours dans son journal ; malgré les différences fondamentales que l’on observe dans leur conception de la république, leurs points communs l’emportent encore à ce stade sur leurs divergences, surtout face à leur ennemi commun, les modérés.

En effet, dans la troisième partie de son discours du 10 juillet, Brissot emploie la référence à l’Antiquité, à côté de celle aux Révolutions anglaise et américaine, de façon voisine à celle que Desmoulins favorise : c’est-à-dire qu’il souligne l’analogie entre tous les « peuples libres ». En l’occurrence, il s’agit de démontrer que la France ne doit pas laisser déterminer sa politique par crainte de l’étranger. Ainsi, les Romains, les Grecs face aux Perses, les Athéniens face à « la ligue des Spartiates, des Thébains, des Perses », servent tous d’exemples de peuples libres et en particulier de la force des peuples libres dans les guerres contre des puissances qui cherchent à les asservir. Si, à la différence des Révolutions de Paris, Brissot ne trouve pas encore que la guerre soit inévitable, il n’est pas moins confiant dans la capacité de la France révolutionnaire à la gagner si elle survient. Non seulement les Français sont un peuple libre, mais ils ont encore l’avantage du nombre, surtout quand ils ne sont menacés que « de quelques brigands couronnés, et de meutes d’esclaves », bien loin des « armées innombrables » des « despotes de la Perse ». La république de Brissot n’est pas inévitablement guerrière, du moins pas en juillet 1791. Il n’est même pas question, comme chez les Révolutions de Paris, de guerre offensive. Mais la menace de la guerre ne doit pas faire obstacle à la république, l’exemple de l’Antiquité est pour une fois sans ambiguïté à ce sujet (25).

Passons maintenant à Condorcet, écrivant dans le Républicain. Il s’agit d’une publication éphémère dont seuls quatre numéros sont parus, en juillet 1791. Le Républicain est moins un journal qu’un plaidoyer pour la république – ou le « gouvernement représentatif » comme le veut son sous-titre – en quatre livraisons. Condorcet en a été le rédacteur principal et c’est d’un article que l’on attribue à lui qu’il sera question ici.

Comme Brissot, Condorcet rejette les éléments démocratiques d’Athènes et de Rome, mais de telle manière à pouvoir défendre ces « républiques » et donc le projet républicain en général contre les attaques qui les condamnent pour de mauvaises raisons. Ainsi, Condorcet blâme ceux qui méprisent les « choix populaires » de représentants. Même à Athènes et à Rome où « la majorité des citoyens, bien loin d’avoir des lumières, étoit livrée à l’ignorance et aux plus absurdes préjugés » et où la « méthode d’élire » était « très-grossière », le peuple faisait de bons choix (26). Les peuples éliraient en général les hommes à réputation et ce critère les empêche, selon Condorcet, de nommer, à quelques rares exceptions près, des « hommes médiocres ou avilis (27) ».

De même, Rome, où le gouvernement, composé de magistrats aux mandats annuels, « élus tumultuairement sur la place publique » et donc propice, selon Condorcet, à « l’anarchie », peut, « aux tentatives malheureuses des Gracches (sic) contre l’aristocratie » près, être « glorieusement et paisiblement gouvernée ». Comment ne serait-ce pas encore plus le cas sous la république de Condorcet dont le premier soin est d’éviter l’anarchie – et où notamment les membres du conseil exécutif seraient élus pour dix ans et uniquement sur une liste de candidats préparée par la législature (et même pas par la législature en place, qui n’aurait droit qu’à compléter la liste des législatures antérieures) (28) ?

En ce qui concerne les Gracques, la formule de Condorcet est assez ambiguë. Cependant, les idées économistes de Condorcet, qu’il continuait à défendre sous la Révolution, laisse penser que les « tentatives » des Gracques n’étaient pas « malheureuses » parce que l’aristocratie a triomphé d’elles, mais plutôt parce qu’elles avaient interrompu la bonne gouvernance de la république en voulant introduire la loi agraire (29). Il ne serait sans doute pas sans fondation de penser que l’anarchie que Condorcet cherchait à éviter s’identifierait tout autant aux réclamations paysannes de réforme agraire qu’à la démocratie.

Ni les Révolutions de France et de Brabant ni celles de Paris ne s’attachent à persuader les monarchistes que la république ne signifie pas l’anarchie. Pour les rédacteurs de ces journaux, ceux qui seraient capables de penser ainsi ne sont pas dignes d’être libres. La référence à l’Antiquité ne figure donc pas comme précédent dans le genre d’argument en faveur de la république que l’on retrouve chez Brissot et Condorcet, mais apparaît plus ponctuellement.

Pour Desmoulins, l’Athènes démocratique et la Rome républicaine sont des exemples des peuples libres. Le concept du peuple libre est très important chez Desmoulins. Un peuple libre est pour lui essentiellement celui qui s’approche dans une plus ou moins grande mesure aux principes de la souveraineté populaire et du droit naturel. Les peuples qui ne connaissent pas la philosophie du droit naturel et ne déclarent pas les droits ne peuvent être qu’imparfaitement libres. Cependant, comme les droits naturels sont innés, même sans connaître la philosophie du droit naturel – ou au moins sans en avoir la même compréhension qu’au XVIIIe siècle – les peuples anciens ont pu agir au moins en partie en conformité avec le droit naturel par instinct.

Dans ses moments les plus pessimistes, Desmoulins trouve que la France n’est pas vraiment libre et donc qu’elle n’est pas à la hauteur des peuples libres de l’Antiquité ; dans ses moments d’optimisme, en revanche, la France, avec ses lumières supérieures et sa Déclaration des droits, est appelée à les surpasser.

Ainsi, Desmoulins marque sa déception à l’égard de l’état de l’esprit public et de la politique de l’Assemblée nationale en invoquant l’exemple des lois et coutumes de la république romaine, plus conformes à la liberté. Il commente l’affiche « placardée dans le faubourg Saint-Antoine », « colportée » par des journaux selon lui soudoyés par La Fayette et qui porte la phrase : « quiconque applaudira le Roi sera bâtonné, quiconque l’insultera sera pendu », comme indicative de la servilité de « notre caractère national ». Il poursuit en comparant les Français aux « peuples qui ont eu quelque idée de liberté » et en premier lieu aux Romains :

A Rome, il étoit permis d’insulter les triomphateurs, et même la république payoit quelqu’un pour les insulter d’office ; et nous, quand on nous ramène un ennemi On défend de l’insulter, c’est-à-dire, de lire cet écriteau dont lui-même s’est marqué, sans que jamais la postérité puisse l’effacer (30).

En effet, comme personne ne penserait à applaudir le roi, cette première clause ne servirait « que pour faire passer la contre-partie ». Desmoulins invoque la coutume romaine selon laquelle les généraux victorieux se faisaient insulter par leurs soldats et accompagner par un esclave qui était tenu de leur répéter qu’ils étaient mortels lors de leur triomphe. Il en conclut que les Romains avaient une si haute idée de l’égalité nécessaire à la liberté que, même en fêtant leurs généraux victorieux, ils tenaient à leur rappeler qu’ils n’étaient pas au-dessus des autres hommes. Cette attitude fait contraste avec celle des Français qui continueraient d’accorder un respect au-dessus du commun à un traître par attachement servile au nom de roi (31).

Or, les Français sont supérieurs aux Romains en « lumières » et en « bon sens (32) ». S’ils arrivaient à revenir de cette attitude d’esclaves, ils reconnaîtraient au moins aussi bien que les Romains les conséquences à tirer des principes de la liberté (33). Desmoulins avertit que l’Assemblée, qui trahit son mandat en refusant de juger le roi et en se perpétuant par la suspension des élections, risque en toute justice de pâtir d’un relèvement de l’esprit public. Aussi apostrophe-t-il l’Assemblée : « c’est vous qui ne cessez d’appeller sic sur votre tête la peine portée par la loi des 12 tables, qui permettoit au premier passant de courir sus au mandataire qui avoit été infidèle à son mandat, qui clienti fraudem fecerit sacer esto (que celui qui trompe son client soit maudit) .(34) » Desmoulins adapte en réalité cette loi, où il était question du rapport privé entre patron et client dans le système de patronage romain, au rapport public entre représentants et représentés. En ce faisant il déforme l’esprit de la loi romaine. Son assertion n’est donc pas valide en tant qu’interprétation historique.

Elle est en revanche parfaitement conséquente avec la tradition lockéenne qui fait une démarche analogue en adaptant un autre concept du droit civil privé des Romains à la question des pouvoirs publics, celui du fidéicommis (35). Dans tous les cas, il s’agit du dépôt de la défense des intérêts du client, du commettant ou du mandant entre les mains de son patron, fidéicommis ou mandataire. Si l’on condamne la trahison de ces intérêts dans le privé, la trahison des intérêts de tout un peuple doit à plus forte raison être condamnée. Desmoulins ne suggère pas l’application d’une loi romaine vieille de centaines d’années, il postule que cette loi décrit le droit du peuple. En bafouant « la volonté toute puissante de la nation, assez manifestée par l’opinion publique », l’Assemblée mérite d’être l’objet de « l’opprobre et de la malédiction de tous les citoyens (36) ».

Pour finir, examinons les Révolutions de Paris. Pour ce journal, il n’est pas possible d’attribuer les articles à des auteurs précis. L’éditeur, Prudhomme, ne permettait pas à ses rédacteurs de signer leurs articles. On sait qu’à cette époque, les rédacteurs principaux étaient Sylvain Maréchal, Chaumette, Sonthonax et François Robert (qui les rejoignit après la faillite du Mercure national), mais dans la plupart des cas, on ne peut pas attribuer tel ou tel article à l’un d’eux en particulier. Pendant cette période au moins, le ton éditorial reste assez constant. On peut dès lors analyser les questions de la référence à l’Antiquité et du républicanisme dans les Révolutions de Paris, en considérant ce journal comme un acteur à part entière de la presse patriote.

Et justement, chez les Révolutions de Paris, comme chez les Révolutions… de Desmoulins, la Rome républicaine sert d’analogue à la France révolutionnaire — de son potentiel, mais aussi des dangers auxquels elle doit faire face. Pour les rédacteurs des Révolutions de Paris en particulier, Rome est surtout une république guerrière. Ils croient pouvoir adapter ce modèle non en refusant la guerre de conquête qu’il implique, mais en la modifiant. Il s’agit pour eux de la conquête non pas d’un territoire au profit d’un autre, mais de « l’univers à la liberté (37) ».

La situation de la république romaine est parallèle aussi à celle de la France dans l’immédiat. On voit dans les deux cas un peuple vertueux dont son « sénat » trahit ses intérêts. Les Révolutions de Paris citent ainsi la Mort de César de Voltaire : « César…. veut encore la couronne ;/Le peuple la refuse, et le sénat la donne (38) ». Les rédacteurs modifient la citation, que Cimber, un des assassins de Jules César, adresse aux autres futurs tyrannicides pour la faire appliquer plus facilement à Louis XVI (39). Il y a dans cette citation la suggestion que le tyrannicide contre Louis XVI serait légitime, même si le journal se refuse à le dire ouvertement. C’est pourtant, plus que Louis XVI, l’Assemblée que l’on dénonce ici. Comme chez Desmoulins, c’est la façon dont elle bafoue les intérêts et la volonté du peuple qui est condamnée.

D’ailleurs, comme il est souvent le cas avec les allusions qu’on pourrait dire « indirectes » à l’Antiquité, Voltaire est aussi important que le modèle romain au fonctionnement de cette référence, même si l’incident que la citation décrit est effectivement tiré à l’origine de la vie de César de Plutarque (30). Comme l’Assemblée s’apprête en ce début du mois de juillet 1791 à mettre Voltaire au Panthéon, il s’agit de signaler que soit l’Assemblée ne sait pas quels aspects de Voltaire il convient d’honorer, soit elle honore hypocritement l’auteur de la Mort de César, de Brutus et de la Rome sauvée en n’ayant rien appris de ces ouvrages (41) .

Si l’Assemblée persiste à se comporter comme le sénat de la fin de la république romaine et du début de l’empire, c’est au peuple de se choisir de nouveaux représentants qui ressemblent aux magistrats des « beaux jours », comme on le disait communément, de la république romaine. Les Révolutions de Paris donnent en conséquence ce conseil aux électeurs : « à l’instar des Romains, prenez vos hommes d’état dans une ferme, dans un atelier, dans un comptoir (42)». Il s’agit sans doute d’une allusion notamment à Cincinnatus, qui quitta sa charrue pour revêtir la dictature, et qui est célèbre pour être aussitôt revenu à son champ une fois sa tâche accomplie. Ainsi, plus les représentants sont près du peuple, moins il est probable qu’ils le trahissent.

En revanche, lorsque l’Assemblée suspend les élections, les rédacteurs des Révolutions de Paris expriment leur crainte que ce « sénat aristocratique » ne se perpétue, qu’il ne devienne même héréditaire (43). Ce n’est pas cet aspect du modèle romain dont il convient de s’inspirer, car l’hérédité de la législature viole tout autant le droit naturel et la souveraineté populaire que celle d’un roi. Si l’on pense à imiter les Romains, ce n’est que dans les aspects de leurs lois et coutumes qui sont conformes aux principes.

Rappelons enfin par la citation d’une dernière référence des Révolutions de Paris, que l’Antiquité n’était pas qu’un modèle (positif ou négatif). Elle s’employait de bien d’autres façons. Par exemple, l’Assemblée, en ne tenant pas compte des droits du peuple, « ressemble à Pénélope, qui défaisoit la nuit ce qu’elle avoit brodé le jour (44) ». Il s’agit dans l’occurrence d’une référence mythologique. Les références mythologiques sont, à leur façon, aussi significatives que les références historiques. Elles servent le plus souvent, comme ici, à la satire. En effet, l’ironie de cette référence n’est que trop apparente : l’Assemblée emploie la même ruse dont se sert Pénélope pour demeurer fidèle à son mari dans l’Odyssée, pour être infidèle au peuple. Il n’est pas besoin de développer davantage ici. Il faut simplement garder présent à l’esprit que la problématique des usages de l’Antiquité est plus vaste que l’optique retenue dans ce texte, qui n’en examine qu’un aspect.

L’Antiquité demeure, au sein de la crise de Varennes, une référence polyvalente. Recélant des exemples de liberté, de servitude, de despotisme et d’anarchie, souvent côte à côte, il est normal qu’elle serve de modèle et concurremment de repoussoir. La façon dont les journaux de Desmoulins et de Prudhomme utilisent cette référence, face à l’emploi que les journaux de Brissot et de Condorcet en font, est révélatrice de leur conception de la république et du public auquel ils s’adressaient prioritairement.

Pour Brissot et Condorcet, il s’agissait de convaincre les monarchistes que la république ne signifie pas l’anarchie. Ils invoquent alors l’Antiquité pour les persuader que lorsque l’autorité sera concentrée dans une législature représentative — sorte d’aristocratie de mérite provisoire (même s’ils se gardent bien d’utiliser ce terme) — et, surtout chez Condorcet, dans un exécutif fort, on pourra jouir de tous les avantages des républiques anciennes sans craindre les « désordres » et l’« anarchie » occasionnés par la délibération démocratique.

La liberté selon Brissot et Condorcet est pourtant le despotisme selon les deux journaux des Révolutions, tandis que ce que ces premiers appellent l’anarchie ressemble de près à la liberté de ces derniers. Dans la conception de la représentation de Desmoulins et des rédacteurs des Révolutions de Paris, le peuple n’abdique à aucun moment sa souveraineté. La législature et les magistrats qui passent outre l’opinion publique deviennent donc despotiques. C’est l’exercice effectif de la souveraineté populaire qu’admirent ces journalistes dans Rome ou Athènes (il est beaucoup moins question de Sparte, peut-être en partie à cause de ses deux rois). Ils s’adressent donc à ceux qui croient comme eux à cette souveraineté, afin de les encourager à ne pas se laisser berner par l’Assemblée, qui la trahit et qui s’apprête peut-être à l’usurper entièrement.

Il en ressort, d’une part, un républicanisme « minimaliste » qui craint surtout dans l’Antiquité la démocratie « tumultueuse » et anarchique et compte y parer par une représentation – et un exécutif – puissants, de l’autre un républicanisme « maximaliste » selon lequel le plus grand danger vient du despotisme des sénats héréditaires et des ambitieux qui s’en servent, et contre lesquels seul un peuple conscient de ses droits et de sa puissance peut préserver la liberté.

L’Antiquité constitue-t-elle donc un modèle dans ces débats ? Parfois. Parfois elle est aussi un contre-modèle. Plus significativement, elle représente une culture commune et un réservoir d’exemples dans lequel les journalistes révolutionnaires purent puiser à volonté. C’est la façon dont ils s’y prennent qui laisse entrevoir les contours de leurs conceptions du républicanisme.

Notes

(1) Albert MATHIEZ, Le club des Cordeliers pendant la crise de Varennes et le massacre du Champ de Mars, Paris, H. Champion, 1910, 392 p.

(2) Jules MICHELET, Histoire de la Révolution française dans Œuvres de Michelet, Paris, A. Lemierre, 1888, t. III, p. 75-81, Gallica, Edgar QUINET, La Révolution dans Œuvres d’Edgar Quinet, Paris, Hachette, 19.., t. I, p. 387-391, Gallica.

(3) J. G. A. POCOCK, The Machiavellian Moment, Princeton, Princeton University Press, 1975, 602 p.

(4) Jacques GUILHAUMOU, L’avènement des porte-parole de la République (1789-1792), Villeneuve-d’Ascq (Nord), Presses universitaires du Septentrion, 1998, p. 147 et sq.

(5) Charles-Louis de Secondat, baron de MONTESQUIEU, De l’Esprit des lois, Victor GOLDSCHMIDT, éd., Paris, Flammarion, 2008, t. I, p. 131 et sq.

(6) Benjamin CONSTANT, De l’esprit de conquête et de l’usurpation, dans leurs rapports avec la civilisation européenne, Paris, H. Nicolle, 1814, 234 p. ; Principes de politique, Étienne HOFMANN, éd., Paris, Hachette, « Littératures », 2006 (1815), 447 p. ; De la liberté des anciens comparée à celle des modernes, Louis LOURME, éd., Paris, Mille et une nuits, 2010 (1819), 59 p.

(7) PETTIT Philip, Republicanism. A Theory of Freedom and Government, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 51 et sq.

(8) J. G. A. POCOCK, op. cit. Voir aussi voir aussi l’introduction de Marc BELISSA, Yannick BOSC et Florence GAUTHIER, Républicanismes et droit naturel. Des humanistes aux Révolutions des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Éditions Kimé, 2009, p. 7.

(9) Quentin SKINNER, Liberty before Liberalism, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 1998, p. 72.

(10) Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, BERNARDI Bruno, éd., Paris, GF Flammarion, 2001, p. 78.

(11) Gabriel Bonnot de MABLY, Des droits et des devoirs du citoyen, Kell, 1789, <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k479944> ; voir aussi Florence GAUTHIER, Triomphe et mort de la Révolution des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Éditions Syllepse, 2014 éd. originale 1992, p. 33-40.

(12) Jacques GUILHAUMOU, op. cit., p. 160-61.

(13) Le mythe de l’imitation des modèles antiques par les révolutionnaires a la vie dure. Aussi récemment que 2011 est parue une nouvelle biographie de Robespierre qui postule que celui-ci aurait été poussé « au crime » par son admiration excessive de l’Antiquité qui l’aurait fait endosser tour à tour les habits de Cicéron, de Brutus et de Caton. Cette biographie se veut un « autre regard » sur Robespierre, mais on croirait lire Volney ou Lévesque dénonçant en l’an III l’entichement dangereux des « terroristes » pour l’Antiquité. L’auteur, Joël Schmidt n’est bien entendu pas un spécialiste de la Révolution, mais cela ne l’empêche pas d’être cité par des universitaires comme une autorité sur l’anticomanie supposée de Robespierre ; voir par exemple Pierre SERNA, op. cit., note 15. Joël SCHMIDT, Robespierre, Paris, Gallimard, 2011, 355 p. De même, dans son introduction au catalogue de l’exposition L’Antiquité rêvée, Marc Fumaroli n’hésite pas à affirmer que « pour avoir cru réincarner réellement Sparte dans Paris, l’anticomanie française fit la Terreur », FAROULT Guillaume, LERIBAULT Christophe, SCHERF Guilhem, éd., L’Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard/Musée du Louvre Éditions, 2010, p. 30.

(14) Edgar QUINET, La Révolution, Paris, Librairie internationale, 1866, vol. 2, p. 178-79 ; Keith M. BAKER, « Transformations of Classical Republicanism in Eighteenth-Century France », The Journal of Modern History , 2001, vol 73, n° 1, p. 32-53. Voir aussi Yannick BOSC, « Révolution française : refonder les problématiques du républicanisme », Révolution Française.net, avril 2012.

(15) Karl MARX, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Mille et une nuits, 2005, p. 14-15 ; Karl MARX et Friedrich ENGELS, La sainte famille ou Critique de la critique critique contre Bruno Bauer et consorts, Erna COGNIOT, trad., Nicole MEUNIER et Gilbert BADIA, éd., Paris, Editions sociales, 1969, 256 p. Voir aussi Florence GAUTHIER, Triomphe et mort, op. cit., p. 42-43.

(16) On notera cependant que dans la seconde partie de ses Droits de l’homme, qui ne paraitra qu’en février 1792, Paine parle favorablement de l’Athènes démocratique, quoiqu’il affirme qu’elle aurait été sensiblement améliorée par l’introduction de la représentation. Thomas PAINE, Droits de l’homme. Seconde partie, Paris, Buisson et Testu, 1792, p. 43-44, Gallica.

(17) Jacques-Pierre BRISSOT, « Ma profession de foi sur la monarchie et sur le républicanisme », Patriote français, n° 696, 5 juillet 1791, p. 19.

(18) Ibid.

(19) Voir Pierre SERNA, « Le pari politique de Brissot ou lorsque le Patriote Français, l’Abolitionniste Anglais et le Citoyen Américain sont unis en une seule figure de la liberté républicaine », La Révolution française En ligne, 5 | 2013, mis en ligne le 31 décembre 2013, Consulté le 17 février 2014. <http://lrf.revues.org/1021>.

(20) Patriote Français (ci-après PF), n° 696, 5 juillet 1791, p. 19.



(21) Ibid.

(22) Ibid.

(23) PF, n° 699 bis, 9 juillet 1791, p. 36.

(24) Ibid.

(25) PF, supplément au n° 705, 15 juillet 1791, p. 62-63.

(26) Le Républicain, n° 4, p. 71.

(27) Ibid., p. 72.

(28) Ibid., p. 75.

(29) À peine quelques pages avant cette référence, Condorcet avait suggéré que le conseil exécutif soit logé dans des appartements publics où trônerait à côté des statues d’Aristide, de Caton et de l’Hôpital, celle de Turgot, qui l’avait employé sous son ministère et de qui il avait écrit une biographie apologétique. Voir le Républicain, n° 4, p. 70. En plus, comme il l’écrira encore au Patriote français que « le droit de cité appartient aux possesseurs du territoire », PF, n° 742, p. 219-220. Sur Condorcet et l’économisme, voir en outre Yannick BOSC, « Liberté et propriété. Sur l'économie politique et le républicanisme de Condorcet », Annales historiques de la Révolution française, 4/ 2011 (n° 366), p. 53-82.

(30) Révolutions de France et de Brabant, n° 83, (sans date, mais vraisemblablement du 2 juillet 1791), p. 211. Il est à noter que Desmoulins avait changé le titre de son journal à celui des Révolutions de France et des Royaumes, qui, demandant une Assemblée Nationale et arborant la cocarde, mériteront une place dans ces fastes de la liberté. Par commodité, nous continuerons ici d’utiliser le titre d’origine, ci-après RFB.

(31) Ibid.

(32) RFB, n° 84, (9 juillet 1791), p. 254.

(33) Ibid.

(34) RFB, n° 83, (2 juillet 1791), p. 227-28.

(35) Voir à ce sujet Antoni DOMÈNECH, « Droit, droit naturel et tradition républicaine moderne » in Marc BELISSA, Yannick BOSC et Florence GAUTHIER, Républicanisme et droit naturel…, op. cit., p. 19 et Florence GAUTHIER, Triomphe et mort'', op. cit., p. 111.

(36) RFB, n° 83, (2 juillet 1791), p. 228.

(37) Révolutions de Paris, ci-après RP, n° 103, 2 juillet 1791, p. 601 bis.

(38) RP, n° 103, 2 juillet 1791, p. 588.

(39) Dans l’original, on lit : « César, déjà trop roi, veut encore la couronne ». VOLTAIRE, La mort de César, acte II, scène 4, La mort de César. Tragédie de M. de Voltaire. Nouvelle édition, Revuë, corrigée & augmentée par l’Auteur, Londres, Innis, 1736, Gallica, <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56544681>, p. 29.

(40) Vie de César, LXI, in PLUTARQUE, Vies parallèles, op. cit., p. 1345-46.

(41) On l’a vu dans le n° 100, les Révolutions de Paris veulent voir honoré en Voltaire « l’auteur sublime de la mort de César » et « de Brutus » d’une part, « l’ennemi de la superstition catholique » et le « défenseur des Calas » de l’autre, c’est-à-dire en premier lieu comme l’auteur des pièces qui seraient républicaines quand bien même leur auteur ne le serait pas. Voir RP, n° 100, 11 juin 1791, p. 448.

(42) RP, n° 103, 2 juillet 1791, p. 612.

(43) RP, n° 104, 9 juillet 1791, p. 655-59.

(44) RP, n° 105, 16 juillet 1791, p. 33.