Caractères généraux des catéchismes de la Révolution française

Les catéchismes ne posaient pas les mêmes problèmes aux hommes de la fin du XVIIIe siècle que ceux que peuvent avoir les historiens aujourd'hui. On le constate par exemple lors de la séance de l'Assemblée Nationale du 1er août 1789, au cours de laquelle Antoine Barnave affirme :

« Je crois qu'il est indispensable de mettre à la tête de la constitution une déclaration des droits dont l'homme doit jouir. Il faut qu'elle soit simple, à la portée de tous les esprits, et qu'elle devienne le catéchisme national »(9).

Pour Barnave, l'expression « catéchisme national » – l'adjectif « national » indiquant à la fois le sujet et le destinataire de la déclaration des droits/catéchisme – semble être suffisamment évidente pour qu'il n'ait pas à la justifier. Cette seule citation nous suggère qu'à la fin du XVIIIe siècle le catéchisme n'est plus seulement, selon la quatrième édition du Dictionnaire de l'Académie française de 1762, une « Instruction sur les principes & les mystères de la Foi (10). » Un autre emploi du terme s'est répandu dans la société, le catéchisme devenant une « instruction simple ou abrégée sur n'importe quel argument » (11).

Aux débuts de la Révolution, l'éloignement sémantique entre le mot « catéchisme » et la religion semble être acquis pour certains, surtout par rapport à la dimension pédagogique de ce genre d'ouvrages. Ce déplacement du sens met en évidence ce que Jean-Luc Chappey qualifie, en référence à la seconde moitié du XVIIIe siècle, de « moment particulièrement favorable à la diffusion et au partage des savoirs » (12), pour lequel le catéchisme est – d'après moi – un point de passage fondamental. Pendant le XVIIIe siècle, note Alain Sandrier, « le catéchisme devient une forme extrêmement souple susceptible d'accueillir tous les discours »(13). Cette ouverture du sens est une des conséquences de la fin du monopole de l’Église sur l'enseignement : même le catéchisme, c'est-à-dire l'outil principal sur lequel elle se base, est en train de se laïciser.

Toutefois, on ne peut pas affirmer qu'au début de la Révolution cet usage sémantique large du mot « catéchisme » soit totalement intégré au patrimoine linguistique français. En effet, bien qu’un certain nombre d’auteurs de catéchismes ne s’écartent pas de la pratique décrite par Barnave, ils sentent néanmoins le besoin de justifier – notamment dans leurs préfaces – leur recours au catéchisme pour traiter des questions laïques. C’est par exemple le cas de l’abbé Gallet, qui, dans ses Eléments de la constitution françoise, du 1791, considère que :

« Si le Chrétien a son Catéchisme, et si on l'instruit, dans cette forme, de la Religion révélée de nos Pères, pourquoi ne l'emploiroit-on pas pour instruire le Citoyen de la Religion de la Nature ? »(14).

Ce deuxième exemple, comme celui de Barnave, souligne l’importance de la Déclaration des droits et de la Constitution dans les catéchismes révolutionnaires. Ce phénomène est observable surtout à partir de l’automne 1790, notamment avec la diffusion des catéchismes de Mirabeau et de la Feuille Villageoise de Cerutti (15). La Déclaration des droits et la Constitution du 1793 seront au centre des catéchismes républicains de l'an II et de l'an III.

Dans tous ces textes, on veut apprendre au citoyen les nouvelles institutions, les droits et devoirs de l'homme – parfois en insistant sur ces derniers – notamment dans les cas de troubles de sûreté générale, comme dans ce catéchisme de Mirabeau :

« D. En quoi consiste la liberté d’un peuple ? R. En trois choses ; l’égalité des droits, la liberté des personnes, et la sûreté des propriétés. D. Que signifie l’égalité des droits ? R. Cela signifie que tous les Citoyens sont égaux devant la loi. D. En quoi consiste cette égalité ? R. Elle consiste en ce que tous les Citoyens, quels qu’ils soient, riches ou pauvres, foibles ou puissans, sont traités également par la loi. D. Les hommes sont donc tous égaux ? R. Oui ; mais grâce à la loi ; car les hommes peuvent naître forts ou foibles, grands ou petits, riches ou pauvres, simples ou adroits, spirituels ou bornés. C’est cette inégalité naturelle que la loi corrige, ensorte que celui qui est né riche, grand, fort, puissant, adroit, n’a pas plus de préférence, ni de droits sur les autres, que celui qui est né foible et pauvre, et ensorte que ceux qui sont inégaux par leurs facultés naturelles, ont des droits égaux par la loi ». « D. Et si le bon ordre ou la police étoient troublé par des mal-intentionnés, quel est le devoir des Officiers municipaux ? R. La fonction et le devoir public des Officiers municipaux seroit d’abord d’employer la douceur et les bonnes paroles pour ramener les mal-intentionnés à la justice et à la raison. D. Et si ces moyens ne réussissoient pas à calmer les mal-intentionnés ? R. Les Officiers-municipaux doivent les sommer de choisir parmi eux des députés pour présenter tranquillement leurs demandes. D. Et si les mal-intentionnés s’y refusent et continuent leur attroupement ? R. Alors ils sont séditieux ; alors le devoir des Officiers municipaux est d’employer la force, et de faire publier la loi martiale. R. Qu’est-ce que la loi martiale ? R. C’est un avertissement fait à tous les citoyens, que la loi est offensée, et que l’on va employer main-forte pour la soutenir »(16).

La présence de la Déclaration des droits et des principes de la Constitution dans ces textes nous indique qu'ils peuvent être considérés par les auteurs (et par le public?) comme l'émanation de la morale naturelle. Les catéchismes révolutionnaires, et principalement ceux de la période monarchique, sont ainsi redevables aux philosophes, qui ont séparé, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, l'élément moral de l'élément proprement transcendant de la religion chrétienne. Les historiens ont donné à ce genre d'ouvrages plusieurs étiquettes en cherchant à synthétiser, dans une unique définition, les différences qu'il y a entre les textes, à savoir : « catéchismes révolutionnaires » ; « catéchismes politiques » ; « catéchismes civiques », lorsqu'ils traitent de « morale civique » ; « catéchismes séculiers » ou « catéchismes laïques » par opposition aux textes religieux.

Cependant, tous les textes ne concernent pas la didactique de la morale naturelle. D'autres appartiennent à une autre typologie, celle des pamphlets. C'est par exemple le cas du Cathéchisme (sic) de la noblesse bretonne (1789) : « D. Ou étoit la Noblesse Bretonne avant qu’elle parut dans le monde ? R. Elle étoit enfermé dans la boëte de Pandore. D. Quand on ouvrit cette fatale boëte n’en sortit-il que la Noblesse ? R. Je ne sais pas trop, mais cela suffiroit pour justifier l’Histoire. D. Qu’est-ce que la Noblesse in globo ? R. C’est une bande (…) qui, dans quelque lien que l’enfer la veuille, écrase tout ce qui l’environne »(17). Ces deux genres bien distincts de catéchismes ne datent pas de la Révolution française.

Les catéchismes polémiques et politiques de l'époque moderne

Les premiers catéchismes non religieux traitant de questions politiques ou institutionnelles apparaissent au XVIIe siècle (Voir l'organigramme du développement du genre "catéchisme"). Ils résultent de la formation de l'opinion publique, du poids grandissant de la politique – et de la possibilité, pour certains, de l'influencer –, et sont les héritiers des catéchismes qui ont trait aux débats religieux au moment de la Réforme protestante. En effet, à partir de la fin du XVIe siècle, une partie du clergé catholique et certains pasteurs protestants rédigent des catéchismes afin d'attaquer leurs adversaires religieux. Généralement, ces publications sont destinées à un public différent de celui des catéchismes traditionnels qui étaient transmis oralement au peuple. Ces catéchismes de polémique religieuse ont eu beaucoup de succès pendant au moins deux siècles, en particulier, lorsque les disputes religieuses ont été plus aiguës en Europe. À ma connaissance, la Révolution française a été le dernier moment où ces ouvrages ont eu une vaste diffusion puisque l'affrontement entre le clergé constitutionnel et les prêtres réfractaires a en partie été médiatisé par des catéchismes de polémique religieuse.

Les premiers catéchismes qui traitent des questions politiques remontent à la décennie 1640-1650, c'est-à-dire cinquante ans après les premiers catéchismes de polémique religieuse. D'après les textes que j'ai pu analyser, il s'agit de pamphlets courts, plus polémiques que tournés vers la didactique, malgré le fait que dans certains cas les opinions des auteurs aient un fort contenu positif. L'ouvrage anglais intitulé A Political catechism, or, Certain questions concerning the governement of this land (1643) en est le meilleur exemple. L'auteur, Henry Parker (18), est membre du Parlement. Ce texte est particulièrement intéressant car il s'agit d'une analyse – rédigée sous la forme du catéchisme – de la réponse du roi aux dix-neuf thèses parlementaires sur la séparation des pouvoirs entre Charles Ier et le Parlement. Parker, qui soutient ces thèses, souligne à plusieurs reprises l'importance du Parlement – en particulier de la House of Commons – pour la sauvegarde des libertés individuelles et pour le bonheur public. L’existence même de cet ouvrage semble indiquer la volonté de faire participer un public plus vaste, peut-être les classes urbaines alphabétisées, aux débats institutionnels.

Pour les autres catéchismes politiques du XVIIe siècle, j'ai recensé trois textes publiés en France et six en Angleterre. Presque tous ont été imprimés entre 1643 et 1650 (19). Les ouvrages français s'inscrivent dans le contexte des affrontements de la Fronde et, au moins un peut être considéré une Mazarinade (20). Les titres des trois catéchismes français sont : Catéchisme Royal (1645) ; Catéchisme des Courtisans ou les Questions de la Cour, et autres galanteries (1649) ; Instruction de la loi mazarine, par Dialogues (environ 1650).

Comme nous l'avons déjà vu, il n'est pas question ici de véritables ouvrages pédagogiques. Cependant, le choix des auteurs d'employer le terme « catéchisme » pourrait être interprété comme le signe de la volonté d'élargir le débat à un plus large public, afin de former des prosélytes en vu de l'affrontement. Quels que soient les objectifs des auteurs, ces premiers catéchismes de polémique politique – tout comme les catéchismes de polémique religieuse – s'adressent à un public d'adultes alphabétisés. Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, il y a encore très peu de catéchismes laïques et le catéchisme religieux constitue l'outil principal pour l'éducation des enfants et du « peuple des campagnes ».

À l'époque des Lumières, et en particulier entre 1755 et 1776, il y a un renouveau du catéchisme non religieux. Pendant ces vingts années, une partie des intellectuels les plus illustres – comme Grimm, Voltaire, Helvétius et d'Holbach (21) – écrivent des catéchismes centrés principalement sur la morale. Ils réinventent ce genre littéraire afin de créer des outils d'éducation pour diffuser le modèle d'un homme moral, cosmopolite et tolérant en matières de religions. Certains passages de la correspondance de Voltaire et de celle des frères Verri montre à quel point cet outil a été jugé important à l'époque des Lumières. Par exemple la Lettre du 1er mai 1763 de Voltaire à Helvétius : « Un bon petit catéchisme imprimé à vos frais par un inconnu dans un pays inconnu, donné à quelques amis qui le donnent à d'autres, avec cette précaution on fait du bien et on ne craint pas de se faire du mal (22). »

A la même époque, Pietro Verri écrit que « d'Alembert pense de composer un catéchisme de morale pour les enfants. (…) Les principes sur lesquels il fondera ses doctrines en cette matière seront les deux suivants : les besoins que nous avons des autres hommes = la nécessité de souffrir (…) Il me semble que ses fondements sont solides et bien choisis (23). » Quelques années plus tard, en 1775, Guillaume-Joseph Saige, que l'on connaît grâce à l'historien américain Keith Michael Baker (24), emploie le catéchisme pour des raisons politiques, en intervenant dans le débat parlementaire avec le Ministre Maupeou. Dans son Catéchisme du citoyen (25), Saige traite les questions du pouvoir et de la souveraineté, en reprenant tant le Contrat Social de Rousseau que certaines idées du catéchisme politique anglais de Parker, évoqué plus haut (26). En effet, selon Saige, tout comme pour Parker, les parlements garantissent la sauvegarde des libertés individuelles et le bonheur public. Bien que le Catéchisme du citoyen soit brûlé sur la place publique lors de sa première publication, il a été réimprimé et connu au moins en trois éditions, peu avant la Révolution (1787, 1788 et 1789). Ce texte a non seulement été une référence pour les pamphlets du 1789 (27), mais il semble avoir également incité certains auteurs de catéchismes de polémiques et de didactique politique à utiliser cette forme. Le jacobin François Boissel en est un exemple (28). Le niveau de langue du Catéchisme du citoyen n'en fait pas un texte aisément accessible au « peuple » et il n'est pas particulièrement dogmatique. Pour ces raisons, on peut affirmer qu'il s'adresse essentiellement à un public ayant un niveau culturel relativement élevé.

Il faut encore signaler que tout au long du XVIIIe siècle, la forme du catéchisme est aussi employée dans des manuels ou des abrégés dont la fonction est de diffuser à un vaste public les principes de base d'un savoir spécifique, par exemple la description du monde physique, les sciences exactes, les techniques agronomiques et les conseils pour l'accouchement. Dans ma thèse, je les ai catalogués comme « catéchismes techniques ». D'autres auteurs, notamment Jean-Charles Buttier, les ont définis comme des « catéchismes pratiques ». Ces ouvrages continuerons à se développer tout au long du XIXe siècle en Europe et aux États-Unis, où j'en ai repéré au moins une centaine.

Étude quantitative des catéchismes révolutionnaires

Après ce bref excursus historique, revenons à la Révolution pour laquelle je vais présenter des données qui permettront, d'une part, de comprendre l'importance quantitative des catéchismes dans la période révolutionnaire, et d'autre part, de vérifier le rôle des deux typologies de catéchismes dont j'ai parlé – c'est-à-dire didactiques et polémiques – sur l'ensemble des productions. Pour la période 1787-an VIII, j'ai compté un total de 207 textes différents, dont j'ai pu consulter la plupart. Parmi ceux que je n'ai pas pu consulter, 28 catéchismes ont été perdus pour lesquels nous n'avons que des références dans les sources ; d'autres ouvrages sont conservés dans des bibliothèques de province que je n'ai pas encore visitées. Chronologiquement, on compte 120 ouvrages pour la période monarchique, 66 pour la période républicaine jusqu'à l'an III et 19 entre l'an IV et l'an VIII (Voir le tableau de la distribution chronologique des catéchismes).

Il faut ajouter qu'il n'a pas été possible d'établir la datation d'un texte et, pour un autre cas, il s'agit d'une réédition d'un ouvrage pré-révolutionnaire. On a retrouvé au total environ 360 éditions différentes auxquelles il faut aussi ajouter les copies de trois ouvrages intitulés « catéchisme » qui ont été publiés comme des périodiques (29) et 17 catéchismes manuscrits. En attribuant une moyenne de 1.500 exemplaires à chaque édition, nous obtenons un total qui dépasse les 500.000 exemplaires pour l'ensemble des catéchismes révolutionnaires. J'ai établi cette division chronologique afin de pouvoir souligner qu'entre les textes de la première et ceux de la deuxième et troisième période il y a une différence typologique décisive : les premiers catéchismes sont plus polémiques, tandis que les seconds sont plus didactiques.

            

Dans la période 1788-92, les catéchismes de débat, y compris ceux qui ont trait à la Constitution civile du clergé, sont environ deux fois plus nombreux que les catéchismes didactiques.

        

À partir de 1793, en suivant le développement progressif des écoles primaires, le catéchisme devient à nouveau un manuel d'école ou, dans tous les cas, un texte didactique30. Il ne s'agit plus d'un texte chrétien, mais souvent déiste.

            

La typologie des catéchismes prend également en compte la distribution chronologique des destinataires des textes : enfants, adolescents, adultes ou génériques. Généralement, lorsqu'on ne spécifie pas le destinataire, il s'agit de textes dédiés aux lecteurs adultes.

            

En ce qui concerne la diffusion des textes parmi les classes populaires, on constate que la plupart de ces livrets sont à la portée de toute la population sauf probablement pendant les années 1795-96, lorsque la vie chère ne permettait aux salariés que l'achat de bien de première nécessité (Voir le tableau des prix).

      

Parfois, comme le relate le voyageur allemand Joachim Heinrich Campe en août 1789, les catéchismes ou les publications similaires sont achetées en commun :

« Ce qui frappe le plus l'étranger, ce sont les individus issus des plus basses classes sociales (…) prendre contact avec l'un de leurs camarades qui possède le rare privilège de savoir lire, acheter en commun une de ces feuilles volantes ou de ces petites brochures puis, se pressant les uns contre les autres, (…) écouter bouche bée, les yeux et les oreilles grands ouverts, ce savant camarade qui leur fait la lecture » (31).

Pour la période 1788-1792, les catéchismes didactiques qui visent un public d'adultes sont plus nombreux que ceux adressés aux enfants, bien que ces derniers ne soient pas complètement oubliés par les auteurs. Les premiers catéchismes révolutionnaires dédiés aux enfants sont en effet publiés à partir du 1790, comme en témoigne le cas du Catéchisme national d'Hazard et le Catéchisme civique de Jean-Baptiste Regnault-Warin :

« Les pères et mères instruits à demi, sur des mots échappés et recueillis à la volée, inculquent à leurs enfans de faux dogmes qui contrarient ceux de la constitution (…) il m'a donc paru nécessaire de tracer pour les enfans un plan élémentaire, qui les fit sucer avec le lait le véritable esprit de la science constitutionnelle »(32).

Les catéchismes sous la monarchie et la République

Pendant les années 1788-1792, des textes très différents sont publiés mais qui s'articulent en général autour de définitions de certains mot-clés du nouveau langage politique révolutionnaire, par exemple, « constitution », « nation », « patrie », « république », « loi », etc. Le Nouveau Catéchisme du citoyen propose ainsi cette définition de « nation » : « C'est l'universalité de tous les François, réunis pour le bien général, gouvernés par un Roi, & divisés en plusieurs Ordres » (33). Dans le Catéchisme d'un peuple libre (1789), il y a cette définition de « Constitution » : « C'est ce qui organise les pouvoirs de l'État, c'est-à-dire, le pouvoir législatif & le pouvoir exécutif ; c'est la base sur laquelle doit s'élever l'édifice d'une société humaine, ordonnée à l'utilité & au bonheur des membres qui la composent » (34). Il s'agit de définitions très simples, qui pourraient être partagées par la plupart des révolutionnaires. En revanche, on trouve généralement des définitions plus complexes lorsqu'on aborde des sujets plus sensibles comme celui de la propriété. Le texte de Collot-d'Herbois dans l'Almanach du père Gérard (1791) est à cet égard symptomatique des opinions répandues dans les catéchismes où l'idée de la propriété est associée à celle du travail alors que la paresse est anti-sociale et criminelle :

« Ceux même qui n'ont rien, ont intérêt à ce que les propriétés soient respectées ; car ce ne sont pas seulement les biens matériels, tels que de l'argent, des meubles, des terres, des maisons, des bestiaux, qui font la propriété ; l'industrie, l'amour du travail sont aussi des fonds dont le produit forme une propriété, peut-être la plus précieuse de toutes. C'est pourquoi la loi qui protège le château, ou les terres d'un homme opulent, protège aussi efficacement le salaire dû à l'ouvrier ; le bénéfice des sueurs du pauvre est la plus sacrée de toutes les propriétés devant elle. (...) ceux qui n'en ont aucune, qui dédaignent celle du travail (...) sont (des) oisifs, dont il faut se défier, et sur lesquels il faut avoir les yeux. L'oisiveté conduit le riche à tous les vices, et le pauvre à tous les crimes. Celui qui ne fait rien, est indigne d'être compté parmi les citoyens ; celui qui rougit de travailler, est un lâche »(35).

Néanmoins, dans certains cas, les catéchismes tout en gardant une structure didactique apparente sont en réalité des attaques contre des groupes spécifiques : envers les ministres, jugés être les vrais responsables de l' « absolutisme » monarchique, ou contre les classes privilégiées, mais aussi contre l'Assemblée Nationale. Dans ces cas, les définitions données sont ironiques, satiriques ou constituent une provocation, comme l'on peut lire, par exemple, dans le Catéchisme des aristocrates (1791) : « D. Qu'est-ce que la Constitution? R. Un amas indigeste de Loix, dictées par l'orgueil & la passion ; belles en théorie, & dont la pratique est impossible »(36). Les catéchismes de 1788-1792 dans toute leur hétérogénéité, nous indiquent que leur fonction n'est pas d'imposer une pensée uniforme, et ce d'autant moins que leurs auteurs n'ont pas tous des responsabilités politiques (37). Ces textes participent de l'affrontement révolutionnaire, leur publication étant facilitée par une large liberté de la presse permettant l'édition de quantités importantes de brochures éphémères (Voir la carte distribuant les lieux de naissance des auteurs).

            

En revanche, pendant la période républicaine, les textes des catéchismes se ressemblent beaucoup plus l'un à l'autre. Cet élément suggère que l'engagement des gouvernements tendant à unifier la présentation des principes politiques républicains atteint son but, bien que – en regardant les catéchismes manuscrits – cet effort n'aboutisse pas complètement. A partir du 1793, il y a une augmentation de la production des catéchismes didactiques, notamment ceux qui sont destinés aux écoles, mais aussi en partie aux adultes, avec des auteurs comme Collignon-Dumont qui se proclame « l'instituteur du peuple » et diffuse aussi ses catéchismes comme des journaux périodiques ou oralement dans les rues de Paris (38). L'augmentation du nombre des catéchismes pour la jeunesse s'explique par le concours relatif au choix des manuels scolaires qui est décrété le 9 pluviôse an II (28 janvier 1794) (39). Nous savons que la Convention montagnarde a essayé d’instituer des écoles primaires publiques et gratuites. Cependant, pour des raisons diverses, la mise en œuvre de décrets concernant l'école n'a pas eu le même succès dans tout le territoire de la République : cela s'est fait plus rapidement dans le Nord-Est, au-dessus de ce qu'on appelle « ligne Maggiolo » (40), et plus lentement au Sud, à l'Ouest en révolte et dans les petits centres urbains. Parallèlement à l'organisation des écoles, des nouveaux manuels scolaires deviennent nécessaires. Ils sont choisis sur la base des manuscrits envoyés à la Convention en réponse au concours du 9 pluviôse.

La nécessité d'avoir de nouveaux livres pour les écoles primaires ne peut pas être regardée comme une imposition par le haut. En effet, les particuliers, les enseignants, les société populaires (41) ainsi que les administrations locales dénoncent à plusieurs reprises, là où les écoles sont déjà organisées, le manque de manuels scolaires adaptés, exempts de « fanatisme religieux ». Il est intéressant d'observer qu'un citoyen breton, M. Coucher, propose déjà l'institution d'un concours le 18 frimaire de l'an 2 (8 décembre 1793), à savoir un mois et demi avant la proclamation effective du concours de pluviôse :

« Je vous proposerais donc citoyens d'ouvrir pendant un temps déterminé un concours pour ceux qui voudraient présenter au comité d'instruction publique un catechisme (sic) de Morale qui traita des devoirs de l'home (sic) comme home et comme citoyen » (42).

Le concours est organisé à l'initiative du Comité d’Instruction publique. Grégoire en lit le projet à la Convention le 4 pluviôse an II (23 janvier 1794) :

« Pour assurer son existence et son bonheur, il faut que (les) membres (du corps social) jouissent de leurs droits et s’acquittent de tous leurs devoirs. Cette connaissance est l’objet de l’éducation, qui seule peut donner les lumières et les vertus indispensables au maintien de la société. (…) Hâtons-nous donc de mettre en main, aux parents et aux instituteurs, non pas des ouvrages volumineux, mais des méthodes simples, que les esprits peu cultivés puissent saisir, que leur mémoire puisse facilement retenir, et qui, en leur montrant le but, les éclairent des lumières nécessaires pour l’atteindre » (43).

Un an et demi plus tard, le rapport du député Lakanal du 14 brumaire an IV (4 novembre 1795) publie les nom des vainqueurs. Pour la huitième classe, celle de morale républicaine qui nous intéresse ici – il y a en tout neuf classes – le manuel choisi est le Catéchisme républicain de Lachabeaussière, administrateur de niveau intermédiaire au Ministère de l'Intérieur et auparavant auteur dramatique (44). L'histoire de ce concours montre que les catéchismes n'ont pas été un moyen de propagande imposé par le haut mais qu'ils résultent davantage de l'action locale d'intermédiaires politiques et culturels qui collaborent activement et avec conviction à leur production et diffusion. Cela est clair notamment dans le cas du département de la Meurthe. Ici, un obscur administrateur nommé Claude Thiébaut – membre de la société populaire jacobine de Nancy – distribue, pendant une bonne partie de l'an III (45), plus de 11.000 copies de ses catéchismes qui rencontrent la faveur de la Convention, des autorités locales et même des enseignants qui en demandent. La diffusion des œuvres de Thiébaut nous fait comprendre la force de l'activisme local lorsqu'il est libre de s'exprimer. Elle nous indique aussi que les principes moraux de base de la Convention thermidorienne, du moins dans ses premiers mois, ne se différencient pas de ceux de la Convention montagnarde. En effet, c'est seulement lorsque, un an après le 9 thermidor, Thiébaut est accusé de terrorisme que ses écrits perdent le consensus acquis auparavant (46). Par ailleurs, c'est seulement à partir de la publication des résultats du concours sous le Directoire que se concrétise l'idée d'un manuel unique pour toute la République et que le catéchisme de Lachabeaussière devient de fait le manuel de morale pour les écoles le plus utilisé.

Parmi les œuvres des écrivains « mineurs », le texte de Lachabeaussière est un véritable cas littéraire (47). Non seulement il y eut plusieurs dizaines d'éditions entre l'an II et l'an VIII, mais il fut aussi réédité au XIXe siècle, notamment pendant la Deuxième et la Troisième République, dans certains cas pour en faire un usage scolaire, dans d'autres en le considérant comme un véritable pamphlet. Il a été aussi traduit en plusieurs langues (italien, allemand, hollandais) et copié partout en Europe. Ces éléments nous donnent une idée de l'influence qu'a exercé ce texte sur la formation du citoyen européen bien après la fin de la Révolution. Il est tout aussi important de souligner que son succès est dû principalement à la structure discursive du texte qui ne suit pas la formule question/réponse, mais est en vers comme les chansons (48). En jugeant cette forme optimale pour l’apprentissage, ce texte suit la conviction des révolutionnaires selon lesquels une culture qui est encore principalement basée sur l'oralité puisse s'apprendre plus facilement par une œuvre en vers. De brèves citations de Lachabeaussière et de Thiébaut permettent d'avoir une idée du contenu des catéchismes républicains.

Lachabeaussière, Catéchisme républicain :

1. « Qui es-tu ? Homme libre et pensant, né pour haïr les Rois, N’aimer que mes égaux, et servir ma Patrie, Vivre de mon travail ou de mon industrie ; Abhorrer l’esclavage, et me soumettre aux loix ». (…) 12. Comment différencier le Bien et le Mal ? Dieu mit, pour affermir notre inexpérience, Près de nos sens grossiers un sens plus délicat ; Il suit nos mouvemens, les guide ou les combat ; C’est la raison qui parle à notre conscience. 13. Qu’est-ce que la Conscience ? C’est cette voix secrète et cet instinct suprême, Qui de nos passions précède et suit l’effet. Qui l’écoute est toujours en paix avec lui-même, Et qui veut le tromper y trouve son arrêt » (49).

Le texte de Thiébaut n'est pas très diffèrent, bien qu'il ne soit pas en vers :

D. Qu’est-ce que la pudeur ? R. C’est l’affection de l’innocence et le caractère de la vertu. D. Qu’est-ce que la probité ? R. C’est la pratique continuelle de la justice et de la vérité. D. Qu’est-ce qu’en appelle un honnête-homme ? R. Celui qui remplit ses devoirs et qui est fidelle à ses promesses ou engagemens, et qui ne ment jamais. (…) D. Qu’est-ce que la patrie ? R. C’est le sol, les citoyens, et le gouvernement de la République. (12) D. Qu’est-ce que la République ? R. C’est la réunion des hommes libres gouvernés par les mêmes lois. D. Qu’est-ce qu’un homme libre ? R. C’est celui qui jouit de tous les droits de l’homme et du citoyen (50).

Le corpus numérisé que j'ai créé permet une approche plus systématique des contenus. Les données et les analyses qui suivent sont utiles pour montrer comment on peut utiliser le matériel des catéchismes révolutionnaires et en général les corpora numérisés. Mon corpus numérisé intègre un peu plus de la moitié des catéchismes révolutionnaires recensés. Un total de 112 textes ont produit un corpus numérique d'environ 985 000 tokens (mots). De ces 112 catéchismes, 105 sont des ouvrages imprimés, 7 sont des manuscrits. Les textes ayant dans le titre le mot « catéchisme... » sont 90, tandis que les œuvres dont on ne mentionne pas ce terme dans le titre sont 22. La liste des occurrences des mots les plus fréquents ayant un sens socio-politique significatif (51) renvoie à des termes qui n'ont rien de particulier quant on les compare au lexique de la Révolution (Voir le tableau des occurrences dans les catéchismes révolutionnaires).

Néanmoins, il me semble intéressant de souligner que la lexie la plus fréquente est « homme » qui, comme on peut l'imaginer, apparaît souvent dans les expressions « droits de l'homme » et « devoirs de l'homme ». Pour la période 1788-1792, en effet, nous avons 73 occurrences pour « droits de l'homme » au pluriel et 3 au singulier et 28 occurrences de « devoirs de l'homme » au pluriel et 18 au singulier. Dans la période de la Convention les « devoirs » sont subordonnés à l'explication des droits de l'homme et du citoyen, d'où la présence dominante de ces derniers dans ces textes. Il faut cependant souligner que les catéchismes de la période 1793-an III présentent avec une fréquence supérieure, quand on les compare à ceux de la période précédente, la liste des devoirs, maximes, commandements que le lecteur, souvent jeune, doit observer et apprendre, même par cœur. Il est intéressant de souligner que les « droits de l'homme » sont surtout définis comme « sacrés » dans la période monarchique. Dans certains cas, l'adjectif « sacré(s) » est associé à la lexie « devoir(s) » – au singulier et au pluriel – bien que cet usage soit moins fréquent.

Dans le tableau des occurrences, on peut observer la modification du lexique entre les deux périodes données. La lexie « homme », déjà très utilisée pendant la monarchie, augmente sa fréquence relative dans le temps, et c'est la même chose pour « peuple » et « liberté ». En revanche, les lexies « nation », « pouvoir », « roi », « ordre », « constitution » sortent – du moins en partie – du lexique des auteurs de catéchismes. Si l'on compare cette liste avec celle du lexique de Maximilien Robespierre (Voir le tableau), on remarque un usage quantitativement différent des mêmes lexies. Chez Robespierre, on peut également souligner la présence, des lexies « ami(s) » et « ennemi(s) » qui sont très peu présentes dans les catéchismes. Au premier abord, cela pourrait nous suggérer que les logiques incluantes/excluantes propres au conflit politique de l'Assemblée ont un impact très relatif sur les catéchismes. En réalité, ce n'est pas le cas, comme on le constate par l'analyse sémantique de la lexie « révolution » que j'ai effectuée dans ma thèse (52).

Les questions présentes dans les catéchismes (voir tableaux) confirment la première impression, à savoir que la lexie « homme » est davantage présente et définie par les auteurs à partir de 1793. Par ailleurs, bien que dans la première période la « liberté » a une fréquence relative moins forte par rapport à la période suivante, les auteurs de la période monarchique cherchent plus souvent à en donner une définition, qu'elle soit sérieuse ou ironique.

Sans être particulièrement surpris, on constate que les catéchismes de la seconde période portent une grande attention à la « morale » et à l' « égalité ». La forte récurrence de la question « qu'est-ce que Dieu ? » dans les catéchismes républicains est plus étonnante, en revanche il est logique que les définitions de « gouvernement », « nation », « monarchie » et « révolution » soient moins répandues dans les catéchismes républicains que dans ceux de la période monarchique.

Pour expliquer ces différences, il est certain que les types de catéchismes de ces deux périodes (polémiques pour la première, scolaires pour la seconde) doivent être pris en considération.

De « nation » à « république »

Regardons de plus prêt la lexie « nation », mot-clé de la Révolution de 1789, qui est quasiment abandonnée par les auteurs de la période républicaine. Cet exemple me permettra par ailleurs de montrer les potentialités de la linguistique des corpora.

            

Le graphique 7 donne mois par mois l'usage des mots « peuple » et « nation » chez Marat, pour lequel je dispose d'un corpus de plus de 2 millions de tokens. Nous pouvons voir que, à la différence des catéchismes où « nation » est plus utilisée que « peuple » jusqu'au 1792, chez Marat on ne retrouve pas la même chose, sinon au début des premiers mois du 1789. Toutefois, dans l'Ami du peuple, tout comme dans les catéchismes, on remarque une diminution (chez Marat plus relative) de l'usage de « nation », à partir du 1792 (53). Comment peut-on expliquer la sortie presque totale de la lexie « nation » du lexique des catéchismes, disparition qui est encore plus frappante que celle que l'on constate chez un écrivain populaire comme Marat ?

L'analyse des textes met clairement en évidence le fait que « nation » est remplacée par d'autres lexies plus en vogue ou qui voient leurs poids relatifs s’accroître, comme « peuple », « république » ou encore « patrie ». L'analyse des tableaux des questions (Tableaux 5 et 6, au-dessus) le confirme. Dans les catéchismes de la période républicaine, la demande « qu'est-ce que la république ? » apparaît 5 fois et j'ai retrouvé 4 fois les questions « qu'est-ce que la patrie ? » et « qu'entend-on par le peuple (souverain) ». Les réponses à ces questions, montrent clairement que la « république », la « patrie » et le « peuple » assument, dans certains catéchismes républicains, la valeur qu'avait auparavant le terme « nation » en créant ainsi une chaîne synonymique qui, de l’identification entre « nation » et « patrie » dans la première période, arrive à identifier l'ensemble des citoyens avec la « république » ou avec le « peuple » dans la deuxième période.

Les quatre exemples suivants sont à ce propos très éclairants. Le premier est issu de l'Almanach du Père Gérard, de Collot-d'Hérbois (1791, p. 23) :

« Qu'est-ce que la nation ? La nation est la totalité des citoyens ; c'est dans cette totalité que réside le pouvoir souverain. Un Corps d'associés, vivans sous une loi commune, & représentés par la même Législature ».

Le deuxième est du Catéchisme du département des Ardennes (1793, p. 72) :

« D. Qu'est-ce que la Patrie ? R. On entend par Patrie, la Nation entiere, au sein de laquelle nous avons pris naissance, ou qui nous a reçus au nombre de ses membres par adoption ».

Le troisième vient d'un manuscrit sans titre envoyé au concours du 9 pluviôse (an II, p. 1) :

« D. Qu'est-ce qu'une Republique (sic) ? R. C'est un peuple c. a. d. (c'est-à-dire) des hommes reunis en société qui se gouvernenent par des loix qu'ils se sont faites eux-mêmes ou qu'ils ont consentis approuvées et acceptées ».

Le dernier se trouve dans des Entretiens d'un père (an III, p. 7), par Flavigny, citoyen de Corbeil (département de l'Essonne) :

« Fils. Qu’entends-tu par peuple ? Le Pere. Le peuple est l’universalité des citoyens d’un pays quelconque, réunis en société, et vivants sous les mêmes lois ; le peuple seul est souverain : lui seul peut se donner une constitution ; il a le droit impréscriptible de la revoir, réformer et changer ; de faire ou de consentir ses lois, de les modifier, et de les supprimer dans les formes préscrites par sa constitution ».

Bien que l’étymologie des quatre termes soit différente – et que cela soit parfois mis en évidence dans les catéchismes – la confusion sémantique entre les diverses lexies est frappante. Si, d'un côté on peut retrouver la synonymie entre « patrie » et « nation » pendant la première phase de la Révolution, de l'autre la lexie « république » avant l'année 1792 veut principalement indiquer – comme on le sait – l' « Etat », la « chose publique » ou la « chose commune ». Cette confusion des définitions souligne un élément clé de la littérature « pour le peuple ». En effet, il est évident que la simplicité des textes des catéchismes, surtout de ceux qui sont destinés aux écoles, limite la précision lexicale et oblige les auteurs à des renvois logiques qui, au bout du compte, finissent selon moi par compliquer les problèmes de terminologie au lieu de les résoudre. Au moins un auteur différencie « patrie » et « nation », il n'est pas inintéressant de constater qu'il s'agit de Mirabeau : « D. Qu'est-ce que la Nation ? R. Tous les habitans du Royaume, réunis ensemble, qu'on nomme Citoyens »; « D. Qu'est-ce que la patrie ? R. C'est le pays où l'on est né, et où l'on a ses parens, sa famille, et son héritage » (54). Bien évidemment, la synonymie « nation », « patrie », « république », « peuple », n'est pas présente partout et chaque auteur développe de façon propre les différentes composantes qui constituent les divers champs sémantiques. Sur cette thématique, les catéchismes polémiques, dont la présence ne cesse d'augmenter entre 1788-1792, se distinguent. Ils ont en effet une propension à donner des définitions de « nation » – et non seulement de ce terme – qui sont fortement connotées, soit ironiques, polémiques ou emphatiques. On le constate par exemple dans le Petit cathéchisme (sic), à l'usage des grands enfans (1791?) : « D. Qu'est-ce que la nation ? R. Les aristocrates disent que c'est la servante maîtresse »(55). Ou encore chez Hébert : « D. Qu'est-ce que la nation ? R. Jadis ce n'étoit rien; à présent c'est tout. C'est la maitresse de la maison; le roi n'en est que le premier serviteur »(56).

Si, pendant la période monarchique, parmi les quatre lexies les définitions ayant un caractère rhétorique se concentrent principalement sur « nation », pendant la période républicaine cela est vrai principalement pour le terme « république » qui est souvent représenté par des traits élogieux qui n'en permettent pas une réelle description. Le passage entre l'ironie utilisée dans les définitions de « nation » en 1788-1792, et la description élogieuse de la « république » à partir du 1793, met en évidence les différences entre une phase pendant laquelle le récit de la Révolution est encore raconté comme une bataille (les textes des catéchismes eux-mêmes en sont une preuve) et une autre phase où les représentations gravitent autour d'une Révolution et d'une République triomphantes. Sur la problématique du sacré, l'élément le plus intéressant concerne les catéchismes postérieurs à septembre 1792, dans lesquels s'exprime un fort syncrétisme entre les formes traditionnelles du culte et les nouveaux éléments introduits par les changements dus à la Révolution. En effet, à la différence des catéchismes politiques ou moraux du XVIIe et XVIIIe siècles, une bonne partie des catéchismes républicains comporte des prières républicaines et certains sont même structurés selon la forme traditionnelle tripartite des catéchismes religieux, à savoir : les devoirs envers Dieu, les devoirs envers les autres et ceux envers soi-même. Cette forme n'avait pas été adoptée par les catéchismes politiques et moraux des années précédentes, qu'il soient pré-révolutionnaires ou de la période monarchique.

Un bon nombre de catéchismes républicains tendent à confirmer les théories selon lesquelles existeraient un « culte » révolutionnaire qui traduirait des processus de sacralisation de la politique (57). Dans ce domaine, la volonté de certains auteurs de catéchismes républicains de placer la République sous l'égide d'un Être Suprême – ainsi que les invocations à la divinité pour le salut de la Patrie, de la Nation et de la Montagne (un groupe politique !) – est l'un des éléments prodromiques de la formation d'un culte civique, nécessaire – selon Robespierre, par exemple – comme soutien à la morale individuelle. De ce point de vue, la sacralité exemplifiée par les prières et le système de fêtes mis en œuvre et géré par les administrateurs publics (58) ressemble à la « religion civile » de Rousseau (59). Par ailleurs, les catéchismes de la période monarchique, y compris ceux écrits par des ecclésiastiques, sont, selon moi, beaucoup plus laïques que les catéchismes républicains. Dans ces derniers, l'utilisation du sacré pour traiter de la Patrie, de la Loi et de l’Être Suprême – dans sa fonction de dispensateur de bonheur –, est nettement plus forte que la déférence à la Nation et au Dieu catholique à travers des formules du langage religieux des catéchismes de la période 1788-1792.

Jusqu'ici, je ne me suis pas attardé sur les particularités – sûrement très intéressantes – des catéchismes manuscrits, qui ont été envoyés à la Convention en réponse au concours du 9 pluviôse et qui n'ont pas été récompensés, ni imprimés. Ils sont, dans la plupart des cas, très différents du modèle de catéchisme supposé « standard » et renvoient fréquemment à un mélange de catholicisme, de déisme ou d'idées égalitaires inspirés des sans-culottes. La comparaison entre les catéchismes imprimés et les manuscrits nous donnent un aperçu de la manière dont les idéaux révolutionnaires ont été différemment reçus dans la France révolutionnaire. Elle nous indique également qu'il est difficile de parler d'une homologation officielle des idées, même pour l'an II et l'an III, notamment dans la province. Cela contredit donc l'idée reçue selon laquelle les catéchismes révolutionnaires seraient toujours, et par nature, dogmatiques et imposés. Les fluctuations du statut de la « demande » et de la « réponse » en sont un autre indice. Dans la plupart des cas, il n'est pas possible de savoir qui se cache derrière le « D. » de « demande » et le « R. » de « réponse ». Néanmoins, de nombreux catéchismes permettent d'étudier la mise en scène du rapport idéal entre l'autorité et l'individu qui se joue dans ces dialogues. Les deux personnages qui alternent dans le dialogue du catéchisme peuvent en effet être considérés comme des métaphores l'un de l'individu, en qualité de sujet, et l'autre du pouvoir, étatique, souverain ou ecclésiastique. Normalement, en suivant le modèle du catéchisme religieux traditionnel, l'enseignant/autorité interroge l'enfant/individu qui répond. Dans ce cas, où l'élève fournit une réponse apprise par cœur, on signifie une forme de pouvoir qui n'admet aucun dérapage par rapport à l’orthodoxie et instaure un rapport individu-pouvoir sur la base d'une obéissance aveugle à une croyance. Là où le dialogue se déroule en rôles inversés, lorsque l'élève pose des questions au maître, le rapport est certes toujours déséquilibré, mais il montre au moins un intérêt majeur pour la liberté d'expression individuelle, puisque la voix « d'en bas » peut s'exprimer librement – dans la fiction textuelle – en posant les questions stimulées par la curiosité. Dans ce second cas, on met en scène un rapport similaire à celui du père et du fils ou du bon maître avec l'élève diligent. Plusieurs catéchismes révolutionnaires montrent que la dynamique dialogique peut être renversée. L'enfant, ou celui qui ne sait pas mais qui veut et qui doit apprendre, est vu par les auteurs de ces livrets comme celui qui conduit la succession des questions, seulement dictées par sa conscience.

Le Catéchisme méthodique social et national de l'an II en est un exemple. L'auteur anonyme de ce manuscrit, suggère l'absurdité de vouloir représenter un enfant qui répond servilement aux questions de l'enseignant :

« Jay toujours vu avec surprise que dans la forme hordinaire des catechismes historiques, c'etoit l'eleve qui repondit aux questions les plus dificiles, qu'il avoit besoins d'apprendre lui-meme, il m'a parus bien plus naturel que cellui qui est censse ignorer une chose, la demande a cellui qui est fait pour l'enssaigner »(60).

Ainsi, vu de cette manière, lorsque les auteurs aperçoivent la nécessité de modifier les rapports de pouvoir, les catéchismes révolutionnaires me semblent, finalement, profondément révolutionnaires.

Brève histoire des catéchismes non religieux pendant le XIXe et le XXe siècle

Le catéchisme politique a été un outil largement employé pendant les Trois années révolutionnaires en Italie (1796-99), qui ont subi l'influence directe des événements révolutionnaires – ou s'inscrivent dans leur filiation –, pour lesquelles on compte une cinquantaine de textes publiés. On le retrouve également tout au long de la Guerre d'indépendance espagnole (1808-1814) où la nécessité d'un catéchisme civique a été établie dans la Constitution de Cadix (titre IX, art. 366) :

« Art. 366. En todos los pueblos de la Monarquía se establecerán escuelas de primeras letras, en las que se enseñará a los niños a leer, escribir y contar, y el catecismo de la religión católica, que comprenderá también una breve exposición de las obligaciones civiles »(61).

En Suisse, les patriotiques de Lausanne publient un Catéchisme de la Constitution helvétique (1798) et on réédite, en 1804 et en 1821, le catéchisme de Lachabeaussière sous le titre de Catéchisme vaudois, ou, Principes de philosophie, de morale et de politique républicaine.

Pour les territoires de l'Empire, nous disposons de la récente thèse d'Emilie Delivré sur les catéchismes politiques en langue Allemande (62). Pour les minorités confessionnelles, linguistiques ou culturelles, ces catéchismes permettent de renouer les liens traditionnels détruits par la modernité qu'incarnent les troupes françaises. Par ailleurs, certains groupuscules progressistes ont essayé, à l'aide des catéchismes, de transférer la loyauté et la sacralité sur les contenus et domaines non plus religieux mais moraux, juridictionnels ou politiques.

Concernant les États-Unis – pour lesquels il n'existe aucune étude sur les catéchismes – il est singulier qu'il n'y ait pas eu, à ma connaissance, de catéchismes politiques publiés pendant la Guerre d'Indépendance. En revanche, au XIXe siècle, il est possible d'identifier environ une cinquantaine de catéchismes politiques, dont six au moins imprimés pendant la Guerre civile. Cet élément pourrait être un indice du succès particulier de ce genre quand il est nécessaire de mobiliser ses partisans dans des contextes de conflit intérieur, ce qui est plus difficile que lorsque l'ennemi est seulement extérieur (63).

Dans la France du XIXe siècle, comme nous l'indique les travaux de Jean-Charles Buttier, on publie environ 200 catéchismes différents dont, probablement, les trois catéchismes de gauche les plus connus : le Catéchisme du prolétaire (1849) de Victor Tedesco issu du Manifesto ; le Catéchisme d'un révolutionnaire (1869) du radical russe Sergei Nechayev, qui a peut-être été écrit avec Bakounine ; et l'Essai de catéchisme socialiste (1878) de Jules Guesde, fondateur du parti ouvrier français.

Au XXe siècle, les catéchismes politiques (et généralement les séculiers) sont encore présents dans l'espace publique. The Candidates of Cain. A Catechism for the Constituencies, du journaliste William T. Stead, publié en 1900, en est un exemple (64).

De nos jours, il nous semble que le succès de ce genre n'est pas complètement achevé. Dans les dernières années, aux États-Unis et en Angleterre, on a publié des ouvrages tels The politics of immigration: questions and answers, et Islam: Questions and Answers (65), et le philosophe du droit Christoph Möllers a soutenu la publication d'un catéchisme politique d'intégration européenne :

« La Commission n’aurait-elle pas pu, dans une optique d’amélioration de l’intégration, rédiger un pamphlet théorique à la « Qu’est ce que le Tiers-Etat ? », qui aurait pris la forme d’un petit livret et aurait été distribué dans les écoles et les universités ? La Commission aurait ainsi jeté son dévolu sur un genre qui aurait alors efficacement répondu au besoin légitime – notamment au moment de l’introduction de l’Euro – d’un catéchisme politique de l’intégration européenne. Ce livre blanc aurait été l’occasion d’inventer une rhétorique politique de l’intégration » (66).

Le long parcours du catéchisme témoigne de sa longévité et de l'importance du genre dans l'histoire du monde occidental, même s'il n'est pas toujours facile de comprendre son succès jusqu'à nos jours. Comment, par exemple, appréhender la formation d'un standard de l'éducation qui passe à la fois par une éducation religieuse à la propagande et par la polémique politique ? Cela nous suggère que par certains aspects, les sociétés occidentales n'ont pas complètement séparé la propagande et l'éducation jusqu'au XXe siècle (on notera que cette catégorie de propagande peut être un moyen herméneutique utile pour comprendre le XVIIIe siècle, mais qu'il faut tenir compte du fait qu'à l'époque, ce que j'appelle propagande n'était pas perçue de la même manière qu'aujourd'hui). Pour cette raison, l'étude de l'usage du catéchisme séculier est une piste importante pour suivre le long processus de laïcisation de la société européenne, car il est le symbole du mélange entre le sacré et le profane au cours des deux derniers siècles. La question du catéchisme rassemble, donc, une multitude de problèmes fondamentaux de l'histoire des sociétés occidentales modernes et contemporaines.

Pour une conceptualisation plus riche du catéchisme politique sur la longue période, il pourrait être utile d’interpréter le genre comme une tentative de certains auteurs pour faire progresser une conception positive de la liberté, là où elle était considérée comme une participation active à la vie politique. Participer activement à la vie politique serait, en effet, l'une des fins ultimes de l'homme dans les théories se référant à l’aristotélisme politique. Selon ce schéma interprétatif, la vertu et le civisme seraient le groupe de connaissances centrales dans la société et, pour cette raison, aussi par le biais des catéchismes. Dans ce sens, tous les auteurs de catéchismes politiques font partie d'une tradition commune, qui, en sacrifiant les intérêts individuels pour ceux du groupe, s'oppose aux traditions du libéralisme économique et de l'individualisme (67).

Indications bibliographique

P. Beurdeley, Les catéchismes révolutionnaires (1893), Paris, 2006. Il s'agit d'un bref recueil et non pas d'un étude historique précis. L'auteur a le seul but d'indiquer comment les auteurs doivent rédiger les nouveaux manuels scolaires de la Troisième République.

Chassaing J.-F., « Les manuels de l'enseignement primaire de la révolution et les idées révolutionnaires », in J. Morange, J.-F. Chassaing, Le mouvement de réforme de l'enseignement en France (1760-1798), Paris, 1974, p. 97-193.

E. Kennedy, « The French revolutionary catechisms: ruptures and continuities with classical, Christian, and Enlightenment moralities », in Studies on Voltaire and the XVIII Century, Oxford, 1981, n° 199/23, p. 353-363.

L. Andries, J. Hébrard, Colporter la révolution, Montreuil, 1989.

J. Hébrard, M.-F. Levy, « La Révolution expliquée aux enfants: les catéchismes de l'an II », in L'enfant, la famille et la Révolution française, Paris, 1990, p. 171-192.

J.-C. Buttier, « De l’éducation civique à la formation politique. Les catéchismes politiques dans la France du long XIXe siècle », in La Révolution française, Les catéchismes républicains, mis en ligne le 13 novembre 2009, http://lrf.revues.org/index115.html.

J.-C. Buttier, « Bilan et perspectives du colloque », in La Révolution française, Les catéchismes républicains, mis en ligne le 13 novembre 2009, http://lrf.revues.org/index132.html.

A. Velicu, Civic Catechisms and Reason in the French Revolution, Farnham (EN)-Burlington (USA), 2010.

J.-C. Buttier, « Les trois vies du Catéchisme républicain, philosophique et moral de La Chabeaussière », in Annales Historiques de la Révolution Française, n. 364 (avr.-juin), a. 2011, p. 163-192.

J.-C. Buttier, Les catéchismes politiques français (1789-1914), thèse sous la direction de Jean-Clément Martin, Univ. Paris I, soutenue le 9 mars 2013, texte de soutenance publié sur Révolution Française.net, mis en ligne le 15 décembre 2013, Lire.

Notes

(1) Je remercie Yannick Bosc pour la révision soigneuse de mon article.

(2) Le terme « lexie » a été introduit par le linguiste français, Bernard Pottier, Systématique des éléments de relation, Étude de morphosyntaxe structurale romane, Paris, Klincksieck, 1962 ; Linguistique générale, théorie et description, Paris, Klincksieck, 1974. Il est utilisé pour indiquer « toute unité lexicale mémorisée en langue ». Son utilité et sa versatilité viennent du fait qu'il peut être utilisé soit pour définir un seul mot, soit pour indiquer un groupe des mots, s'il a unité de signification entre eux. Par exemple, le mot « droit » est une lexie, mais « droit de propriété » est une lexie également. Si « lexie » est utilisée par rapport à un seul mot, elle est une « lexie simple » ; deux mots associés forment une « lexie composée » (ex. contre-révolution, télévision). Enfin, s'il y a plusieurs mots qui déterminent une unité de sens, on utilise la formule « lexie complexe » (ex. liberté du peuple français). Selon le linguiste Jean Tournier (Précis de lexicologie anglaise, Paris, Nathan, 1991, p. 139) sont complexes aussi : « certaines expressions idiomatiques  ; certaines phrases complexes  ; et certaines citations . La citation de Tournier est tirée de C. Ahronian, Les noms composés anglais français et espagnols du domaine d'Internet, thèse en Lexicologie et Terminologie multilingues – Traduction, sous la direction d'H. Béjoint, Université de Lyon 2, soutenue le 9 déc. 2005.

(3) L. Guerci, Istruire nelle verità repubblicane. La letteratura politica per il popolo nell'Italia in rivoluzione (1796-1799), Bologna, Il Mulino, 1999, p. 82.

(4) Il s'agit de 16% du total dans mon corpus.

(5) Par exemple, des catéchismes longs et plutôt complexes sont le Catéchisme Universel (an VI) de Saint-Lambert (qui toutefois présente une partie, sous la forme de demande et réponse, qui doit être enseigné aux enfants), le Catéchisme du genre humain (1789) de Boissel et le Catéchisme de la nature (an II) de Blanchard. Le Catéchisme des Trois ordres, pour les assemblées d'élection (1789) de Huet de Froberville, par exemple, n'a pas la formule de demande/réponse.

(6) Cf. A. Velicu, Civic catechisms and Reason in the French Revolution, Farnham (EN)-Burlington (USA), Ashgate, 2010.

(7) F. Furet, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978.

(8) Cf. J. E. Rodriguez, The Divine Charter Constitutionalism and Liberalism in Nineteenth-Century Mexico, Lanham (MD), Rowman and Littlefield, 2005. L'emploi fréquent de l'anonymat est l'un des problèmes qui se posent à l'historien, qui doit évaluer au mieux ces ouvrages. Dans les recherches relatives à la Révolution, il a été possible d'attribuer le nom d'un auteur seulement dans 40% des cas, mais souvent les informations sur ces personnages sont très sommaires. Probablement, des recherches plus poussées (à faire dans les Archives Nationales (dorénavant AN) ou dans les archives locales) pourraient améliorer le panorama des informations sur les auteurs. En ce qui concerne la question des auteurs des catéchismes de la Révolution cf. Durruty, « Les auteurs des catéchismes révolutionnaires (1789-1799) », in Annales historiques de la Révolution française (dorénavant AHRF), n° 283, janv-mars 1991, pp. 1-18 ; J.-C. Buttier, « Les trois vies du Catéchisme républicain, philosophique et moral de La Chabeaussière », in AHRF, n° 364 (Avr.-Juin), 2011, pp. 164-192.

(9) A. Barnave, intervention lors de la séance à l'Assemblée Nationale du 1er août 1789, Gazette universelle, ou Le Moniteur universel du 31 Juillet – 1er Août 1789, n° 31, in Réimpression de l'Ancien Moniteur, Paris, Henri Plon, 39 voll., 1858-63, t. 1, p. 262. Je veux attirer l'attention sur le fait qu'il y a six textes qui, du 1789 – 91, sont intitulés « catéchisme national ».

(10) Plusieurs éditions du Dictionnaire de l'Académie française sont disponibles en ligne sur le site : URL : http://artfl.atilf.fr/dictionnaires/index.htm.

(11) Cette signification du catéchisme sera incluse dans le Dictionnaire de l'Académie française seulement en 1835, 6e édition.

(12) J.-L. Chappey, « Enjeux sociaux et politique de la « vulgarisation scientifique » en Révolution (1780-1810) », in AHRF, n° 338, 2004, p. 12.

(13) A. Sandrier, « Les catéchismes au temps des 'philosophes' », in Dix-huitième siècle, n° 39, 2007 (1), pp. 319-334, p. 333.

(14) Abbé Gallet, Eléments de la constitution françoise, Lyon, Grabit, 1791, p. VIII.

(15) Sur la diffusion de ces deux catéchismes nous n'avons pas que des données fiables. J'ai toutefois recensé au moins six éditions du catéchisme de Mirabeau et trois du catéchisme de la Feuille villageoise. Par ailleurs, il est intéressant de signaler que la Feuille avait atteint 15.000 abonnés.

(16) (Mirabeau), Catéchisme de la Constitution à l'usage des habitans de la campagne, (Paris), s. n., 1790, pp. 2-3, 13-14.

(17) Cathéchisme (sic) de la noblesse bretonne, à l'usage de ceux qui ne la connoissent pas, s. l., s. n., 1789, p. 1.

(18) Henry Parker est un parlementaire (parliamentarian) opposé à Charles I dans l'English Civil War. Auteur de plusieurs pamphlets, il a écrit 43 ouvrages entre 1638 et 1651. Son catéchisme s'inscrit dans le débat entre le roi et le Parlement du juin 1642. Le 1er juin, le Parlement envoie au roi (qui s'était éloigné de Londres pour atteindre le Nord) 19 propositions dans lesquelles il veut aboutir à un accord en redéfinissant le pouvoir du roi, de la Chambre des Lords et ceux de la House of Common (qui devrait obtenir plus de pouvoirs). Le 18 juin, le monarque répond, mais il le fait d'une manière peu claire : d'un côté, en effet, il insiste sur ses prérogatives d'origine divine, de l'autre, il indique que bien que le Parlement et le roi aient effectivement des fonctions différentes, cela ne sont pas en contradiction entre elles. C'est ce dernier point qui sera repris par Parker dans son pamphlet sous la forme de question/réponse.

(19) Cf. Heylyn, The rebells catechisme. Composed in an easy and familiar way ; to let them see, the hainousnesse, Oxford, s. n., 1643 ; Catéchisme royal, s. l., s. n., 1645 ; The Indipendent catechism, s. l., s. n., 1647 ; Ram, The souldiers catechism, s. l., s. n., s. d. ; A popish political catechism, s. l., s. n., 1685.

(20) Les Mazarinades sont des pamphlets écrits pendant la période de la Fronde contre le cardinal Mazarin. À ce propos, cf. C. Jouhaud, Mazarinades : la Fronde des mots, (1985), Paris, Aubier, 2009.

(21) M. Grimm, « Essai d'un catéchisme pour les enfants » (1755) in Correspondance littéraire, philosophique et critique par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc. revue sur les teste originaux comprenant outre ce qui a été publié à diverses époques, par M. Tourneux, 16 voll., 1877-1882, t. 2, p. 496 et suiv. ; Voltaire, Catéchisme de l'honnête homme ou Dialogue entre un caloyer et un homme de bien (1763) ; Idem, Catéchisme chinois, ou entretiens de Cu-Su, disciple de Confutzée, avec le prince Kou (1764) ; Idem, Catéchisme du curé (1764) ; Idem, Catéchisme du japonais (1764) ;Idem, Catéchisme du jardinier, ou entretien du Bacha Tuctan et du jardinier Karpos (1765) ; P. H. D. d'Holbach, Eléments de la morale universelle, ou Catéchisme de la nature (écrit en 1765 ; publié en 1790) ; C.-A. Helvétius, « Catéchisme moral », in De l'homme (1772). Presque contemporain et traitant lui aussi la morale naturelle, c'est le Catéchisme de l'homme social publié à Francfort et écrit en français par l'abbé Duval-Pyrau. Cet ouvrage est dédié à la tsarine Catherine II. Il y a la possibilité de retrouver quelques données sur les achats des copies de ce livre par le site Internet de l'Université de Leeds. URL: http://chop.leeds.ac.uk/stn/interface/browse.php?t=book.

(22) F.-M. Arouet, dit Voltaire, Œuvres de Voltaire, éditions Beuchot, 72 voll., Paris, 1831-1841, t. LXI, p. 20, lettre du 1er mai 1763 de Voltaire à Helvétius.

(23) P. et A. Verri, Voyage à Paris et à Londres, traduit par M. Baccelli, Paris, 2004, p. 115. D'Alembert n'a jamais accompli son projet de catéchisme. Cf. aussi J.-B. le Rond d'Alembert, Essai sur les éléments de philosophie, 1759 (j'ai tiré la citation de A. Sandrier, « Les catéchismes au temps des 'philosophes' », op. cit, p. 326) : « Nous sera-t-il permis de conclure ces éléments de morale par un souhait que l'amour du bien public nous inspire, et dont il serait à souhaiter qu'un citoyen philosophe jugeât l'exécution digne de lui ? Ce serait celle d'un catéchisme de morale à l'usage et à la portée des enfants. Peut-être n'y aurait-il pas de moyen plus efficace de multiplier dans la société les hommes vertueux; on apprendrait de bonne heure à l'être par principe; et l'on sait quelle est sur notre âme la force des vérités qu'on y a gravées dès l'enfance ».

(24) K. M. Baker (ed.), The French revolution and the creation of modern political culture, vol. 1, Oxford, Pergamon Press, 1987.

(25) Pour mieux comprendre les motivations qu'on poussé Saige à rédiger ce texte, cf. K. M. Baker, The French revolution, op. cit., p. 139-151.

(26) Toutefois, je ne crois pas que Saige ait lu le catéchisme de Parker.

(27) Je ne crois pas que le pamphlet de Sièyes, Qu'est-ce que le Tiers Etat, puisse être considéré, par sa structure, un catéchisme à part entière, d'abord pour le titre, mais aussi pour le fait de développer son propre argumentaire comme une réponse à quatre questions.

(28) F. Boissel, Catéchisme du genre humain, Paris, s. n., 1789, 1792.

(29) Par exemple, les journaux de Louis-François Dumont (alias Collignon-Dumont).

(30) Bien que la Constitution du 1791 décrète la création d'un système « d'instruction publique commun à tous les citoyens, gratuit à l'égard des parties d'enseignement indispensables à tous les hommes », une politique de scolarisation massive commence à être mise en œuvre seulement pendant la Convention. En brumaire an II (octobre 1793), divers décrets sur les écoles nationales, présentés par Romme au nom de la Commission d’éducation nationale, constituent pour la première fois une législation de l’instruction primaire. Peu après (le 29 frimaire an II : 19 décembre 1793), le plan Bouquier est adopté : il proclame la liberté d'enseignement, l'instruction gratuite et obligatoire, le payement des instituteurs par la République. Le programme de l’enseignement primaire est constitué par la lecture, l’écriture, et les premières règles de l’arithmétique. Sur le système scolaire et les livres élémentaires pendant la Révolution, cf. V. Pierre, L'école sous la Révolution française, Paris, Libr. de la Société bibliographique, 1881 ; C. Hippeau, L'instruction publique en France pendant la Révolution, Paris, Didier, 1881 ; G. Dumesnil, La pédagogie révolutionnaire, Paris, Delagrave, 1883 ; H. C. Barnard, Education and the French Revolution, Cambridge, Cambridge U. P., 1969 ; D. Julia, Les trois couleurs du tableau noir. La Révolution, Paris, Belin, 1981, p. 5-14 ; B. Baczko (éd.), Une éducation pour la démocratie. Textes et projets de l'époque révolutionnaire, Paris, Droz, 1982 ; D. Julia (éd.), H. Bertrand, S. Bonin, A. Laclau, Atlas de la Révolution française, 12 vol., vol. 2: L'enseignement. 1760-1815, Paris, EHESS, 1987 ; M. Manson, Les Livres pour l'enfance et la jeunesse sous la Révolution, Paris, Institut national de recherche pédagogique, 1989 ; « Les enfants de la patrie. Éducation et enseignement sous la Révolution française », in Histoire de l’Éducation, n. 42, mai 1989 ; H.-C. Harten, Elementarschule und Pädagogik in der Französischen Revolution, Munchen, Oldenbourg, 1990 ; M.-F. Lévy (éd.), L'enfant, la famille et la Révolution française, Paris, Olivier Orban, 1990 ; A. Choppin, Les manuels scolaires en France : de 1789 à nos jours, 8 vol., vol. 4 : Textes officiels : 1791-1992, Paris, INRP et Publications de la Sorbonne, 1993 ; R. Grevet et P. Marchand (éds.), « Les débuts de l'École républicaine (1792-1802). Actes du Colloque organisé par l'Ura CNRS 1020, Université de Lille III, 23-25 novembre 1995 », in Revue du Nord, vol. LXXVIII, n. 317, octobre-décembre 1996 ; R. Grevet, L’avènement de l'école contemporaine en France, 1789-1835, Lille, Septentrion, 2001 ; P. Brown, « Children of Revolution. The making of Young Citizens », in Modern & Contemporary France, vol. 14, mai 2006, p. 205-220.

(31) J. H. Campe, Eté 89. Lettres d'un Allemand à Paris, traduit par Jean Ruffet, Paris, éd. du May, 1989, p. 42.

(32) Dans sa vie Jean-Baptiste Regnault-Warin sera romancier, poète, dramaturge, publiciste. Ayant à peine 19 ans, il publie dans sa ville natale, Une bibliothèque du citoyen contenant un catéchisme civique (Bar-le-Duc, s. n., 1790). En mars 1793 il publie un autre catéchisme intitulé La Constitution française mise à la portée de tout le monde. La Préface d'Une bibliothèque du citoyen n'est pas numérotée.

(33) Nouveau Catéchisme du citoyen, s. l., s. n., s. d., p. 4.

(34) Catéchisme d'un peuple libre, Londres, s. n., 1789, p. 18.

(35) J.-M. Collot d'Herbois, Almanach du père Gérard, Paris, Boisson, 1791, p. 47-48.

(36) « Un député de l'Assemblée Nationale », Catéchisme des Aristocrates à l'usage de tous les gens sensés, (Paris), Imprimerie des Amis du Roi, 1791 (mars ?), p. 11-12.

(37) Pour ce qui concerne les auteurs, on ne peut pas nier qu'à Paris et à l'Est de la France (l'Alsace et la Lorraine) il y eut un nombre d'auteurs de catéchismes supérieur à la moyenne nationale. Dans le cas de Paris, cela est dû sûrement à son rôle exceptionnel de métropole culturelle et éditoriale, ainsi qu'à ma propre recherche qui s'est basée principalement sur la BNF. Néanmoins, pour ce qui concerne l'Est, je crois que l'influence du Protestantisme a été déterminante : d'un côté, pour avoir contribué à augmenter le taux moyen de scolarisation dans la population, de l'autre, pour avoir accoutumé le public – et les auteurs – au catéchisme en tant que genre littéraire, d'abord pour l'instruction des enfants, puis comme moyen de polémique religieuse et, successivement, politique. Pour le Sud de la France, on n'a pas encore de données très claires, mais on peut retrouver deux zones centrales pour la provenance des auteurs. Comme on peut l'envisager aisément, pour ce qui concerne les professions, le clergé joue un rôle fondamental dans la production des catéchismes, principalement pour ceux qui sont liés à la Constitution civile du clergé, mais aussi pour ce qui concerne les catéchismes didactiques rédigés par les membres du clergé qui s'occupaient déjà de la formation des enfants. Les cas de Auger et Hazard sont symptomatiques de cette tentative d'élaborer des formes de syncrétisme entre Révolution et Catholicisme ; intéressant aussi le cas de Bias-Parent – homme d'église qui a quitté l'habit pendant la Révolution, pour ses expérimentations visant à promouvoir de nouvelles formes de culte en l'an II. Aussi un bon nombre de professeurs se dédient à la rédaction de catéchismes. On y retrouve des professeurs de matières scientifiques ainsi que de littérature, bien que ce sont surtout ces derniers qui s'engagent dans des catéchismes traitant clairement des sujets de philosophie-politique-morale. Par rapport aux enseignants de l'école primaire, on retrouve seulement le cas de Bardon père "instituteur à Périgueux" ce qui semble nous indiquer clairement le faible poids de cette catégorie dans l'époque en question. Ensuite, nous avons aussi des représentants aux Assemblées nationales. Entre 1788 et l'an II, il est possible de repérer pour chaque année au moins un catéchisme écrit par quelqu'un qui est ou sera tôt ou tard député. De prime abord, ces textes semblent généralement moins polémiques et plutôt didactiques-institutionnels ou traitant des arguments philosophiques-moraux. Enfin, il y a les libraires qui, indépendamment de leurs opinions, s'engagent, commercialement, dans la vente des manuels scolaires, car ce sont des textes très rentables.

(38) Dans ses ouvrages il se nomme aussi « le lecteur des sans-culottes ». Pendant l'an III, il est accusé d'avoir imprimé un « pamphlet séditieux » et il est incarcéré. Cf. AN F/7/4651.

(39) Sur ce concours, cf. J.-F. Chassaing, Les manuels de l'enseignement primaire, op. cit., p. 110-113; H.-C. Harten, Les Écrits pédagogiques sous la Révolution. Répertoire établi par l'auteur avec la collaboration du Service d'Histoire de l'Éducation sous la direction d'Alain Choppin, Paris, 1989, p. 18 et suiv. Cf. aussi Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 131, 11 pluviôse an II (30 janvier 1794). On y rappelle que l'institution du « concours pour la composition des livres élémentaires destinés à l'enseignement national » est décrétée une première fois le 13 juin 1793 après une proposition de Lakanal. Toutefois, ce premier décret n'aura pas d'exécution.

(40) F. Furet, J. Ozouf, Lire et écrire: l'alphabétisation des français de Calvin à Jules Ferry, 2 voll., Paris, Les éditions de minuit, 1977. En 1877, l'ancien recteur de l'académie de Nancy, Maggiolo, dirige une enquête rétrospective sur l'alphabétisation des Français qui repose sur le révélé, opéré par 16.000 instituteurs bénévoles, des signatures au mariage pour quatre périodes quinquennales vraisemblablement lié à la vivacité des débats sur le rôle respectif de l'Ancien Régime et de la Révolution dans l’alphabétisation du peuple.

(41) Dans certains cas, ce sont les sociétés populaires qui accueillent, diffusent ou supportent la publication d'un catéchisme civile, comme pour le cas des Eléments d'instruction républicaine (1793) de la citoyenne Desmarets. Il arrive aussi que la lecture même des catéchismes ait lieu dans les sièges des sociétés populaires.

(42) Lettre par le citoyen Coucher (de Vannes dans le Morbihan) aux représentants du peuple qui composent le Comité d'Instruction Publique du 18 frimaire an II (8 décembre 1793). Cette lettre est conservée dans les AN, F/17/1007 (1288).

(43) Cf. Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 126, 6 pluviôse an II (24 janvier 1794).

(44) À propos de ce texte, cf. J.-C. Buttier, « Les trois vies du Catéchisme républicain », op. cit.

(45) Les deux catéchismes seront publiés le 20 floréal an II et le 20 thermidor an II.

(46) Il reste en prison pendant un mois.

(47) J.-C. Buttier (« Les trois vies du Catechisme républicain », op. cit.) affirme qu'il y eut 82 rééditions entre l'an II et 1893.

(48) À propos de la transmission des information à travers les chansons cf. R. Darnton, George Washington's False Teeth : An Unconventional Guide to the Eighteenth Century, New York, Norton. 2003.

(49) A.-E.-X. Poisson de Lachabeaussière, Catéchisme républicain philosophique et moral, Paris, Desenne, an II, pp. 3, 5.

(50) Thiébaut, Petit Catéchisme républicain, Nancy, Guivard, 20 floréal an II, pp. 11-12.

(51) Dans mes études sur la lexicographie, j'ai été influencé par l'Équipe « 18ème et révolution », Dictionnaire des usages socio-politiques (1770-1815), 8 fasc., 1985-2006.

(52) Cf. M. Marin, I catechismi rivoluzionari in lingua francese (1788-anno VIII), thèse en Histoire contemporaine, directrice A. M. Rao, tutor A. M. Rao, SUM (Istituto Italiano di Scienze Umane), a. a. 2011-2012.

(53) On signale qu'on peut observer la même évolution dans le langage de Robespierre.

(54) Mirabeau, Catéchisme de la Constitution, op. cit., pp. 1, 24.

(55) Petit cathéchisme, à l'usage des grands enfans, Paris, Gueffier, (1791 ?), p. 1.

(56) J.-R. Hébert, « Catéchisme du père Duchêne », in Idem, Le père Duchêne, n. 55, (29 mai 1791), p. 2.

(57) Plusieurs auteurs ont étudié le processus de sacralisation de la politique, en traitant non seulement les dictatures de droite et de gauche du XXe siècle, mais aussi des autres périodes historiques : C. J. H. Hayes, Nationalism : a religion, New York, The Macmillan Company, 1960 ; D. A. Apeter, « Political religion in the new nations », in C. Geertz (éd.), Old Society and New States. The Quest for Modernity in Asia and Africa, London, Free Press, 1963, pp. 57-103 ; J. L. Talmon, The Origins of Totalitarian Democracy, London, Secker & Warburg, 1952 ; Idem, Political Messianism. The Romantic Phase, London, Secker & Warburg, 1960; Idem, The Myth of the Nation and the Vision of Revolution, London, Secker & Warburg, 1980 ; J. H. Billington, Fire in the Minds of Men. Origins of the Revolutionary Faith, New York, Basic Books, 1980. En particulier, E. Gentile (Politics as religion (2001), Princeton (NJ), Princeton University Press, 2006) interprète la Fête de la fédération du 1790 comme un exemple de tentative de créer un culte civique pendant la Révolution française. À propos des cultes révolutionnaires, cf. A. Aulard, Le culte de la Raison et de l’Être suprême (1793-1794), Paris, Félix Alcan, 1892 ; A. Mathiez, La Théophilanthropie et le culte décadaire, 1796-1801 ;essai sur l'histoire religieuse de la Révolution, Paris, Félix Alcan, 1904 ; Idem, Les origines des cultes révolutionnaires, Paris, Société nouvelle de librairie et d'édition, 1904 ; M. Ozouf, « Religion révolutionnaire », in F. Furet, M. Ozouf (éds.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988 ; Idem, La Fête révolutionnaire 1789-1799, Paris, Gallimard, 1976 ; S. Bianchi, « Cultes révolutionnaires », in A. Soboul (ed.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989, pp. 312-315. On souligne enfin que Michelet et Tocqueville étaient persuadés du caractère sacre que la Révolution avait dans les opinions de plusieurs personnes. Cf. J. Michelet, Histoire de la Révolution française, Paris, Chamerot, 1847-1853 ; A. de Tocqueville, L'ancien régime et la Révolution, Paris, Michel Lévy frères, 1856.

(58) Les fêtes décadaires sont traitées dans certains catéchismes.

(59) Cf. J.-J. Rousseau, Du contrat social, Amsterdam, Marc Michel Rey, 1762, pp. 309-310 : «  (la religion civile) réunit le culte divin & l’amour des loix, & (...) faisant de la patrie l’objet de l’adoration des Citoyens, elle leur apprend que servir l’Etat c’est en servir le Dieu tutelaire. C’est une espece de Théocratie, dans laquelle on ne doit point avoir d’autre pontife que le Prince, ni d’autres prêtres que les magistrats. Alors mourir pour son pays c’est aller au martire, violer les loix c’est être impie, & soumettre un coupable à l’exécration publique c’est le dévouer au courroux des Dieux ; sacer estod ». L'édition digitale du Contrat social est disponible sur le site internet Wikisource.org. Je souligne aussi qu'il y a trois occurrences de la lexie « religion civile » dans les catéchismes : Instructions élémentaires sur la morale républicaine, (Prairial an II), p. 31 (manuscrit conservé dans AN F/17/11648) ; Nouveau catéchisme républicain, Paris, Prévost, (frimaire) an II, p. 57 ; N. Prévost, Petit catéchisme historique en abrégé, Paris, Impr. de la liberté, an II, p. 21. Ces deux derniers textes citent une phrase tirée de La Feuille villageoise, n. 4, du 22 octobre 1790, p. 57 : « La loi, faite par le corps législatif, et sanctionnée par le peuple souverain, est une sorte de religion civile qui doit lier tout les cœurs et tous les bras, et le nom seul de la loi doit tenir lieu de fusils et de bayonnettes ».

(60) Catéchisme méthodique, social et national, an II, p. 2. Ce texte est conservé dans les AN, F/17/11648.

(61) La Constitution du 1812 est en-ligne sur le site de Wikisource. Cf., à ce propos, J.-R. Aymes, « Catéchismes français de la Révolution et catéchismes espagnols de la Guerre d’Indépendance », in La Révolution française, Les catéchismes républicains, mis en ligne le 16 novembre 2009. URL: http://lrf.revues.org/index117.html. Pour ce qui concerne les catéchismes séculaires espagnols, cf. aussi M. Morales Muñoz, « Las enseñanzas de la virtud : reglas cívico-morales en los catecismos del siglo XIX », in Les traites de savoir-vivre en Espagne & au Portugal du Moyen age à nos jours, présentation de Rose Duroux, Clermont-Ferrand, Publications de la Faculté des Lettres de l'Univ. Blaise-Pascal, 1995, p. 277-286.

(62) E. Delivré, « Le catéchisme politique en révolution. 1848-49, entre politisation fondamentale et croyance politique », in E. Delivré, J.-C. Buttier (éds), Les catéchismes républicains, in La Révolution française, Les catéchismes républicains, mis en ligne le 13 novembre 2009, URL: http://lrf.revues.org/index107.html ; Idem, Le catéchisme politique allemand de 1780 à 1850 : un prêche sur l'autel de la modernité, Thèse d'Histoire et de Civilisation rédigée sous la direction de Heinz-Gerhard Haupt et soutenue en juin 2010 à l'EUI (European University Institute of Florence).

(63) Je suis en train d'approfondir mes recherches à propos des catéchismes séculiers américains.

(64) Je n'ai pas de données précises sur les catéchismes séculiers pendant le XXe siècle. En tout cas, il semble que leurs publications et diffusions sont beaucoup moins fortes.

(65) J. Guskin, D. L. Wilson, The politics of immigration: questions and answers, Washington, Library of Congress, 2007 ; M. Saed Abdul-Rahman, Islam : Questions and Answers, London, 2007. Je signale aussi que Mordecai Richler – dans son œuvre Barney's version – évoque un petit livre écrit par Richard Gersteel intitulé How to survive an atomic bomb (1950). Ce même « catéchisme » est recensé dans le n. 2 du Bulletin of the Atomic scientists (Nov. 1950).

(66) Christoph Möllers, « Policy, Politics oder Politische Theorie? », in Mounstain or Molehill. A critical Appraisal of the Commission White Paper on Governance, « Jean Monnet Working Paper », numéro 6/01, Bruxelles, 2001, tiré par E. Delivre, « Introduction », in La Révolution française, Les catéchismes républicains, mis en ligne le 18 novembre 2009. URL : http://lrf.revues.org/index143.html.

(67) Je pense qu'il n'est pas inintéressant rappeler que le fameux économiste libéral Jean-Baptiste Say a écrit un Catéchisme d'économie politique (1815) à question/réponse.