Jacques

As-tu lu l'article sur le livre de François Bayrou, à 20 minutes, Au nom du tiers état, intitulé "Le centriste qui voulait faire la révolution" ? Ce livre est paru la semaine dernière en librairie: il avait déjà fait l'objet, avant parution, d'un commentaire ironique dans Libération sur ce « professionnel de la politique » qui se transporte en 1788, avec l'aide du bon mot de Sieyès à propos du Tiers-Etat qui, n'étant "rien", sera "tout" en voulant devenir "quelque chose".

Florence

De quoi s'agit-il ? Que dire de cette référence à l'immortel (hélas!) Sieyès...J'ai lu, ailleurs, que Bayrou avait eu la merveilleuse idée de former un gouvernement avec de la gauche et de la droite mélangées. Il m'a semblé qu'il était un peu en retard et que Chirac faisait cela très bien, et depuis fort longtemps, avec Mitterrand pour commencer, puis du plus sérieux pour continuer en 1995, avec, par exemple, Blandine Kriegel, qui a le mérite d'être intelligente, et d¹autres...Alors, mon cher Jacques, ne nous laisse pas plus longtemps sur des charbons ardents, et parle-nous de ce que Bayrou a imaginé de plus fort encore que Chirac...



Jacques

Il est dit, dans les extraits que nous en propose le site de l'UDF, et aussi sur 20 minutes, de sa longue préface, à ce qui s'avère par ailleurs un recueil de ses discours, que "juste avant la révolution de 1789, le pouvoir absolu était enfermé à Versailles et n'en sortait pas. On sait ce qui lui en coûta. Le pouvoir enfermé est de retour, le pouvoir à qui personne n'a le droit de parler", et qu'il convient donc d'emprunter de nouveau le chemin vers la démocratie avec l'aide de Sieyès. Ainsi la célèbre citation du début de Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? se trouve à la fois en exergue de l’introduction, et au début du texte de la quatrième de couverture. Plus précisément Bayrou écrit: « En 1789, à la veille de la Révolution, quelques semaines avant que la tourmente ne se déclenche, Sieyès lança sa proclamation en trois questions-réponses : « Qu'est-ce que le tiers état ? Tout. Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? A devenir quelque-chose. » Cela vaut aussi pour la France d'aujourd'hui, car Sieyès ajouta : « Qu'est-ce qu'une nation ? Un corps d'associés vivant sous la loi commune et représentés par la même législature. ».

Florence

Je viens aussi d'y faire un tour et j'ai trouvé un court texte de Bayrou. Le beau rappel qu'il fait de la fonction des députés, représentants du peuple, s'affaiblit hélas, dès que l'on rapproche ce principe du choix Bayrou contre l'avis du peuple exprimé le 29 mai 2005. Dommage ! Bayrou ! Je reste donc prudente, faire cela avec des pincettes : se moquer de l'inconsistance de ces principes qu'il rappelle, à si juste titre, mais est-ce pour les violer à nouveau dans la phrase suivante, ou dans le énième "projet politique" que l'UDF propose ? N'oublions pas que le Papy UDF, sa majesté Giscard d'Estaing, est le papa de cette constitution européenne archi-despotique et dont l'objectif premier était bien de supprimer le principe de souveraineté des peuples... Diable...comment peut-on prendre au sérieux des gens pareils ? Sans doute, en mettant en lumière leurs contradictions ?... ce qu'un enfant de 8 ans serait capable de faire, non

Jacques

Oui, je te suis tout à fait dans les termes que tu utilises: prudence, pincettes, manque de prise au sérieux... Il importe de dénoncer une telle inconsistance dans les énoncés contradictoires des constats et des propositions. Peut-on dénoncer " esprit de cour, intérêts particuliers, verrouillage, absence de contre-pouvoirs, et de séparation des pouvoirs, Parlement tenu en laisse, citoyens sans représentation, relations incestueuses entre exécutif, législatif, judiciaire, économie et médias" pour aussi vite affirmer son attachement indéfectible à "la liberté de l'entreprise" séparée de "la tyrannie de l'argent"(sic) ! J'écrirai bien quelque chose, en réponse au présent "retour en 1789" de Bayrou, du genre "Le Tiers-Etat expliqué à mon jeune fils" dans le style Père Duchesne, et très centré sur la Constitution, et son équivalence avec la Déclaration des droits dans le domaine des principes et de leur effectivité. Le rappel donc de quelques bonnes vérités contre ce galimatias, "ces foutus raisons sans raison" comme dit le Père Duchesne.

Epilogue

Ah, d'après Le Figaro, Bayrou en costume révolutionnaire, nous l'attendions, le voilà donc. Nous serions ainsi, d'après les voix autorisées citées, dans la stratégie du "syndrome de la forêt de Sherwood". Un nouveau Robin des bois, « voix des sans-voix », fait son apparition au milieu des arbres et défait les classes dominantes pleines de trouille devant le peuple. Un proche de Pasqua aurait dit: "Ça fait un moment qu'il faut un révolutionnaire dans ce pays. Le voici ! ». Méchante voix en faveur d’une nouvelle figure politique, "le centriste révolutionnaire". Faut-il rappeler que Marx, dans ''Le 18 brumaire de Louis Bonaparte'', s'interroge sur ces prétendus révolutionnaires qui empruntent la phraséologie de la Révolution française pour favoriser l'instauration de la société bourgeoise moderne. Qu'en est-il de ce secours inespéré de Bayrou en faveur d'une société libérale dont les "nouveaux dirigeants" sauraient favoriser la discrétion et la distance de manière à éviter tout affrontement au sein de l'opinion du peuple français, avec l'objectif prioritaire de persuader les citoyens des vertus essentielles du libéralisme économique ?

Commentaire de Françoise

Bon, je vous em… bien, Père Duchêne, à vouloir "modérer" vos ardeurs dialogueuses. Mais, c'est normal, je suis le Père Gérard.

Le paysan:

De quoi, j'apprenons qu'on veut parler de Bayrou sur notre site ? Mais c'est un site de recherche et qui ne prend le présent en compte que pour la recherche.

Père Gérard:

Voyons, mon ami, tu sais bien que tu as beaucoup ri de la bande annonce du film de S. Coppola et que tu as tiré, en couleur, le dessin de Plantu...

Le paysan (embarrassé, c'est normal):

Oui, Père Gérard, mais (il est têtu), c'est un site de diffusion de la recherche, alors la campagne électorale pour 2007... Car si on commence, on va mettre tout. On va s'interroger: "Le royalisme est-il, ou non, une forme de jacobinisme?" Encore: "le taubirisme est-il une manière adéquate de faire triompher les principes du côté gauche ?" et encore: "le bovéisme n'est-il pas une préfiguration - forcément herméneutique - du bovarysme"?

Salut les amis, votre vraie soeur de Bretagne

Françoise