Le 23 août 1794, la remise solennelle des lettres de créance d’Étienne-Salomon Reybaz a ranimé au sein de la Convention le projet d’honorer les cendres de Rousseau en les portant au Panthéon (1) . Lors de cette même séance, le président Jean Debry déclare au ministre genevois, au milieu des applaudissements enthousiastes, que le drapeau genevois se joindra désormais à ceux de la France et des États-Unis pour dessiner le « faisceau de la foudre » dirigée contre les trônes. Genève prend ainsi place parmi les nations républicaines ouvrant la première époque du nouvel ordre international conforme aux principes de liberté et d’égalité que la Révolution a proclamés. Sa souveraineté et son indépendance sont reconnues ; elle semble protégée des menaces d’annexion, récurrentes depuis l’automne 1792. Le don du drapeau genevois, que la Convention décrète formellement ce jour-là, encourage Reybaz à profiter de l’embellie thermidorienne pour faire coudre au plus vite la bannière aux couleurs de sa patrie, traversée des mots République de Genève brodés en lettres d’or, le drapeau fixé à une lance dorée et cravatée (2) . Le 8 septembre, les inspecteurs de la salle de la Convention déposent le drapeau genevois entre les mains du président qui précise aussitôt que « si l’orgueil et la vanité dirigeaient l’étiquette formulaire des cours royales, l’amitié, la loyauté et la franchise formaient les éléments de celle des Républiques (3) ». Les conventionnels décrètent aussitôt que l’étendard de Genève flottera dans la salle des séances avec les drapeaux français et américain (4) .

Une cérémonie analogue se déroule trois jours plus tard durant laquelle un vétéran de la guerre d’Indépendance remet au président de la Convention la bannière étoilée avec une lettre fraternelle de James Monroe, l’envoyé américain en France (5) . La concordance chronologique des deux cérémonies ne tient évidemment pas du hasard et révèle les effets mimétiques qu’implique l’échange des drapeaux. Dans une lettre non datée, mais conservée au milieu des rapports sur le cérémonial des drapeaux à la Convention, Reybaz rend compte d’un dîner chez James Monroe qui réunit les ministres étrangers encore présents à Paris. Reybaz en profite pour informer le plénipotentiaire américain que les autorités constituées de Genève ont elles aussi associé fraternellement les drapeaux des trois Républiques dans l’Hôtel de ville (6) .

Selon la dynamique de circulation réciproque du don amical, les conventionnels envoient en retour le drapeau tricolore aux États-Unis, le 18 novembre suivant (7) . Mais les Genevois patienteront jusqu’au 14 janvier 1796 pour recevoir eux aussi ce qui sera devenu entre temps moins la réversion d’un don antécédent qu’une grâce équivoque (8) . L’ampleur de l’intervalle temporel entre le don et son retour brouille tout à la fois la fiction du don gratuit et le jeu de la réciprocité entre don et contre-don (9) . Le sens du don tardif du drapeau français, détaché de la prestation initiale, est réactualisé selon des considérations qui jouent en défaveur de la République genevoise. L’économie du don glisse ici des formes symboliques de l’alliance républicaine aux rivalités traditionnelles de puissance entre les États, se conformant aux lignes de partage idéologique que la Révolution a produites. La modification rapide du sens accordé aux dons des drapeaux genevois et français rappelle ici la mise en garde de Balzac à « ceux qui lisent aujourd’hui des histoires de la Révolution française (…) : l’Histoire vieillissait promptement (10) ». La volonté commune des élites politiques françaises et genevoises, dès l’automne 1794, de mettre un terme à la Révolution pour stabiliser les régimes constitutionnels respectifs concourt à la mutabilité de la signification accordée à l’échange des drapeaux. Aux motifs de la fraternité révolutionnaire succède l’aspiration à la création d’une société républicaine des peuples libres comme nouveau paradigme de l’ordre international. Pourtant, lorsque la première coalition se disloque à la suite des traités de Bâle, dès le printemps 1795, la question de l’identité de la République française se résout moins par la constitution d’un ordre international républicain que par la mise en place des conditions de son insertion au sein de l’ordre européen traditionnel afin de restaurer la préséance historique de la France (11) . La nature des relations franco-genevoises est à nouveau en jeu sur le registre de la fragilisation de la souveraine indépendance de la République de Genève. C’est pourquoi, au nom de la distinction entre la fraternité républicaine et les règles d’organisation du système international, quelques magistrats genevois se soucient, dès 1794, de ranimer l’ancienne alliance helvétique comme l’alternative nécessaire au bilatéralisme exclusif. Il s’agit dès lors de repérer trois thématiques qui conforment les discours et les comportements à l’occasion de l’échange des drapeaux : la fraternité révolutionnaire, l’aspiration au front républicain et la volonté de restaurer les alliances traditionnelles dans un ordre européen où la Grande Nation coexiste avec la société des princes. Il est possible de les mesurer en observant de quelle manière le drapeau français est reçu dans la République genevoise après avoir brièvement rappelé le contexte politique qui y prévaut alors.

À Genève, depuis les journées des 18 et 19 juillet 1794, le mouvement insurrectionnel vise dans un premier temps les résistances de l’ancienne oligarchie avant de se retourner, dès le 23 août, contre la minorité des Montagnards genevois, dénoncés comme des anarchistes aspirant à la réunion avec la France. Les autorités constitutionnelles, dont le Conseil administratif, sont maintenues, mais le Tribunal et la Commission révolutionnaires coordonnent l’insurrection, aux dépens du Comité central des clubs. Jusqu’au début de l’automne, le gouvernement constitutionnel représenté par le Conseil administratif doit donc composer avec des institutions concurrentes dans un climat de vives tensions qui ne s’apaise que très lentement (12). Dès la nouvelle de la réception prochaine de Reybaz à la Convention nationale pour y présenter ses lettres de créance, la question cérémonielle des drapeaux ravive les divisions. Le 20 août 1794, sur proposition d’Isaac Bourdillon-Diedey, le Tribunal révolutionnaire fait savoir au Conseil administratif que, par égard pour ce qui se fera à la Convention, il est indispensable d’arborer les drapeaux français, genevois et américain au-dessus de la porte de l’Hôtel de ville. Mais il faut également y joindre les bannières des alliés de Zurich et de Berne qui se sont résolus à reconnaître le nouveau gouvernement de la République (13).

Si le Conseil approuve la réquisition du Tribunal révolutionnaire, il décide néanmoins de la soumettre à la Commission révolutionnaire, « organe suprême de l’insurrection (14) » avant qu’elle ne s’érige en second Tribunal révolutionnaire, le 23 août, pour frapper à la tête le mouvement montagnard. Or la Commission déplore le jour même le choix des drapeaux suisses. Elle leur préfère ceux de la France et des États-Unis en vertu de la « fraternité des principes qui doit unir les trois nations, et exclure toute adjonction qui ne serait fondée que sur des rapports purement diplomatiques (15) ». Elle reconduit ainsi la signification première du décorum prévu dans la salle de la Convention nationale.

Au début de l’année suivante, c’est au tour du Comité diplomatique de défendre l’alliance exclusive avec la France. Esaïe Gasc en fait rapport au Conseil, en février 1795, exposant la position critique dans laquelle se trouvait Genève alors que la République française se préparait à contracter des traités avec une partie des puissances européennes (16) . Gasc encourage le gouvernement à défendre une stratégie d’insertion de la République dans les futurs traités en tant qu’État allié de la France. Selon le Comité diplomatique, le danger pour l’indépendance de Genève provient beaucoup moins des prétendus appétits annexionnistes de la France que des puissances coalisées et de la Suisse. Le nouveau régime genevois est la conséquence d’une révolution détestée partout ailleurs qu’à Paris. Pire, durant tout le siècle Genève a donné l’exemple de l’agitation politique, elle est le berceau de Rousseau et celui de Clavière. Quant à ceux qui tournent leur regard vers Zurich et Berne dans l’idée de renouer avec les anciennes alliances, ils sous-estiment la gravité du mécontentement helvétique à l’encontre de la Révolution genevoise. Il faudra bien plus qu’une timide reprise des relations officielles pour le dissiper. En clair, pour le Comité diplomatique, « tous (les) efforts devaient se diriger du côté de la République française », réitérant le motif de l’alliance républicaine dirigée contre la coalition des rois soutenue par les cantons suisses.

Les clubs révolutionnaires interviennent à leur tour dans le débat sur l’usage cérémoniel des drapeaux à travers lequel les différents acteurs de la scène politique genevoise évaluent leurs forces respectives. Le club de l’Égalité prend position le premier en soutenant la décision de Bourdillon et du Conseil administratif de déployer les drapeaux de Zurich et de Berne de concert avec ceux de la République française et des États-Unis. Deux de ses membres, Bénédict Humbert et Alphonse Voullaire, sont députés auprès de la Commission révolutionnaire sans cependant parvenir à emporter une décision favorable (17) . C’est ainsi que la cérémonie de remise des lettres de créance de Pierre-Auguste Adet à l’Hôtel de ville, le 22 septembre, se déroule sous les seuls drapeaux des trois Républiques genevoise, française et américaine. Encouragé par cette première victoire symbolique, le courant le plus radical des clubs demande au gouvernement que « lors du transport au temple des lois (Saint-Pierre) des drapeaux qui flottent à la Maison commune, le drapeau français soit porté par Henri Marat, frère du célèbre Marat mort à Paris, en considération de son nom cher aux Français (18) ». Pour les membres du Conseil administratif, occupés à dissiper la rumeur toujours renaissante dans la France thermidorienne qui fait de Marat un citoyen natif de Genève, la doléance du Comité central des clubs dépasse de loin l’acceptable. Elle est recouverte d’un silence à la fois prudent et temporisateur tandis qu’à Paris Reybaz est chargé de « désabuser le public » sur l’origine prétendument genevoise de Marat (19) . Après la publication de la cérémonie de présentation du drapeau genevois à la Convention, les témoignages auprès du Conseil administratif affluent de toute la France, comme celui de la société populaire de la « commune montagnarde » de Lorient (20). Son président exprime au gouvernement de Genève la « vive satisfaction » de tous les membres de la société lorsqu’ils ont appris la façon dont s’est déroulée l’audience de Reybaz à Paris, suivie du don de la bannière genevoise. Ils ont décidé que la salle de leurs séances sera désormais ornée de la même manière, répliquant un geste suffisamment consensuel pour satisfaire des interprétations idéologiques divergentes. Horizon d’attente d’une révolution universelle au nom de la fraternité cosmopolitique ou achèvement de cette même révolution dans la stabilisation d’États républicains conservateurs des droits nouveaux : l’une et l’autre conception coexistent au cœur de ce chassé-croisé de drapeaux donnés et rendus entre Paris, Genève et les États-Unis.

La position des représentants diplomatiques français à Genève est, dans un premier temps, au diapason de l’enthousiasme fraternel de rigueur lors de la première audience de Reybaz à la Convention. Lorsque Félix Desportes succède à Pierre-Auguste Adet, en décembre 1794, le Conseil administratif prévoit de coupler l’audience du nouveau ministre public avec la cérémonie de remise du drapeau tricolore qu’il devait amener avec lui.

Pour contrer la revendication de certains clubs révolutionnaires genevois au sujet du rôle éminent qu’ils souhaitent attribuer au frère de Marat, il est décidé qu’à l’issue de la première audience de Desportes, un ancien militaire ou un officier français en fonction porterait solennellement le drapeau tricolore de l’Hôtel de ville au temple de Saint-Pierre (21). Signe du reflux des institutions issues des mouvements insurrectionnels des mois passés et de la prépondérance au sein des autorités constituées d’un courant favorable à la réhabilitation du bilatéralisme multiple, le gouvernement genevois arrête que lors de la cérémonie des citoyens genevois brandiraient leur propre drapeau avec ceux de Zurich, de Berne et des États-Unis. Il est encore précisé que la bannière tricolore sera disposée dans le temple à la droite du syndic – la place d’honneur –, tandis que les autres drapeaux étrangers occuperont sa gauche (22). Il est finalement entendu que, selon l’intention de Desportes, cette cérémonie en deux temps (première audience et remise de l’étendard) n’aurait lieu qu’à la réception du drapeau français officiellement offert à la République de Genève.

Loin de prendre ombrage de la cohabitation symbolique de la bannière tricolore avec les drapeaux suisses et américain, Desportes rend compte au Comité de salut public de l’impatience du peuple genevois à voir flotter dans ses murs le « drapeau national de la Grande République (23) ». Mieux encore, puisque cet échange a eu lieu avec les États-Unis, le gouvernement français démontrera publiquement à quel point le « puissant et le faible sont (…) dans une balance égale », avant de conclure que « cette juste réparation (des) dons va prouver à l’univers que la nation française sait honorer partout l’indépendance et l’amour de l’égalité ». À l’opposé de l’étiquette de la distinction hiérarchique propre à la diplomatie des rois, la jeune République dévoile sa puissance nouvelle lorsqu’elle renonce à l’utiliser, même de façon symbolique, contre des peuples libres. Il n’existe ni faible ni fort dans l’ordre égalitaire républicain, mais seulement des peuples fraternels réunis dans un nouveau système international.

Cette conception optimiste des relations politiques entre le nain et le géant s’essouffle pourtant en moins de deux mois, laissant en ruine le souvenir du généreux élan qui avait animé les séances de la Convention, les 23 août et 8 septembre 1794. Plusieurs raisons concourent à cette dégradation. Certaines relèvent de maladresses et de malentendus, d’autres apparaissent plutôt comme l’effet du changement de perception du rôle européen de la France, entre les premières négociations des traités de Bâle et les débuts de la campagne d’Italie.

Les maladresses, d’abord. La décision de Félix Desportes de suspendre sa cérémonie d’accréditation tant que le drapeau n’est pas arrivé à Genève suscite la sévère désapprobation du Comité de salut public thermidorien (24) . Il est ordonné au diplomate qu’il se fasse reconnaître au plus vite selon les formes admises de l’audience officielle pour la présentation des lettres de créance. Quant au drapeau, le Comité assure qu’il proposera bientôt à la Convention d’en décréter l’envoi, toujours soucieux d’offrir le gage de l’union entre les deux Républiques.

Malgré les démarches répétées du Conseil administratif et contre les ordres formels que lui a adressé le Comité de salut public, Desportes refuse de se prêter à une cérémonie publique d’accréditation. Fin février 1795, le résident rétorque à l’impatience du syndic Esaïe Gasc qu’il considérait ses lettres de créance comme déjà présentées lorsqu’il en avait donné la « communication particulière » au syndic Janot en décidant avec lui que l’audience solennelle serait ajournée jusqu’à la cérémonie de remise du drapeau français (25). À cette occasion, il n’hésite pas à mentir aussi bien aux conseillers genevois qu’à ses propres supérieurs. Aux premiers, il affirme que le Comité de salut public est informé que la présentation des lettres de créance a eu lieu sans cérémonie. Aux seconds, il jure que les syndics eux-mêmes ont renoncé à la pompe d’une accréditation publique pour éviter les dépenses excessives auxquelles ils auraient dû consentir une fois encore à l’arrivée du drapeau tricolore (26). Désespérant de ne jamais pouvoir coupler en une seule cérémonie la lecture des lettres de créance de Desportes et la remise du drapeau français, le Conseil administratif chargera Zacharie-Henri Des Gouttes d’inviter le résident à un « repas d’étiquette » en guise d’accréditation informelle, fixé au 27 mars 1795 (27).

L’amour-propre du résident n’est pas la seule cause de la difficulté que les Genevois éprouvent à recevoir le drapeau français en signe de réciprocité. Les dépêches de Desportes au Comité de salut public témoignent de la détérioration progressive des relations entre les deux Républiques. En janvier 1795, Desportes salue l’élection des nouveaux syndics. Il y reconnaît des hommes méritants, fidèles aux « principes démocratiques, dégagés de toute effervescence incendiaire (28) », avec lesquels l’idéal de la concorde thermidorienne semble essaimer jusque sur les rives du Léman.

Pourtant, moins d’un mois plus tard, les considérations de Desportes sur cet « intéressant satellite démocratique (29) » que constitue la République de Genève rejoignent les conceptions de ses prédécesseurs sur l’esprit de faction caractérisant un peuple ingouvernable. Desportes déplore avant tout la fierté retrouvée des aristocrates genevois et de leurs affidés – les « englués » – réclamant le retour des exilés de 1792 dans l’espoir qu’ils sortent Genève de sa léthargie économique. Le gouvernement est dépourvu de l’énergie nécessaire à la direction des événements et des hommes. Tandis que les « pamphlets, les écrits anonymes inondent la République (…), les personnalités les plus vives et souvent les plus indécentes attaquent les nouveaux magistrats : et le gouvernement, trop faible ou sans courage, ne satisfait ou ne punit personne (30) ». L’incessant affrontement des factions et l’irrésolution des autorités participent à l’élévation de Desportes au rang d’arbitre, appelant les uns et les autres à méditer la « grande leçon de modération et de douceur que la Convention nationale et le peuple français donnent en cet instant à l’univers (31) ».

Si Desportes assure qu’il soutient dans ces conditions difficiles le gouvernement certes anémié, mais démocratique, il se garde bien de dévoiler à ses supérieurs les relations intimes qu’il entretient avec certains des « aristocrates » les plus notés. Entre février 1795 et septembre 1796, il adresse notamment une série de lettres à François Tronchin, emplies d’une affection presque filiale. Il a déjà quitté la résidence de France pour se rapprocher de son correspondant, en emménageant près des Délices au milieu des meubles que lui a prêté Jean-Armand Tronchin qu’il qualifie de « digne et tendre ami (32) ». Dans un échange épistolaire où se distingue la sensibilité la plus chaleureuse, Desportes consacre François Tronchin comme son « cher papa », « l’homme unique, l’homme incomparable (33) » ! Comment penser que l’influence politique soit toujours étrangère à une telle réunion de cœur, notamment après avoir constaté avec quelle étonnante rapidité le gouvernement genevois est discrédité aux yeux de Desportes ?

Dans ces circonstances, le résident espère que l’arrivée prochaine du drapeau français fortifiera les autorités constituées de Genève, mais si, contre toute attente, « cette peuplade doit toujours être ergoteuse et inquiète, au moins elle se contraindra par respect pour ce signe éclatant de nos victoires et de notre union (34) ». Gouvernement faible par nature, peuple de raisonneurs orgueilleux : la fraternité républicaine de la fin de l’été 1794 cède le pas à la réappropriation des anciens motifs de l’antirépublicanisme classique, restaurant la distance incommensurable qui sépare la France directoriale de la République de Genève. Le don rétablit la distinction entre le puissant et le faible, au mieux sur le registre de l’exemplarité politique de la France thermidorienne qu’il s’agit d’imiter ; au pire, comme le symbole du pouvoir de contrainte d’une nation que le résident caractérise selon ses capacités militaires à vaincre les États coalisés contre elle. Pour Desportes, le don du drapeau n’est plus entendu comme la fiction d’un don inconditionné et volontaire en guise d’alliance. Sans cesse promis, mais toujours repoussé, il devient l’objet des sollicitations répétées du gouvernement genevois. Ces démarches multipliées inversent la logique de l’endettement qui fait habituellement du récipiendaire l’obligé du donateur : la sollicitation place désormais les autorités de Genève dans le rôle de celui qui aspire non pas à un dû, mais à une grâce.

Les réflexions du résident Desportes sur les relations économiques entre les deux Républiques, qui datent du même mois de février 1795, prennent alors une dimension politique très particulière. S’opposant aux nombreux obstacles administratifs qui entravent depuis de longs mois la circulation des marchandises aux frontières, Desportes dénonce dans un plaidoyer en faveur de la concurrence l’erreur consistant à empêcher la prospérité économique des Genevois. Le libéralisme de Desportes sert pourtant bien l’intérêt politique de la Grande Nation : « Peut-être un jour la sagesse et la douceur de notre gouvernement porteront-elles les Genevois, fatigués de leurs dissensions intestines, à nous supplier eux-mêmes de les incorporer à notre auguste République. Nous gémirions alors d’avoir étouffé un commerce, d’avoir détruit une banque, d’avoir ruiné des manufactures qui nous sont dès aujourd’hui très utiles, et qui peuvent avec le temps nous devenir, pour ainsi dire, personnelles (35) . »

Il est difficile d’exprimer plus clairement le retour en force des aspirations annexionnistes que la chute du résident Soulavie, promoteur d’une grande République universelle et montagnarde, plus proche de l’idéal de Cloots que de celui de Robespierre, avait entraînées un temps avec lui. Ces réflexions donnent à l’échange des drapeaux une importance bien plus grave que ne le laisserait supposer de prime abord un contentieux apparemment de pure forme cérémonielle. L’attente sans cesse reconduite de l’arrivée du drapeau français équivaut à une rupture de réciprocité qui engage le statut même de la République genevoise en tant qu’État souverain et indépendant. Le contexte de grande précarité juridique de Genève, alors que le droit public européen est en cours de reconfiguration, rend les acteurs très sensibles aux significations symboliques du cérémonial diplomatique. C’est enfin l’incapacité supposée des Genevois à faire leur propre Thermidor qui les condamne à chercher hors d’eux-mêmes le repos indispensable à leur salut. Aux yeux du résident, la Révolution genevoise perd sa spécificité politique et idéologique pour se fondre dans l’histoire séculaire des « dissensions intestines » de la petite République, État archaïque et désordonné, inapte à la « sagesse » et à la « douceur » dont ferait preuve la République sans Révolution qu’est devenue la France.

C’est pourtant Desportes, rappelé à Paris en octobre 1795, que le Directoire exécutif nouvellement élu désigne pour s’assurer de la confection du drapeau destiné aux autorités genevoises (36) . Son successeur, Louis-Pierre-Pantaléon Resnier, est chargé de négocier avec le gouvernement de Genève les modalités protocolaires de la remise du drapeau (37) . Or Resnier va user à cette occasion d’un ton de sévérité humiliant pour ses interlocuteurs, dû en partie à des circonstances étrangères aux seules dispositions des autorités genevoises, mais confirmant une représentation très abîmée de la République lémanique. Début janvier 1796, le nouveau ministre des Relations extérieures, Charles-François Delacroix, adresse à Resnier une dépêche alarmiste (38) . Il y dénonce l’activité des émigrés genevois, parmi lesquels l’ancien syndic Pierre-André Rigaud, rassemblés à Berne, dès 1794, autour du ministre britannique William Wickham. Ce dernier, cousin par alliance de Rigaud, est la bête noire de la diplomatie française qui redoute la constitution d’un réseau d’espionnage et de levées de fonds destiné à insurger Lyon et l’Est de la France (39) . Arrivé à Genève en 1782 pour y suivre des études en droit, Wickham est étroitement apparenté aux principales familles de l’ancienne oligarchie genevoise, dont les membres ont généralement fui la République entre l’hiver 1793 et l’été 1794 (1794) . Isaac Pictet, son beau-frère, assure à ses côtés la communication avec la cour de Turin, doublant ainsi les relations qu’entretient Wickham avec son collègue John Trevor. Si les émigrés genevois soutiennent l’action de Wickham, c’est surtout dans l’espoir qu’il appuie en retour leur volonté d’intégrer Genève dans le Corps helvétique pour la soustraire définitivement à l’influence hégémonique de la France.

Delacroix regrette ces machinations et invite Resnier à faire entendre aux magistrats actuels de la République qu’ils doivent se garder de suivre l’exemple des émigrés. Livrer Genève à la Suisse, c’est en faire une place d’armes contre la France. Le projet de cantonnement insulterait les « rapports intimes qui, par l’identité des principes, unissent aujourd’hui les deux Républiques et assurent à la plus faible la protection et la constante fraternité de la plus puissante (41) ». Il appartient enfin à l’envoyé extraordinaire d’utiliser les moyens les mieux adaptés pour faire sentir aux magistrats genevois à quel point le moindre rapprochement avec le Corps helvétique, dont la neutralité proclamée ne trompe personne à Paris, est au désavantage de Genève. Il s’agit donc de choisir « entre l’amitié de la République française et celle des Suisses (42) ». Il est difficile de se prononcer plus clairement contre la stratégie genevoise de bilatéralisme multiple à laquelle renvoie la mise en scène des drapeaux suisses, français et américain.

C’est pourquoi Resnier décide d’entourer la remise du drapeau tricolore de « tout l’éclat convenable à la dignité de la République française (…), rien ne (lui) paraissant plus propre à décourager l’aristocratie, à arrêter le Conseil, à refroidir les cantons suisses et à réveiller l’énergie des patriotes (43) ». L’envoyé extraordinaire exige du Conseil que le drapeau soit reçu avec la même pompe que pour la remise de ses lettres de créance, dans une cérémonie solennelle au temple de Saint-Pierre au son de vingt et un coups de canon. Resnier conteste la moindre parité dans la présentation des deux drapeaux. Celui de Genève a été offert à la Convention comme une « attention honnête, mais non marquante », alors que le drapeau tricolore a été sollicité par les autorités constitutionnelles de la petite République comme un « présent d’alliance et d’amitié ».

L’envoyé n’éprouve aucun scrupule à renverser le paradigme anthropomorphique de Vattel lorsqu’il étend l’« inégalité qui résulte des différences de stature entre les individus (…) aux différences qui existent entre les États relativement à leurs étendues respectives (44) ». Un nain n’est pas un géant. Le premier doit au second le surplus de respect qui marque toute la distance séparant la faiblesse de la force. De même, un petit État, poussière de souveraineté sur la frontière française, n’a pas la même qualité géopolitique qu’une puissance en passe de surmonter l’incroyable coalition de l’Europe. La similitude des principes politiques hérités d’une commune expérience révolutionnaire, à commencer par l’égalité, est renvoyée au statut de hochet rhétorique. Au tournant de 1796, à la diplomatie française de la faiblesse (l’alliance des Républiques et des neutres) succède la diplomatie nationale de la force. Le projet cosmopolitique d’un contrat social des nations s’épuise dans la passion de la revanche et le désir de grandeur restaurée. Au final, la promesse vague que le Directoire récompensera la République genevoise d’une possible inclusion dans les traités qui sont en négociation pondère à peine la brutalité du propos de Resnier (45).

À l’inverse, le Conseil administratif en appelle dans un premier temps aux « principes d’égalité consacrés entre les deux Républiques (46) ». Ces principes militent pour s’en tenir à ce qui s’est pratiqué à Paris après l’accréditation de Reybaz, soit le dépôt de l’étendard avec une simple note d’envoi. Si les magistrats se réfèrent à la communauté des principes issus de la Révolution, c’est avant tout pour ranimer l’ancienne norme sur l’égalité juridique des États souverains et mieux éviter la restauration des règles coutumières de la préséance. Néanmoins, les conseillers sont sensibles à l’argument de l’inclusion dans les futurs traités de paix. Après une négociation orageuse de deux jours sur le déroulement de la cérémonie, elle a enfin lieu le 14 janvier 1796 (47) .

Le sautier se rend peu après midi auprès de Resnier pour l’avertir de l’arrivée de la députation du Conseil composée des administrateurs Des Gouttes, François Gaillard, Jean-Salomon Victor et Jean Garnier. La procession qui se dirige vers l’Hôtel de ville, outre Resnier, est formée des deux secrétaires de la légation, du secrétaire particulier de l’envoyé extraordinaire et du président de l’administration du canton de Ferney-Voltaire. Les honneurs militaires sont rendus devant la Maison de ville, un officier à la tête d’un bataillon battant aux champs. Le Procureur général reçoit Resnier dans l’antichambre de la salle d’audience et le conduit à sa place, à la droite du syndic président, sur un siège à la même hauteur que ceux des syndics. À son entrée, les membres du Conseil descendent de leurs sièges, seuls les syndics gardent leurs places. Les membres de sa compagnie et les autorités constituées sont disposés sur une banquette à l’intérieur du parquet. Resnier remet le drapeau français entre les mains du syndic qui le passe à son tour au représentant du Département de la force publique.

La cérémonie se conclut par le discours de l’envoyé extraordinaire qui présente le drapeau national comme le « gage de l’alliance des Français avec la République de Genève et comme un témoignage authentique des sentiments qui unissent les magistrats des deux peuples (48) ». En précisant que cette cérémonie ne procède pas seulement du simple échange de bannières, Resnier altère aussitôt la logique de la réciprocité du don à laquelle sont attachés les magistrats genevois. Le drapeau offert par le Directoire n’est donc plus la contre-prestation d’un don antérieur, mais la marque de l’alliance exclusive entre la Grande Nation et une petite République, un antidote à la tentation helvétique de certains élus genevois, tentation qui ne sert que les intérêts de l’ennemi anglais. Au terme de cette harangue, si Samuel Mussard, le président du Conseil administratif, concède la fraternité des principes qui consacrent l’alliance des Républiques, c’est pour mieux réhabiliter la notion de réciprocité et d’abord une « réciprocité d’affection aussi franche que sincère » dont l’échange des drapeaux est l’expression même. Selon Mussard, le « drapeau genevois appendu aux voûtes du Palais national français (…) l’atteste à Paris, et le drapeau français vient retrouver ici le même langage ». Quant au désir d’exclusivité de la France, le président du Conseil ne manque pas de rappeler la destination finale du drapeau tricolore qui, dans le temple de Saint-Pierre, rejoindra les étendards suisses et américain. Leur réunion rappellera les deux pôles de la diplomatie multilatérale genevoise, l’« ancienne alliance fondée sur l’amitié et le bon voisinage et (…) celle que l’unité de principes a tacitement consacrée ».

Certes, la cérémonie est suivie d’un « repas républicain » donné dans la résidence de France au cours duquel les convives portent des santés à l’alliance des deux Républiques et à la conservation de la démocratie. Il n’empêche que Resnier déplore le ton réservé du Conseil et son obstination dans la voie d’une diplomatie qui ne soit pas exclusivement redevable de la France. Recevoir le drapeau national avec l’« apparence de la froideur » rend les intentions des autorités genevoises suspectes (49) .

La disqualification thermidorienne du processus révolutionnaire implique la résurgence du vieil objectif de la diplomatie française à Genève qui consiste à réduire le plus possible l’étroitesse des liens entre la République lémanique et les cantons protestants de Zurich et de Berne (50) . La mutabilité des significations attribuées à l’échange des drapeaux genevois et français implique la mise en cause de la dimension de fraternité et de réciprocité d’un geste qui devient équivoque, sinon franchement hostile pour la République genevoise. Dès Thermidor, et plus encore après l’installation du Directoire, domine l’idée que terminer la Révolution implique la stabilisation politique intérieure et la garantie d’une « paix glorieuse et durable » à l’extérieur (51) . Cet horizon d’attente suppose un coup d’arrêt de la politique extérieure française de l’an II qui reposait sur une fraternité de principes avec les régimes républicains démocratiques, notamment les États-Unis et Genève, et se doublait de la volonté d’interposer une ligue d’États neutres entre la France et les puissances coalisées. Or le projet directorial de réintégrer la France dans sa place au sein de l’Europe comme arbitre et puissance stabilisatrice implique de privilégier non plus les États neutres et les régimes « frères », mais d’engager des négociations séparées avec les monarchies de façon à diviser la coalition.

Ce changement de stratégie diplomatique s’accompagne de la montée en force d’un discours qui articule la puissance républicaine à la question des frontières « naturelles » de la France, partagé par la plupart des thermidoriens et des directoriaux (52). Alors que la République, jusqu’en Thermidor, était considérée comme un « espace politique de citoyenneté », elle se conçoit progressivement comme un « espace économique délimité par ses frontières naturelles » tandis que les voix qui s’opposent aux annexions sont assimilées aux royalistes (53). Entre octobre 1795 et mars 1796, cette nouvelle direction politique aboutit à l’annexion de la Belgique et au début de la guerre d’Italie (54).

Expansion militaire, puissance économique, frontières naturelles, volonté d’arbitrage géostratégique : tels sont les mots-clés qui se conjuguent pour inscrire le contentieux autour du don du drapeau français dans un contexte défavorable à la République de Genève. La logique de territorialisation de la souveraineté disqualifie les rapports de réciprocité sur lesquels s’arc-boutent les discours républicains de Monroe et de Reybaz à la Convention, en septembre 1794 (55). Comme le rappelait Resnier, un nain ne vaut pas un géant. Le territoire genevois, « grain de poussière (56) » enclavé et morcelé, est en contradiction avec la nouvelle rationalité géopolitique qui privilégie la massification des États territoriaux, peu importe qu’ils soient dotés d’un régime semblable à celui de la France. On retrouve cette idée, développée jusqu’aux conséquences ultimes, sous la plume d’un journaliste du Moniteur, en juin 1796 : « Une réduction dans le nombre des puissances formerait des masses qui se tiendraient en équilibre et en paix. Tous ces petits États dont les territoires sont enclavés, dont la neutralité, la passivité, la lâcheté a souffert le despotisme autrichien sur terre, et sur leurs côtes et dans leurs ports, l’insolence et la cruauté des Anglais, seraient effacés du monde politique (57). »

Le drapeau français, reçu de façon si contraire aux règles de la fraternité mutuelle proclamée après la chute de Robespierre, n’a plus pour fonction de symboliser l’identité des principes démocratiques partagés en France et à Genève. En revanche, il impose l’image de la France comme un État maître d’un territoire souverain dont les limites ne sont pas encore tout à fait arrêtées, qui est bien décidé à s’emparer de la première place dans un système international où il coexistera avec les principales monarchies. Pourquoi les rives du Léman ne formeraient-elles pas une frontière naturelle légitime pour la Grande Nation (58) ? Les victoires italiennes de Bonaparte et l’élaboration progressive de la stratégie des Républiques sœurs répondront bientôt à la question.

Enfin, les actions individuelles, les impératifs géostratégiques mouvants, dont il ne faut jamais surestimer le caractère à la fois rationnel et prémédité (59), et les rhétoriques idéologiques, qui ont souvent une fonction interprétative rétroactive, s’emboîtent de manière complexe pour donner à l’échange des drapeaux la signification d’un manquement grave aux formes cérémonielles de la réciprocité politique.

Notes

(1) AEG PH 5398 bis B, Discours du citoyen Reybaz, ministre de la République de Genève près de la République française, prononcé dans la séance de la Convention nationale, le 6 fructidor (23 août 1794), lors de la présentation de ses lettres de créance, et réponse du président. Voir aussi la Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 338, p. 573-574. B. BACZKO, « Rousseau au Panthéon », art. cit., p. 191-211 ; M. PETER, Genève et la Révolution. Le gouvernement constitutionnel (…), op. cit., p. 29 ; J. BENETRUY, L’atelier de Mirabeau. Quatre proscrits genevois dans la tourmente révolutionnaire, Genève, Mémoires et documents publiés par la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, t. XLI, A. Jullien, 1962, p. 444-445.

(2) AEG PH 5398 bis B, Reybaz à l’administrateur Delaplanche, Paris, 22 fructidor an II, 8 septembre 1794.

(3) Ibid., Bulletin de la Convention nationale. Séance du 22 fructidor an II, extrait imprimé.

(4) Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 353, 23 fructidor an II, 9 septembre 1794, séance du 22 fructidor an II, p. 704.

(5) Ibid., n° 358, 28 fructidor an II, 19 septembre 1794, séance du 25 fructidor an II, p. 739.

(6) AEG PH 5398 bis B, Reybaz à l’administrateur Delaplanche, s.d.n.l.

(7) J. BAILLOU (dir.), op. cit., p. 344.

(8) AEG RC 307, 14 janvier 1796, p. 1105-1107.

(9) Dans un autre contexte, sur le lien entre l’intervalle temporel et la fiction du don gratuit, P. BOURDIEU, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Seuil, 1994, p. 178. ; idem, « Post-scriptum I : la double vérité du don », Méditations pascaliennes, Paris, Vrin, 1997, p. 229-240.

(10) H. DE BALZAC, Une ténébreuse affaire (1840-1841), R. GUISE (éd.), Paris, Gallimard, 1973, p. 31. Sur le rapport entre le mythe de la jeunesse éternelle et le vieillissement prématuré au cœur des représentations du processus révolutionnaire, B. BACZKO, Comment sortir de la Terreur (…), op. cit., p. 351-353.

(11) M. BELISSA, Repenser l’ordre européen (…), op. cit., p. 65-87. Voir aussi R. LUGO LOVATON, El tratado de Basilea, Ciudad Trujillo, Ed. Mont Alva, 1951 ; R. GUYOT, Le Directoire et la paix de l’Europe, des traités de Bâle à la deuxième coalition 1795-1799, 1911, Genève, Slatkine, 1977 ; J.-R. SURATTEAU, « La politique du Directoire à l’égard de l’Allemagne de 1795 à 1799 d’après les papiers du Directeur Reubell », Annales historiques de la Révolution française, n° 255-256, 56e année, janvier-mars, avril-juin 1984, p. 259-277 ; D. BOUREL, « Zwischen Abwehr und Neutralität. Preussen und die Französiche Revolution 1789 bis 1795 / 1795 bis 1803/06 », in O. BÜSCH, M. NEUGEBAUER-WÖLK (dir.), Preussen und die revolutionäre Herausforderung seit 1789, Veröffentlichungen der Historischen Kommission zu Berlin, Band 78, Forschungen zur preussischen Geschichte, Berlin, 1991, p. 43-58.

(12) E. GOLAY, op. cit., p. 587-614.

(13) AEG RC 304, 20 août 1794, p. 600-602. La correspondance publique entre les cantons et Genève avait été interrompue dès la Révolution de décembre 1792. Les officiers bernois en pays romand ont toutefois maintenu des contacts particuliers avec les Genevois. Les relations officielles ont repris dès l’entrée en fonction des autorités constitutionnelles genevoises, le 13 avril 1794. M. PETER, op. cit., p. 10.

(14) E. GOLAY, op. cit., p. 591.

(15) AEG RC 304, 20 août 1794, p. 603.

(16) AEG RC 305, 10 février 1795, p. 1242-1244.

(17) AEG RC 304, 1er septembre 1794, p. 612.

(18) Ibid., 27 septembre 1794, p. 706. O. COQUART, Jean-Paul Marat, Paris, Fayard, 1993, p. 43 ; C. GOËTZ, Marat en famille. La saga des Mara(t), 2 vol., Bruxelles, Pôle Nord, 2001.

(18) AEG RC 305, 17 février 1795, p. 1266. Le 8 février, la Convention décrète que les cendres de Marat quitteront le Panthéon.

(19) AEG RC 304, 23 septembre 1794, p. 696.

(20) AEG RC 305, 22 décembre et 26 décembre 1794, p. 1053-1054.

(21) Ibid., 26 décembre 1794, p. 1055.

(22) Félix Desportes au Comité de salut public, Genève, 24 frimaire an III, 14 décembre 1794. AN AF III 67, dossier 273, plaq. 1, pièce n° 62.

(23) Le Comité de salut public à Félix Desportes, Paris, 3 nivôse an III, 23 décembre 1794, minute. AN AF III 67, dossier 273, plaq. 1, pièce n° 61.

(24) AEG RC 305, 20 février 1795, p. 1275-1276.

(25) Félix Desportes au Comité de salut public, Genève, 16 nivôse an III, 6 janvier 1795. AN AF III 67, dossier 273, plaq. 2, pièce n° 80.

(26) AEG RC 305, 23 et 28 mars 1795, p. 1375, 1381 et 1397.

(27) Félix Desportes au Comité de salut public, Genève, 6 pluviôse an III, 26 janvier 1795. AN AF III 67, dossier 273, plaq. 2, pièce n° 105. Voir aussi RC 305, 25 janvier 1795, p. 1183.

(28) Félix Desportes au Comité de salut public, Genève, 7 ventôse an III, 26 février 1795. AN AF III 67, dossier 273, plaq. 2, pièce n° 147, y compris la citation suivante.

(29) Desportes pense sans doute ici à la Révolution française à Genève dans laquelle François d’Ivernois vise nominalement les diplomates français et les principaux membres des autorités révolutionnaires genevoises en les accusant de se prêter aux objectifs politiques de la Grande République, destructeurs de l’indépendance de Genève. F. D’IVERNOIS, La Révolution française à Genève. Tableau historique et politique de la conduite de la France envers les Genevois, depuis le mois d’octobre 1792, au mois d’octobre 1794 (BR 4875). Voir la réponse d’A. BOUSQUET, Précis historique de ma conduite dans la révolution du mois de juillet (BR 5149) qui paraît le 26 février 1795.

(30) Félix Desportes au Comité de salut public, Genève, 7 ventôse an III,26 février 1795. AN AF III 67, dossier 273, plaq. 2, pièce n° 147. M. PETER, op. cit., p. 40-41.

(31) BGE Archives Tronchin 181. Félix Desportes à François Tronchin, Saint-Jean, 18 messidor an III, 6 juillet 1795.

(32) BGE Archives Tronchin 181. Félix Desportes à François Tronchin, Genève, 4 pluviôse an III, 23 février 1795 ; les mêmes, Genève, 1er frimaire an IV, 22 novembre 1795.

(33) Félix Desportes au Comité de salut public, Genève, 7 ventôse an III, 26 février 1795. AN AF III 67, dossier 273, plaq. 2, pièce n° 147.

(34) Félix Desportes au Comité de salut public, Genève, 26 pluviôse an III, 15 février 1795. AN AF III 67, dossier 273, plaq. 2, pièce 130, y compris la citation suivante.

(35) AEG RC 307, 21 et 24 novembre 1795, p. 918, 935-936. M. PETER, op. cit., p. 94-95.

(36) F. BARBEY, Félix Desportes…, op. cit., p. 49-50.

(37) Charles-François Delacroix à Resnier, 9 nivôse an IV, 30 décembre 1795, minute. MAE CPG, vol. 103, f° 419-420.

(38) H. MITCHELL, The Underground War against Revolutionary France. The Missions of William Wickham 1794-1800, Oxford, Clarendon Press, 1965, p. 51 et passim ; C. D. BOURCART, « William Wickham, britischer Gesandter in der Schweiz, 1794-1797 und 1799, in seinen Beziehungen zu Basel », in Basler Zeitschrift für Geschichte und Altertumskunde, Basel, Band 7, n° 1, 1908, p. 1-78 ; W. WICKHAM (éd.), The Correspondence of the Right Honourable William Wickham from the Year 1794, 2 vol., London, R. Bentley, 1870.

(39) Wickam épouse en 1788 Éléonore Madeleine Bertrand, fille du professeur genevois Louis Bertrand. Les trois sœurs d’Éléonore, Sara, Marie et Julie, sont respectivement mariées à Charles Tronchin, Jacob Martin et Isaac Pictet, chargé des affaires du roi de Sardaigne. H. MITCHELL, op. cit., p. 44-45.

(40) Delacroix à Resnier, Paris, 9 nivôse an IV, 30 décembre 1795, minute. MAE CPG, vol. 103, f° 419-420.

(41) AEG RC 307, 12 janvier 1796, p. 1094.

(42) Resnier à Delacroix, Genève, 26 nivôse an IV, 15 janvier 1796. MAE, CPG, vol. 104, f° 47-49.

(43) AEG RC 307, 8 janvier 1796, p. 1068-1069.

(44) Le traité de paix franco-sarde du 15 mai 1796, signé après la victoire militaire de Bonaparte à Mondovi, inclut les Bataves, mais ne dit rien de Genève. Le traité sanctionne pourtant la cession de la Savoie et de Nice à la France, enclavant définitivement la République de Genève dans le territoire français. M. PETER, op. cit., p. 137 et passim.

(45) RC 307, 6 janvier 1796, p. 1066.

(46) AEG RC 307, 12 janvier 1796, p. 1088, 1090-1094, et 13 janvier 1796, p. 1097.

(47) Discours du citoyen Resnier, en remettant le drapeau aux couleurs de la République française, le 14 janvier 1796, l’an 5 de l’Égalité genevoise, suivi du Discours du citoyen syndic Mussard, président du Conseil administratif, en réponse au précédent, De l’imprimerie de Luc Sestié. MAE CPG, vol. 103, f° 317-323.

(48) Resnier à Delacroix, Genève, 16 nivôse an IV, 15 janvier 1796. MAE CPG, vol. 104, f° 47-49.

(49) À titre d’exemple, le baron de Montpéroux au marquis de Puyzieulx, Genève, 9 mai 1750. MAE CPG, vol. 64, f° 112-114, et Discours de Monsieur Hennin, résident de Sa Majesté Très Chrétienne près la République de Genève. Prononcé au Magnifique Conseil le vendredi 27 ,sic, 28, décembre 1765, joint à la dépêche de Hennin au duc de Praslin, Genève, 30 décembre 1765. MAE CPG, vol. 70, f° 505-508.

(50) M. BELISSA, Repenser l’ordre européen, op. cit., p. 67.

(51) M. BELISSA, Fraternité universelle, op. cit., p. 409-432.

(52) Ibid., p. 411 et 413.

(53) J. GODECHOT, La Grande Nation. L’expansion révolutionnaire de la France dans le monde, de 1789 à 1799, Paris, Aubier, 1983, p. 184 ; M. BELISSA, « Garran de Coulon, la conquête de la Belgique et l’élaboration d’un nouveau droit public », Revue du Nord, n° 331, juillet-septembre 1999, p. 549-559.

(54) Sur les rapports entre souveraineté et territoire, M. FOUCAULT, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France. 1977-1978, Paris, Gallimard, Seuil, 2004, notamment p. 14 et passim.

(55) A. PALLUEL-GUILLARD, L’Aigle et la Croix. Genève et la Savoie 1798-1815, Yens s/Morges, Cabédita, p. 529.

(56) La Gazette nationale ou Le Moniteur, n° 267, 27 prairial an IV, 15 juin 1796, p. 1065-1066. Dans le même esprit, voir le « Rapport sur des pièces présentées par le citoyen Soulavie relatives à Genève et au ministre Gasc, remis le 21 fructidor an IV » (7 septembre 1796), minute. AN AF III 68, dossier 275, pièce 94.

(57) M. BELISSA, « La question des frontières naturelles pendant la Révolution et l’Empire », in C. MAZAURIC et J.-P. ROTHIOT, op. cit., p. 117-128.

(58) B. BACZKO, Politiques de la Révolution française, Paris, Gallimard, 2008, p. 615.